Tiré du blogue de l’auteur.
Les Etats-Unis y étaient représenté par le vice-président Mike Pence, la Chine par le président Xi Jinping. Or, pour la première fois depuis sa création en 1989, l’APEC n’est pas parvenue à se mettre d’accord sur un communiqué commun. Les Etats-Unis voulaient y inclure la nécessité d’une réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les Chinois s’y sont opposés.
La réforme de l’OMC consistait pour les Etats-Unis, en simplifiant beaucoup, a contester son rôle de champion de l’ouverture économique des frontières dans la perspective d’une « mondialisation libre et partagée ». La Chine au contraire voulait s’opposer à la généralisation des taxes américaines sur ses exportations aux Etats-Unis, qui semblent avoir des effets non négligeables sur son produit national actuel, en provoquant un net ralentissement de la croissance chinoise.
Derrière cette confrontation apparemment seulement technique, se jouent des enjeux de pouvoir très importants, tant à Washington qu’à Pékin. Donald Trump, déjà en difficulté par ailleurs, fonde son avenir politique sur la poursuite du soutien que sa politique protectionniste essentiellement anti-chinoise reçoit des milieux économiques et de l’électorat de la ceinture industrielle américaine mis à mal par les importations de produits chinois. Il ne pouvait absolument pas paraître revenir en arrière lors de la réunion de l’APEC.
Au contraire Xi Jinping et avec lui le PC chinois tirent leur force des 300 à 500 millions de citoyens de la Chine urbaine et industrialisée qui approuvent sa politique de mondialisation, autrement dit pour être plus précis sa politique visant exporter partout, y compris aux Etats-Unis, les produits industriels et activités commerciales chinoises bénéficiant des bas salaires et du peu de protection sociale encore courant en Chine.
L’Union européenne et plus particulièrement la France, par définition non-présentes à Port Moresby, jouent actuellement leur avenir politique sur leur capacité à imposer la mondialisation, c’est-à-dire l’ouverture à une concurrence « libre et sans barrières », de leurs pays, face aux exigences de protectionnisme, essentiellement anti-chinois. qui se renforcent en Europe. Autrement dit, l’UE se range pour le moment dans le camp chinois.
Vers une vraie guerre entre les Etats-Unis et la Chine ?
La réunion de l’APEC ne s’est pas bornée à ces confrontations commerciales entre les États-Unis et la Chine. Elle a enregistré une quasi déclaration de guerre, et pas seulement de guerre froide, provenant des Etats-Unis contre la Chine et la volonté de Pékin d’y répondre dans les mêmes termes.
Dans son discours du 17 novembre, Xi Jinping a mis en garde contre les conséquences catastrophiques de l’aggravation rapide des tensions avec les États-Unis et des dangers de guerre. “L’humanité a de nouveau atteint la croisée des chemins” ... Il a rappelé que les batailles sanglantes de la guerre du Pacifique dans les années 1940 “ont plongé l’humanité dans une calamité non loin de celle qui nous menace actuellement »” Pour éviter que se renouvelle cette tragédie, il faut que la communauté internationale soutienne la globalisation et “abandonne les attitudes d’arrogance et les préjugés” , sous entendu attitudes américaines.
Mike Pence a fait comme s’il n’entendait pas la menace chinoise. Il a lancé une attaque frontale contre la Chine et son influence croissante dans la région Asie-Pacifique. Il a réitéré ses promesses de lutter fiscalement et réglementairement contre les initiatives chinoises et leur volonté de s’imposer partout dans le monde grâce aux atouts économiques actuelles de la Chine.
Plus fondamentalement, l’une des principales revendications des États-Unis est la fin du programme “Made in China 2025” de Pékin, programme axé sur le développement des technologies de pointe, qui remettrait en question la domination technologique américaine dans divers domaines économiques et stratégiques. Pence a également ouvertement contesté l’initiative “Belt and Road” de la Chine, qui a fait l’objet de plus en plus de critiques de la part de la presse américaine et internationale pour la mise en place de “pièges de la dette” au détriment des pays acceptant des prêts d’infrastructure chinois.
Ceci ne peut que signifier la volonté américaine d’obliger la Chine à un retour au statut de pays pré-industriel, ce qui est totalement irréaliste. On notera cependant que Mike Pence a fait une allusion rapide aux capacités militaires américaines dans le Pacifique du sud-est.
Il est évident dans ces conditions que la Chine ne renoncera pas à sa volonté de s’opposer économiquement aux Etats-Unis, comme plus généralement au désir de se positionner en puissance dominante au sein des membres de LAPEC, jusqu’ici très largement soumis à la puissance économique,
politique et militaire de Washington.
En résultera-t-il des conflits militaires limités entre les deux puissances, risquant évidemment de dégénérer en un affrontement nucléaire. Comme nous l’avons plusieurs fois ici observé, l’armée chinoise se dotera prochainement d’armes très nouvelles dont ne dispose pas encore l’armée américaine, telles des missiles hypersoniques capables, même sans charge nucléaire, d’incapaciter les porte-avions américains qui sont les soutiens de sa puissance dans cette partie du monde. Le Pentagone veut-il détruire les forces armées chinoises avant qu’elles ne soient dotés à grande échelle de telles armes ? Le complexe militaro-industriel américain a plusieurs fois évoqué cette perspective.
Néanmoins, il ne peut pas oublier que derrière la Chine se trouve l’allié russe, prêt en cas de conflit à intervenir militairement contre l’armée américaine en Europe, là où elle ne dispose pas de ressources conventionnelles suffisantes pour s’opposer à la Russie. La puissance américaine actuelle, résultant d’un budget militaire plus de 10 fois supérieur à ceux cumulés du reste du monde, ne peut plus dissimuler un nombre de faiblesses considérables que reconnaissent les experts militaires américains eux-mêmes. Se battre sur deux fronts aussi éloignés et différents que le Pacifique et l’Europe paraît hors de portée du Pentagone – sauf évidemment à recourir à l’arme nucléaire en première frappe.
On peut espérer qu’il existe suffisamment d’esprits censés à Washington pour refuser cette perspective, qui signifierait rapidement la fin des civilisations dites développées. On peut penser dans ces conditions que tant de la part de Pékin que de Washington, les affrontements mis en lumière à Port-Moresby resteront essentiellement économiques.
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