22 décembre 2022 | tiré de Canadian Dimension
Plus tôt en 2022, l’administration américaine a saisi $7 milliards à la banque centrale afghane, privant Kaboul des fonds dont elle a besoin pour gérer un nombre de crises urgentes de l’approvisionnement alimentaire et des soins de santé.
Le 15 mars, les Nations Unies a rapporté :
« Le pourcentage stupéfiant de 95 % des Afghan.e.s ne mangent pas à leur faim, ce chiffre passant à près de 100 % dans les foyers dirigés par une femme… [Le coordinateur humanitaire] a brossé un tableau des salles d’hôpital remplies d’enfants souffrant de malnutrition, dont beaucoup pèsent à âge d’un an ce qu’un enfant de six mois pèserait dans un pays développé, avec certain.e.s « si faibles qu’ils et elles sont incapables de bouger ».
Parallèlement à la saisie des fonds de la banque centrale afghane, le prix des denrées alimentaires a considérablement augmenté en 2022. Le Comité international de la Croix-Rouge a constaté qu’entre juin 2021 et juillet 2022, le coût de la farine de blé et de l’huile de cuisson en Afghanistan avait plus que doublé. La privation économique est si grave que de nombreuses familles ont vendu leurs filles en mariage afin de percevoir une dot, la seule source de revenus disponible qui puisse leur garantir un approvisionnement à court terme en produits de première nécessité. D’autres ont été contraint.e.s de vendre leurs organes au marché noir.
Le Center for Economic and Policy Research a signalé que ces sanctions pourraient tuer plus de personnes en Afghanistan que les dernières vingt ans de guerre.
L’administration Biden a promis que la moitié des fonds saisis à la banque centrale afghane seraient utilisés à des fins humanitaires en Afghanistan. Mais près d’un an plus tard, cela semble avoir été un mensonge. Après avoir pris les actifs, le gouvernement américain a transféré $3,5 milliards des fonds saisis à une fondation privée administrée par quatre personnes « pour le profit du peuple afghan ». Cependant, la revue In These Times a récemment interviewé deux des quatre administrateurs et a appris qu’aucun fonds n’avait été distribué pour aider le peuple afghan et qu’il n’y avait aucune politique en place pour leur permettre de le faire.
Dans le même temps, l’Afghanistan fait face à de sombres perspectives en ce qui concerne l’atténuation des catastrophes liées au changement climatique. Selon l’ONU, l’Afghanistan est l’un des pays « les moins préparés aux chocs climatiques ». Des décennies de guerre, d’occupation militaire et de sous-développement économique, suivies d’un boycott diplomatique total après le retour au pouvoir des talibans en août 2021, ont privé Kaboul de la capacité de garantir des réserves de nourriture et de médicaments suffisantes pour sa population, sans parler de la gestion des crises climatiques. De plus, l’Afghanistan a été exclu du sommet COP27 en Égypte sur le changement climatique, empêchant les habitant.e.s du pays de faire entendre leur voix sur cette question.
Dans une déclaration du 6 novembre, la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan a expliqué :
« Le peuple afghan est au bord du précipice de prévisions climatiques dévastatrices… L’Afghanistan est déjà sujet à de fréquentes catastrophes naturelles qui causent des pertes de vie et des dommages aux moyens de subsistance, aux habitations et aux infrastructures. Ces menaces, ainsi que la forte dépendance des Afghan.e.s de la subsistance agricole, son écosystème fragile, la dégradation aiguë de l’environnement, le faible développement socio-économique et l’impact de plus de quatre décennies de guerre, ont créé une vulnérabilité climatique extrême. Les sécheresses dans de nombreuses régions du pays deviennent la norme, et les fortes précipitations épisodiques entraînent des crues soudaines et des glissements de terrain. Les conséquences auxquelles nous assistons sont graves non seulement pour la vie des Afghan.e.s, mais aussi pour le développement économique, l’insécurité alimentaire et la migration.
Le Dr Ramiz Alakbarov, coordinateur humanitaire de l’ONU en Afghanistan, a déclaré : « Ce sont les Afghan.e.s ordinaires qui souffrent le plus lorsque ces chocs [climatiques] se produisent… Il est dévastateur de voir les Afghan.e.s les plus vulnérables subir le poids des catastrophes environnementales. Et il est de plus en plus difficile de renforcer la résilience et l’adaptation à long terme, alors que nous gérons constamment des crises à court terme et en l’absence de financement suffisant pour l’adaptation.
En outre, Alakbarov a noté que la catastrophe climatique dans le pays ne se limiterait pas à l’Afghanistan. Cela affectera également les pays voisins d’Asie du Sud et d’Asie centrale, à travers des problèmes tels que la migration massive et la détérioration écologique.
