Alors qu’en août on pouvait avoir quelques doutes quant à cela vu que les forces policières avaient attendu qu’il y ait de la casse et quelque violence pour intervenir, sa répression des manifestant-e-s antiracistes en novembre s’est au contraire faite sans qu’il n’y ait aucun vandalisme ni aucune confrontation.
Venons-en aux faits : des militant-e-s de diverses organisations antiracistes, dont Alternative socialiste, avaient organisé un rassemblement populaire devant l’Assemblée nationale. On y distribuait de la nourriture végétalienne, une fanfare jouait de la musique et des enfants frappaient une piñata à l’effigie d’une tête de loup. Quelques policiers-ères surveillaient la scène, mais la plupart étaient alors affecté-e-s à protéger le rassemblement des groupes racistes, entourés d’un nombre massif d’anti-émeutes qui les protégeaient d’éventuelles attaques. Parmi ces groupes anti-immigration on trouvait la Meute, Storm Alliance (scission du groupe Soldiers of Odin) et la milice III% (milice apparue d’abord aux États-Unis qui demande à ses membres de détenir un permis d’armes à feu pour rejoindre ses rangs) qui assurait la sécurité du rassemblement, ses membres étant équipés de matraques télescopiques et de poivre de cayenne.
Vers midi, ce bel amalgame de xénophobes a commencé à marcher vers l’Assemblée nationale, où la majorité des antiracistes étaient encore présent-e-s. Nous sommes allé nous poster au coin de rue qui donnait accès à l’Assemblée nationale après un discours d’un camarade autochtone, question d’accueillir les racistes avec nos cris de protestation et de leur barrer le chemin. Cependant, après quelques mètres, un front d’anti-émeutes était sur nous et d’autres policiers-ères se préparaient en mettant leurs masques à gaz et en armant leurs lance-grenades pour d’éventuels tirs de lacrymogènes. Après quelques minutes de blocus où ni les forces policières ni les antiracistes n’avançaient, l’anti-émeute décida qu’il était temps d’ouvrir le chemin pour les racistes, et se mit à donner des coups de bouclier aux antiracistes, de même qu’à asperger un peu tout le monde de poivre de cayenne. Au même moment, les néo-fascistes d’Atalante Québec accédaient au sommet des remparts face au rassemblement pour se mettre à crier des slogans chauvins, sous le regard impassible des policiers postés sur ces mêmes remparts.
Les anti-émeutes n’ont ensuite que continué à repousser les antiracistes à force de poivre de cayenne et de coups de matraques, aidés par des renforts de la Sureté du Québec, pour finalement procéder à une vingtaine d’arrestations (sans compter les 21 autres qui avaient été faites en marge de la manifestation), dont celle d’un artiste-peintre qui n’était même pas dans la manifestation [1]. Éventuellement, les groupes xénophobes allaient prendre place devant l’Assemblée nationale pour scander leurs slogans racistes, les anti-émeutes entourant leur rassemblement pour le protéger au cas où des antifascistes, surveillés par un hélicoptère et par des policiers-ères posté-e-s sur des toits, poursuivis par deux corps de police différents, décident d’aller attaquer la foule de racistes armés de matraques. Soulignons que s’était joints à cette foule les nazis d’Atalante Québec, groupe dont les membres poignardent parfois des anarchistes…
Nous ne pouvons tirer d’autre conclusion de cette manifestation que la suivante : les forces policières ont ouvertement pris parti contre les antiracistes, ont ouvertement décidé que certains groupes devaient être repoussés au profit d’autres groupes. La possession d’armes contondantes est pour le SPVQ un crime pour les antifascistes, mais pas pour les milices anti-immigration. Les corps policiers ne se limitent plus à protéger les groupes qui manifestent, mais se mettent au service de ces groupes, dégagent la voie pour eux si des gens se mettent dans leur chemin. Lorsque ce sont des groupes écologistes qui veulent marcher sur le trottoir, comme lors de la manifestation de la veille à Québec, la police les en empêche. Lorsque ce sont des groupes racistes qui veulent marcher dans la rue, qui souhaitent traverser une masse compacte de 100 personnes, alors la police coopère. Nulle logique ne peut expliquer cela, si ce n’est que les forces de l’« ordre » ont choisies leur camp : celui des groupes d’extrême-droite, des milices armées et des organisations xénophobes.
