“Nous regrettons de vous informer que votre emploi au sein d’Aveos Performance aéronautique inc. (« Aveos ») prend fin en date du 20 mars 2012.” (extrait de la lettre de mise à pied de la compagnie http://www.aveos.com/FR/Documents/Operations/Termination Letter - All Employees (FR).pdf). C’est en ces termes froids et laconiques qu’Avéos a signifié à ses employéEs qu’elle mettait un terme à ses activités à Montréal, Mississauga et Winipeg. Ce geste s’inscrit dans une stratégie dont Air Canada est complice sous l’oeil approbateur du gouvernement Harper de délocaliser ses opérations vers le Salvador.
Air Canada a affirmé dans un communiqué “sa déception quant à la décision d’Aveos Performance aéronautique inc. de rejeter son offre de 15 M$ en fonds d’urgence et de mettre fin à ses activités de façon définitive.” (http://aircanada.fr.mediaroom.com/index.php?s=43&item=524)
Pourtant , selon des syndiquéEs rencontrés sur place à Québec, il semble qu’Air Canada n’avait qu’à payer les travaux déjà effectués pour faire entrer 60M$ dans la caisse d’Avéos. Que des travaux d’entretien sur une dizaine de moteurs étaient prévus dans les prochaines semaines pouvant rapporter quelques dizaines de M$ à l’entreprise. Bref, que la situation n’est pas aussi sombre que le prétendent Avéos et Air Canada. Toutefois, peu sont surpris de la tournure des événements. « La stratégie de la compagnie n’a pas fait de doute. Les dirigeants veulent délocaliser les travaux dont la part de salaires est la plus importante vers des lieux où la main d’oeuvre est à rabais et où les normes d’entretien sont plus “souples” ».
Les histoires d’horreurs concernant les défaillances techniques sur des appareils dont l’entretien a été effectué sans que les employéEs ne détiennent la qualification pour les exécuter sont légions. Des fils branchés à l’envers, des indicateurs qui indiquent le contraire de ce qu’ils devraient, elles sont nombreuses les situations qui militent en faveur de normes sévères dans ce domaine. C’est un argument central des syndiqués. Ils mettent en doute les assurances fournies par la compagnie que les travaux d’entretien ne souffriront pas de telles lacunes.
Par ailleurs, Robert Milton, ex-PDG d’Air Canada et qui a fondé ACE Aviation suite à la faillite provoquée d’Air Canada en 2004 aura empoché 52 M$ au passage grâce notamment à la privatisation des services d’entretien d’Air Canada au profits d’Avéos. Les actionnaires d’Air Canada quant à eux recevront au cours du prochain mois autour de 300M$ en transfert d’actions et en espèces. L’offensive contre les salariéEs de l’entreprise (pilotes, bagagistes, préposéEs aux guichets, etc.) vise à bonifier ces rendements scandaleux.
Le PQ et le PLQ à la rescousse ?
Suite au vote unanime de l’Assemblée nationale, le ministre Sam Hamad s’est engagé à prendre les mesures judiciaires nécessaires à l’arrêt du démentellement d’Avéos. Le PQ, présentateur de la motion, a tenu le même langage. Toutefois, ni l’un ni l’autre n’a remis en question le rôle d’Air Canada et du gouvernement fédéral dans ce dossier, se limitant à un éventuel front commun des trois provinces concernées (Québec, Ontario et Manitoba). De telles démarches seront-elles suffisantes pour faire fléchir Avéos, Air Canada et le gouvernement Harper dans leur volonté de délocaliser les opérations vers le Salvador ? Il est permis d’en douter.
Jusqu’à aujourd’hui, seule la mobilisation des travailleuses et des travailleurs a maintenu la pression sur la direction. Des démarches au sommet peuvent-elles faire reculer Avéos et remettre en question la stratégie de l’employeur qui souhaite de toute évidence imposer une baisse importante des salaires et opérer des coupures importantes dans sa contribution au fonds de retraites des employéEs et, si possible se débarrasser du syndicat ? Si de telles démarches ne sont pas inutiles, seule la mobilisation large peut imposer la réouverture d’Avéos. Air Canada quant à elle semble privilégier la solution éclatée de prendre entente avec de petites entreprises ce qui aura sans doute des impacts sur les droits acquis des salariéEs en terme de conditions de travail et de régimes de retraites..
Le gouvernement Harper fait l’autruche
Le gouvernement Harper, par intermédiaire de son ministre Denis Lebel a pris la posture de l’autruche dans le conflit. Faignant de ne pas voir en quoi le gouvernement devrait intervenir dans le dossier qualifié de “privé” alors que récemment le gouvernement fédéral n’a pas hésité à se ranger du côté de l’employeur à la Société des postes, dans le conflit avec les pilotes et les bagagistes d’Air Canada. Le ministre Lebel cherche à se défiler. Il a fait montre de mépris envers les salariéEs d’Avéos prétextant qu’il s’agit d’un conflit privé alors que selon le Air Canada Act (voir article 6D) d) des dispositions l’obligeant à maintenir les centres d’entretien et de révision dans les villes de Winnipeg et Mississauga et dans la Communauté urbaine de Montréal sont inscrites. Il est clair qu’Air Canada doit maintenir ses opération de réparation et d’entretien dans les régions de Montréal, de Mississauga et de Winnipeg. Le gouvernement Harper a décidé de référer le dossier au Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités suite à une nouvelle manifestation des employéEs à Ottawa.
Pour une riposte à la hauteur des défis
Les fermetures d’entreprises se multiplient au Québec. Plusieurs montrent des aspects de plus en plus révoltants (les centres d’appels d’IQT, Papiers White Birch, Resolu, Groupe RGR, Rio Tinto Alcan, Shell, Électrolux, Mabe, Pfizer, Couche-Tard, Wallmart, Technicolor). Le patronat fait preuve d’arrogance et le capital est à l’offensive sur tous les fronts. Partout dans le monde, l’oligarchie résiste malgré des mobilisations imposantes. Dans ce contexte, les résistances ouvrières se déroulent de façon plus ou moins isolée.
Pour renverser le rapport de force, les organisations ouvrières, les centrales syndicales doivent bâtir des solidarités comme celle qui se dessine dans le cadre de la manifestation du 31 mars à Alma en soutien aux salariéEs de Rio Tinto Alcan. Les recours juridiques, les démarches s’appuyant sur le lobbying ont fait la preuve de leurs limites dans un contexte où le patronat est sans complexe et profite de la complicité des gouvernements pour faire payer le prix de leurs difficultés aux employéEs. Un front commun de tous les mouvements sociaux contre les fermetures d’entreprises et pour l’emploi est à l’ordre du jour des batailles à venir.
1- http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/A-10.1/TexteComplet.html