Dans une interview avec le journaliste Ruchi Kumar sur Al Jazeera, Mohammad Assem Mayar, expert en gestion de l’eau à l’Université polytechnique de Kaboul, a déclaré : « Isoler l’Afghanistan signifie punir son peuple, ce qui n’est pas juste... Le changement climatique ne va pas s’arrêter, et sans soutien à l’adaptation, cela revient à pousser progressivement le peuple afghan vers une condamnation à mort. »
Mais même face à ces tragédies, le Canada empêche toujours les livraisons de nourriture et de médicaments indispensables d’entrer dans le pays. En août de cette année, l’organisme de bienfaisance canadien World Vision a été contraint d’annuler une livraison de nourriture qui aurait nourri 1,800 enfants, en raison d’une loi fédérale interdisant aux Canadien.ne.s de fournir à des « organisations terroristes » (Ottawa reconnaît les talibans comme tels) des biens ou des finances. Quiconque enfreint cette loi, notamment en livrant de la nourriture à des Afghan.e.s affamé.e.s, peut être condamné à une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison.
Le 12 octobre, Global News a rapporté : « Les groupes d’aide disent que les responsables canadien.ne.s les ont avertis que l’achat de fournitures ou le paiement d’un chauffeur pour livrer de la nourriture en Afghanistan entraînerait des taxes pour les talibans, ce qui pourrait contrevenir aux lois antiterroristes » et entraîner des sanctions. Comme l’admet CTV News, « [c]e conseil a été donné malgré une cascade de crises humanitaires en Afghanistan, allant d’un système de soins de santé qui s’effondre à la montée en flèche des taux de malnutrition infantile ». Pendant ce temps, des groupes humanitaires ont informé la commission sénatoriale des droits de la personne qu’ils sont assis dans des entrepôts remplis de marchandises périmées qu’ils ne peuvent pas livrer et de sages-femmes qu’ils ne sont pas autorisés à envoyer dans les campagnes afghanes pour aider les femmes à risque.
Alors que certains pays disposent d’un mécanisme d’exemption dans leurs lois antiterroristes lorsqu’il s’agit de « fournir une aide humanitaire vitale », le Canada n’en a pas. Malgré le lobbying des groupes d’aide, le gouvernement Trudeau a choisi de ne pas agir pendant la majeure partie de 2022, refusant même de proposer un calendrier pour débloquer l’aide à l’Afghanistan par le biais de ce mécanisme ou de tout autre mécanisme.
Le 14 décembre, la commission sénatoriale des droits de la personne a publié une déclaration appelant le gouvernement à accorder une dérogation immédiate permettant l’acheminement d’une « aide humanitaire légitime » à l’Afghanistan. Le comité a également noté que plusieurs ministres du gouvernement qui avaient promis d’assister aux audiences sur les livraisons d’aide à l’Afghanistan ne s’y sont pas présentés, et que « [l]’absence de tous ces fonctionnaires était en contradiction avec l’assurance des fonctionnaires du ministère qui se sont présentés … que cette question est une priorité pour le gouvernement.
Suite aux recommandations du comité, quelqu’un du cabinet Trudeau a finalement promis d’agir. Le 14 décembre, le ministre du Développement international, Harjit Sajjan, a révélé que le gouvernement fédéral envisageait de modifier les lois antiterroristes du Canada pour permettre l’acheminement de l’aide à l’Afghanistan. Mais il affirme que cela prendra au moins un an.
« Nous devons bien faire cela. Nous ne pouvons pas le précipiter », a déclaré Sajjan. Dans une référence apparente à la poursuite des sanctions, il a également noté que le gouvernement Trudeau « n’abandonnera pas nos attentes à l’égard des talibans pour qu’ils permettent aux filles d’aller à l’école ; c’est quelque chose qui doit être respecté. Et donc nous resterons très forts là-dessus… »
Inquiétude touchante pour l’éducation des filles afghanes qui meurent de faim.
Malgré leurs déclarations publiques, les gouvernements canadien et américain empêchent activement les livraisons d’aide d’entrer en Afghanistan et, à ce titre, ils sont complices de l’aggravation de la crise humanitaire dans ce pays. Comme l’a dit à In These Times Basir Bita, un militant afghan qui travaille avec la communauté des réfugié.e.s au Canada : « Qui paie le prix du gel des fonds par les États-Unis ? Les gens qui vivent en Afghanistan. »
Les Afghan.e.s souffrent, alors que le gouvernement du Canada continue à criminaliser ceux et celles qui veulent soulager les souffrances des Afghan.e.s.
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