L’intensification de l’hostilité envers Nicolas Maduro s’inscrit notamment dans les récentes pressions du Groupe de Lima qui, dans sa Déclaration du 4 janvier, annonçait ne pas reconnaître la « légitimité du nouveau mandat présidentiel de Nicolas Maduro » et préparait une escalade de mesures détaillées qui, derrière la rhétorique du « rétablissement de la démocratie », a toutes les apparences d’un changement de régime dont le scénario est savamment programmé.
Ainsi, doit-on s’étonner que le Canada, pays membre du Groupe de Lima, par la voix de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, n’ait pas pris beaucoup de temps de réflexion avant de prendre parti. Au lieu d’appeler au dialogue et au respect du droit international, le Canada a été parmi les premiers pays à imiter l’administration Trump et à reconnaître Juan Guaidó, comme président intérimaire du Venezuela, auprès de gouvernements latino-américains de droite, incluant le Brésil, la Colombie et l’Argentine.
Que ce soit les messages de soutien à l’opposition vénézuélienne envoyés par le vice-président étatsunien Mike Pence ou bien l’ultimatum de six pays européens à Maduro demandant la tenue de nouvelles élections dans un délai de huit jours, nous assistons à une géopolitique de la démocratie à géométrie variable qui, loin de favoriser le dialogue pacifique, met en place un risque de guerre civile – voire la légitimisation d’une possible invasion militaire. Aussi, la reconnaissance de Guaidó comme président par intérim du Venezuela, d’ailleurs en non-conformité avec la Charte de l’Organisation des États américains, risque d’exacerber une polarisation sociale et politique dont c’est la population du Venezuela qui paie le prix fort. La population, surtout les plus pauvres, connaît déjà des souffrances inutiles en raison de l’inflation, la chute du PIB et des revenus du pétrole, en plus des dommages au quotidien causés par les sanctions économiques américaines illégales.
Alternatives tient à rappeler, qu’en vertu du principe de la souveraineté des États, c’est au Venezuela de déterminer les modalités de son système politique incluant le moment de la tenue d’élections, et ce, indépendamment des intérêts qu’ont les États-Unis ainsi que ses alliés pour un secteur politique plutôt qu’un autre. C’est aussi la prérogative de la souveraineté du Venezuela que de décider de la gestion de ses activités pétrolières. Le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole brut dans le monde et interviewé récemment, John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, ne s’est pas gêné pour indiquer sans équivoque que c’est l’exploitation du pétrole par les companies américaines l’intérêt premier des États-Unis au Venezuela.
La tentative de création d’un pouvoir paralèlle, autour de l’Assemblée nationale, ainsi que les multiples confrontations diplomatiques et économiques avec Maduro auxquelles nous assistons actuellement, qui s’apparentent à une déclaration de guerre, créent des conditions aux antipodes de la démocratie et qui de surcroît aggravent la situation humanitaire.
Finalement, rappelons que l’interventionnisme et la volonté de changer les régimes politiques a démontré plus d’une fois ses échecs et ce, dans de très récents exemples, tels que la Libye ou encore la Syrie. Des leçons doivent être tirées afin d’éviter une désastreuse aggravation de la situation et la mort de civils. Nous appelons le Canada à soutenir une solution de dialogue et de négociation dans le respect de la souveraineté du pays ainsi que des principes du droit international, et de veiller à ce que le Groupe de Lima maintienne sa position de non-intervention militaire face à la crise que traverse actuellement le Venezuela.
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