Tiré de El Watan.
Une très lourde peine a été prononcée jeudi par le tribunal de Khenchela à l’encontre de l’activiste Yacine Mebarki : 10 ans de prison ferme et un milliard de centimes d’amende, rapporte le Comité national pour la libération des détenus.
La participation à une manifestation et des publications d’avis sur les réseaux sociaux mènent systématiquement à des arrestations, aux tribunaux et enfin à la prison.
C’est devenu un rituel depuis quelques mois en Algérie. Il ne se passe pas un jour sans que des avocats et des défenseurs des droits de l’homme ne signalent des cas de militants politiques et d’activistes du hirak traînés devant la justice. La liste ne cesse de s’allonger.
A l’occasion du 5 octobre dernier, date anniversaire des événements ayant permis aux Algériens d’arracher des acquis démocratiques, au moins 90 personnes, selon le vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, Saïd Salhi, ont été arrêtées, maintenues en garde à vue et présentées devant la justice dans près de 25 wilayas.
Elles sont accusées, entre autres, d’« incitation à attroupement non armé » et « violation des mesures administratives (interdiction des rassemblements en raison de la situation sanitaire, ndlr) ».
Paradoxalement, c’est la liberté de manifester pacifiquement, arrachée grâce aux sacrifices des enfants d’Octobre 1988 et consacrée par toutes les Constitutions adoptées depuis 1989, qui devient le motif de l’arrestation et de l’emprisonnement des manifestants. La répression ne cesse de prendre de l’ampleur depuis le mois de mars 2020.
Jeudi dernier, deux rassemblements organisés à Alger et à Oran contre le féminicide ont été empêchés et la police a également procédé à des arrestations de plusieurs participants à cette action de solidarité avec la famille de la jeune Chaïma, sauvagement assassinée à Boumerdès. Elle s’accentue à l’approche du référendum sur le projet de la révision de la Constitution.
Sur sa page Facebook, le Comité national pour la libération des détenus d’opinion (CNLD) recense plus de 200 arrestations et détentions depuis le mois de mai dernier à nos jours. Ces cas s’ajoutent à ceux des détenus d’opinion qui attendent toujours des procès ou la fin de leurs jugements depuis 2019.
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« Criminalisation de l’expression sur les réseaux sociaux »
La répression concerne, depuis quelques mois aussi, l’expression sur les réseaux sociaux, notamment Facebook. Et ce sont, en général, des individus connus pour leur activisme dans le hirak qui en sont la cible. Ils sont convoqués systématiquement par les services de sécurité – s’ils ne sont interpellés chez eux– qui les traduisent ensuite devant la justice.
Pour divers chefs d’accusation, « préfabriqués », selon les avocats, cette dernière prononce de lourdes peines à leur encontre ou les place sous mandat de dépôt, devenu la règle depuis quelque temps déjà.
Cette traque de l’expression sur les réseaux sociaux et sa criminalisation font de l’Algérie, selon des observateurs, un pays singulier.
Il s’agit de l’un des rares pays au monde pratiquant la chasse à l’expression politique sur le Net. Mais face à un déluge de critiques dont ils font l’objet de la part des ONG et des organisations de défense des droits de l’homme, les tenants du pouvoir se justifient : « Face à l’atteinte à l’ordre public, l’Etat doit intervenir. » L’argument peine à convaincre, toutefois.
« Nous sommes sous état d’urgence qui ne dit pas son nom depuis sa levée formelle en 2011. Le hirak a apporté beaucoup d’espoirs et d’espérances pour le peuple algérien.
Malheureusement, toute cette énergie n’a pas été cristallisée pour changer de paradigmes politique et économique. On a privilégié le traitement sécuritaire et judiciaire d’une question éminemment politique », regrette Noureddine Benissad, président de la LADDH.
Selon lui, les détenus d’opinion « doivent être libérés et les droits de manifester et de s’exprimer pacifiquement respectés ». « Si on ne traite pas les causes qui ont amené le 22 février 2019, on ne fera que reproduire un système arrivé au bout de ses limites.
Je ne connais aucune transition politique, aucune crise, aucune guerre civile dans le monde qui n’a pas fini avec le dialogue et le consensus. Les Algériens sont fatigués des fractures et ont besoin de vivre dans une société de libertés », lance-t-il.
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