Tiré du blogue de l’auteure.
Les élections de mars 2008 qui n’avaient été ni justes, ni transparentes, avaient maintenu Robert Mugabe au pouvoir à l’issue d’un tripatouillage des résultats électoraux. La répression avait touché systématiquement toute forme d’opposition au Président Mugabe et à son parti le Zanu-PF depuis des années sans que ni la SADC ou l’UA, ou la Grande Bretagne, ancien pays colonisateur, ni l’UE aient montré beaucoup d’empressement à mettre un terme au pouvoir dictatorial de Robert Mugabe.
Le pillage des ressources du pays par une bande de prédateurs au pouvoir n’a pas que ruiné les fermiers blancs, il a mis à sac les caisses de l’état, obligé des milliers de Zimbabwéens à s’exiler légalement ou illégalement de leur pays pour survivre. A l’été 2016, le pasteur Evan Mawarire avait réussi à mobiliser l’opinion publique derrière son hashtag #this flag, devant l’étendue de la catastrophe économique, des fonctionnaires sans salaire, des soldats sans solde, des magasins vides et d’une inflation galopante, mais ce fut un succès sans suite.
Un peu fatigués par les fredaines du vieux dictateurs et de son épouse Grace, le FMI, les pays occidentaux avaient mis en garde le régime et lui avait fait comprendre que le départ de Robert Mugabe était plus que souhaitable et avaient accueilli le coup d’état, qui n’en était pas un, avec soulagement Les badauds avaient regardé les chars manœuvrer dans les rues d’Harare pendant que le monde de la diplomatie espérait comme toujours, que la raison l’emporterait pour maintenir l’ordre et la loi, la stabilité politique avec un zeste de démocratie sous forme d’élections promises et que tout le monde souhaite justes et libres.
Mais il semble y avoir des accrocs dans le processus électoral. Nombre de Zimbabwéens ont été obligés de fuir le pays pour survivre ou échapper à la prison, mais il leur faut retourner au pays pour voter. La loi accorde le droit de vote aux fonctionnaires en poste à l’étranger, mais un tribunal vient de refuser d’étendre ce droit à tous les ressortissants vivant à l ‘étranger. Mnangagwa avait avancé l’argument du coût, puis avait affirmé que tous les Zimbabwéens pourraient voter, pour enfin dire que ceux qui « sérieusement » veulent voter peuvent faire un effort pour rentrer au pays pour s’inscrire sur les listes électorales et puis deux mois après pour glisser leur bulletin dans l’urne. Les exilés politiques ou économiques apprécieront.
L’opposition avait formulé dix exigences pour que ces élections soient vraiment démocratiques. Une seule est respectée : la présence d’observateurs internationaux, mais rien ne garantit qu’il n’y aura pas de violence, ou d’achat de votes en offrant des colis alimentaires à des citoyens affamés. Pour le reste : listes électorales et matériel de vote accessibles à l’opposition, reforme des médias, impartialité de l’armée, il n’ y a pas eu de réponse claire.
Il y aura 23 candidats, dont quatre femmes, au poste présidentiel : du jamais vu, mais qui n’est pour autant signe de maturité politique, la plupart sont d’illustres inconnus. Cette situation est très vivement critiquée par nombre d’analystes politiques qui voient dans cette prolifération de candidats présidents un manque de sérieux et Rejoice Ngwenya va jusqu’à écrire : « Les gens devraient d’abord prendre en compte les qualités et la personnalité du candidat, pour ne pas avoir des Mickey Mouse aspirant à diriger le pays ». Un autre va jusqu’à qualifier de « cirque » cette mascarade électorale.
L’opposition arrive en ordre dispersé et la multiplicité des candidatures est gage d’échec face à un Zanu-PF qui a toutes les cartes en main. Après la mort de Morgan Tswangirai, le Mouvement pour un changement démocratique (MDC), dirigé maintenant par Welshman Ncube, n’a pas réussi à réunir autour d’une candidature unique tous les partis d’opposition. L’Alliance MDC- T qui réunit sept partis sous la direction de Nelson Chamisa présente ce dernier comme candidat, mais la procédure des nominations est loin de satisfaire tout le monde et la secrétaire générale du MDC voit dans cette nomination « beaucoup de malhonnêté, de trahison et un mépris absolu pour les accords passés avec le MDC-T ».
Dans ces conditions de division de l’opposition, pas facile pour les citoyens qui espéraient un vrai changement de faire un choix et certains se sentent frustrés d’avance par une impossible victoire de l’opposition qui n’a pas su saisir sa chance pour un véritable changement de politique. Finalement des élections qui seront « plus justes, mais pour faire comme avant » comme le dit un article du journal sud-africain Daily Maverick.
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