Tiré du blogue de l’auteur.
« Je n’ai pas peur de Berlusconi lui-même, mais du Berlusconi qui est en moi » disait le grand auteur-compositeur Giorgio Gaber. Là se trouve sans doute la marque du berlusconisme qui a imprégné la société italienne depuis son entrée sur la scène politique en 1994. Et rien n’indique qu’elle n’en garde pas les stigmates.
Berlusconi était, alors, tout à la fois le produit de l’écroulement des partis traditionnels emportés par les scandales financiers et du triomphe de la vague néolibérale. Il a bâti son parti-entreprise, exclusivement composé à l’origine de cadres de ses sociétés qu’elles soient immobilières, publicitaires ou médiatiques, sur l’idéologie du « fare » (du faire) et de la réussite individuelle à tout prix dont il se voulait le modèle exalté par son empire médiatique.
Une idéologie qui n’a pas fini de faire des ravages et qui a rencontré peu de résistance durant les 20 années où il a régné sur l’Italie — on parlait alors du « ventennio » berlusconien.
Trois fois Premier ministre entre 2001 et 2011, il détient le record de présence au pouvoir dans l’histoire de la République italienne. Berlusconi a été, si l’on peut dire triplement « novateur ». Il a été le premier à cumuler sans limites les pouvoirs économiques, médiatiques et politiques. Ce qui lui a, notamment, permis de se tailler des lois faites sur mesure pour protéger ses intérêts personnels (lois « ad personam »).
Il a inauguré une nouvelle forme de populisme de gouvernement. C’est lui aussi qui, en primeur, a associé l’extrême-droite au gouvernement. D’une certaine manière Berlusconi annonçait Trump.
Pendant longtemps il a triomphé de toutes les affaires : conflits d’intérêts, fraudes fiscales, bilans truqués, corruptions, accointances mafieuses, scandales sexuels, y compris proxénétisme de mineures, etc. C’est seulement en 2012 qu’il sera condamné pour fraude fiscale et, dans la foulée, déchu de tous ses mandats publics jusqu’en 2019. Il sera à nouveau élu sénateur en 2022, mais désormais à la tête d’un parti affaibli qui n’est plus qu’une force d’appoint pour la droite et l’extrême droite.
Durant sa domination, le berlusconisme a bénéficié de l’extrême faiblesse du centre gauche incapable de lui opposer un modèle alternatif et qui, même quand il était au gouvernement, ne réussit pas — ou ne voulut pas- faire adopter une loi sur les conflits d’intérêts, seul instrument capable de contrecarrer sa marche victorieuse.
Berlusconi est mort ce 12 juin 2023 à l’âge de 86 ans, mais le berlusconisme, lui, ne s’est pas effacé même s’il prend aujourd’hui d’autres formes et d’autres appellations.
Il laisse à la droite et à l’extrême droite une stratégie qui a fait ses preuves : l’anticommunisme sans communisme. Le « caïman » n’a cessé tout au long de sa vie politique de mener un combat contre un adversaire disparu corps et bien – le parti communiste italien s’est sabordé en 1991 et n’a pas eu d’héritier — ce qui lui a permis de vendre au mieux le « bouclier » du libéralisme et du marché.
De ce point de vue la coalition de la droite et de l’extrême droite aujourd’hui au pouvoir à Rome lui sera longtemps redevable.
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