La police ne va jamais nous protéger contre l’extrême-droite. Les mots du vieux Trotsky prennent ici tous leurs sens : « Ici encore c’est l’existence qui détermine la conscience. L’ouvrier, devenu policier au service de l’État capitaliste, est un policier bourgeois et non un ouvrier. » [2] Il faut en prendre conscience et apprendre à résister, ne serait-ce que pour protéger nos camarades qui ne sont pas en mesure de se défendre. Nous avons besoin de groupes d’autodéfenses disciplinés capable de protéger nos rassemblements.
Cependant, cela n’est pas suffisant. Nous ne croyons pas à la possibilité pour un petit nombre de vaincre le bras armé de l’État, encore moins quand il est aidé de milices fascistes. Non, il faut nécessairement qu’un plus nombre de gens, qu’un plus grand nombre d’organisations progressistes, se joignent à la lutte contre le racisme. Pas seulement en paroles, en actes aussi ! Où était Québec solidaire le 25, hormis une poignée de membres ? Où étaient les syndicats, hormis le Syndicat d’Indigo Parc et le Syndicat des travailleurs-euses étudiant-e-s de l’Université Laval ? Condamner parfois le racisme, faire quelques discours sur le sujet ne suffit pas. La classe ouvrière doit écraser la gangrène raciste avant qu’elle ne se répande plus ! Il est de notre devoir moral, en tant que membres d’organisations politiques, en tant que syndicalistes, d’amener nos organisations à lutter contre le fascisme, avant qu’il ne tue plus de nos camarades.
Nous devons nous-mêmes construire un mouvement large et combatif qui fera barrage aux groupes comme Storm Alliance. L’État est au service des riches et des racistes, pas au service des travailleuses et des travailleurs. Agissons avant qu’il ne soit trop tard, et écrasons leur prochaine manifestation par notre nombre.
J.-P. Vallières
Notes
[1] Manifestations à Québec : arrêté de façon « abusive » et « outrancière », Journal de Québec, 26 novembre 2017.
[2] Léon Trotsky, La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne, Janvier 1932.
COMMENTAIRES
André Doucet
29 novembre 2017 at 15 h 42 min Répondre
L’article essaie de tiré faussement des aspects positifs à la manif du 25 nov à Québec. Ce qui a été un succès a été le rassemblement avec des orateurs très politique au parc devant l’Assemblée Nationale.
L’article ne se distance pas suffisamment de l’action du groupe anarchiste tous en disant qu’elle n’était pas intelligente. En effet se jeter dans la « guelle du loup » de la part du groupe d’anarchiste présent au rassemblement pour aller tenter de leur barrer le chemin était pour le moins dérisoire surtout qu’il y avait la présence d’armes dans les rangs de l’extrême droite.
L’article reprend aussi le fait supposé que la police était au service de ces bandes d’extrêmes droites. La police avait fait savoir clairement comment elle allait procéder pour empêcher toutes confrontations violentes entre ces groupes ‘hostiles’ suivant en cela les demandes quasi unanime des POLITICIENS.
La police à donc visée de sa manière répressive habituelle les anarchistes prétendaient bloquer La Meute qui prétendait vouloir manifester pacifiquement.
La police les ont pris simplement au mot et ont procédé à briser la contremanifestation qui ne cachait même pas son attitude confrontationniste.
La police et les politiciens se sont félicités d’avoir évité un ‘bain de sang’ comme à Charlottesville tout en cherchant à gagner la sympathie des gens qui sont repoussé par la violence.
De la même façon les médias ont voulu jouer sur la peur de la violence pour offrir leurs plateformes à l’extrêmes droites. La Meute se présente comme les vrais défenseurs légitime des valeurs du racisme systémique profondément ancré dans l’esprit et les habitudes sociales.
Il faut célébrer notre succès politique du rassemblement contre l’extrême droite. Il faut aussi reconnaitre l’échec confrontationisme des anarchistes, sinon ils n’apprendront pas de leurs erreurs.
La conclusion de l’article est excellente sur la nécessité d’une lutte de masse pour combattre le racisme systémique qui est la source à laquelle s’abreuve les préjugés et les d’extrêmes droit.
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