Le 3 octobre dernier, dans son discours de victoire, François Legault nous a assuré vouloir « être le premier ministre de tous les Québécois ».
Bien sûr, nous avons des raisons de douter de la sincérité de cet engagement. À plusieurs reprises pendant les quatre dernières années, le Collectif a dénoncé l’inaction du gouvernement du Québec en matière de lutte à la pauvreté et son indifférence à l’égard des personnes qui la vivent ; comme si ces personnes ne comptaient par vraiment à ses yeux.
Pourtant, en cette Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, nous avons envie de laisser la chance au coureur. Nous avons envie de croire que le gouvernement ne continuera pas aveuglément dans la même direction que dans son premier mandat.
S’il est sincère dans son intention d’être le premier ministre de tous les Québécois et toutes les Québécoises, et donc de ne laisser personne derrière, François Legault devra non seulement commencer à se préoccuper du sort des personnes en situation de pauvreté, mais aussi agir à court terme et doter le Québec d’un véritable plan de lutte contre la pauvreté.
Regarder la réalité en face
Pour ne laisser personne derrière, son gouvernement devra d’abord accepter de regarder la réalité en face. Nous savons que, dans le Québec idéalisé du premier ministre, tout le monde gagnerait de bons salaires et vivrait richement. Mais pour le moment, la réalité est tout autre.
Dans la vraie vie, les banques alimentaires sont prises d’assaut et manquent de denrées pour répondre à une demande sans cesse grandissante. Les refuges débordent alors que l’itinérance continue d’augmenter. Plus de 200 000 ménages locataires doivent consacrer plus de 50 % de leur budget à se loger. Dans la vraie vie, ce sont en moyenne 800 000 personnes qui n’arrivent pas à couvrir leurs besoins de base. Plusieurs de ces personnes, comme celles qui sont au programme d’Aide sociale, arrivent à couvrir à peine la moitié de leurs besoins.
Élaborer un véritable plan de lutte contre la pauvreté
Pour ne laisser personne derrière, le gouvernement devra reconnaître que cette situation est intolérable et qu’il a la responsabilité, en vertu de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, d’agir « pour combattre la pauvreté, en prévenir les causes, en atténuer les effets sur les individus et les familles, contrer l’exclusion sociale et tendre vers un Québec sans pauvreté ».
Adoptée il y a près de 20 ans, cette loi oblige le gouvernement à se doter de plans d’action gouvernementaux en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Comme le troisième plan d’action vient à échéance en 2023, le nouveau gouvernement aura la tâche d’élaborer et de déposer le prochain. S’il entend être le premier ministre de tous les Québécois et toutes les Québécoises, François Legault devra respecter l’esprit de la Loi et s’assurer de proposer des mesures ambitieuses visant la sortie de la pauvreté pour tout le monde, ce qu’aucun des plans d’action précédents n’a fait.
S’engager à court terme
Pour ne laisser personne derrière, le gouvernement devra rapidement nous expliquer ce qu’il veut faire à court terme pour aider toutes ces personnes qui peinent à joindre les deux bouts et sur qui la forte hausse du coût de la vie a un effet particulièrement dramatique. Car pour le moment ses engagements en matière de lutte contre la pauvreté sont pour ainsi dire inexistants. En campagne électorale, il n’a présenté aucune mesure à long terme en dehors de l’augmentation du crédit d’impôt pour soutien aux aînés destiné aux personnes à faible et moyen revenu de 70 ans et plus.
L’aide ponctuelle de 600 $ (pour les personnes gagnant moins de 50 000 $) ne donnera qu’un petit coup de pouce temporaire aux gens. Elle ralentira momentanément leur appauvrissement sans pour autant améliorer leurs conditions de vie. Pour ce qui est des baisses d’impôt annoncées, il va sans dire qu’elles ne profiteront pas aux personnes les plus pauvres vu qu’elles n’en paient pas. Au contraire, ces personnes risquent d’être les premières à être pénalisées par ces baisses d’impôt qui réduiront la capacité du gouvernement d’investir dans les programmes sociaux et les services publics ou, justement, dans le prochain plan de lutte contre la pauvreté.
Changer de cap ou continuer ?
Oui, nous avons envie de laisser la chance au coureur, mais le gouvernement a du travail à faire pour nous convaincre de sa volonté de ne laisser personne derrière. Pour le moment, rien ne laisse présager le changement de cap radical qui serait nécessaire pour en arriver à un Québec sans pauvreté et riche de tout son monde. Bien sûr, nous ne demandons qu’à être confondu∙es.
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