Édition du 18 juin 2024

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Une réaction à la suite d’un échange à l’Assemblée nationale entre le député Vincent Marissal et le vice-président du Conseil du trésor monsieur Éric Caire

Les personnes qui parcourent certains de nos textes savent que nous avons publié la semaine dernière un extrait d’un échange qui a eu lieu à l’Assemblée nationale le mercredi 26 mai dernier entre le député de Québec solidaire, monsieur Vincent Marissal et le vice-président du Conseil du trésor, monsieur Éric Caire.

Nous avons transmis cet échange à huit conseillères et conseillers syndicaux qui représentent les 550 000 salariéEs syndiquéEs des secteurs public et parapublic. Il y en a un qui nous a fait parvenir à la suite de cet échange parlementaire la réplique d’un professionnel syndiqué. Il est dans l’ordre des choses de porter à votre connaissance la version intégrale de l’extrait du Journal des débats ainsi que le courriel que nous avons reçu à ce sujet. À la lumière de la réaction du professionnel, le caractère dérisoire et l’insignifiance de la déclaration du député caquiste Éric Caire ne font plus aucun doute.

L’extrait du Journal des débats

« M. Marissal : Merci. Hier, le premier ministre a justifié des centaines de milliers de dollars d’argent public dans des sondages en invoquant la crise sanitaire. C’est fou, les effets secondaires de la COVID. Qu’est-ce qu’on apprend en plus, que la CAQ utilise des sondages tendancieux pour justifier le recours à une loi spéciale dans le secteur public, de mieux en mieux. Ça fait un an qu’on adopte des motions ici, M. le Président, pour souligner le travail de ces gens-là, ça fait un an que le premier ministre les applaudit dans ses points de presse. En coulisse, par contre, la CAQ se paie des sondages avec l’argent des Québécois pour se convaincre qu’elle a raison.

Ils sont passés où les caquistes qui déchiraient leurs chemises sur les dépenses partisanes payées à même les fonds publics ? Ils sont passés où les caquistes qui voulaient même adopter des lois contre ça ?

Le Président : M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : Oui, M. le Président, j’ai beaucoup de difficulté à voir quel lien le député de Rosemont peut faire entre un gouvernement qui va chercher le pouls de la population pour prendre des décisions qui sont éclairées puis un parti politique qui fait de la publicité pour expliquer au monde que d’augmenter leurs taxes, c’est une bonne chose pour eux, là. Je ne sais pas vraiment quel lien il peut faire avec ça.

Ceci étant dit, M. le Président, pour ce qui est des négociations dans le secteur public, j’ai entendu beaucoup de gens se lever dans l’espace public, dire : Ah mon Dieu ! La CAQ, vous retardez ci, vous retardez ça, vous manquez de respect. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on sait ? On sait que les professeurs ont signé, on sait que la fédération autonome des enseignants a parlé d’une entente historique, d’une valorisation sans précédent de nos professeurs. Et aujourd’hui nos professeurs se retournent vers leur gouvernement en disant : Vous avez enfin compris.

M. le Président, avec la FIQ, les négociations avancent aussi dans le bon sens, puis j’ai bon espoir qu’avec tous les employés…

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10 h 48 (version non révisée)

M. Caire : …la Fédération autonome des enseignants a parlé d’une entente historique, d’une valorisation sans précédent de nos professeurs, et aujourd’hui, nos professeurs se retournent vers leur gouvernement en disant : Vous avez enfin compris.

M. le Président, avec la FIQ, les négociations avancent aussi dans le bon sens, puis j’ai bon espoir qu’avec tous les employés de l’État, on va réussir à trouver un compromis qui va être acceptable pour nos employés, mais qui va aussi être acceptable pour la capacité de payer du contribuable québécois.

Le Président : Première complémentaire, M. le député de Rosemont.

M. Marissal : M. le Président, il suffit de lire les questions du sondage en question pour voir à quoi ça sert. Quel mépris envers les fonctionnaires et les employés de la fonction publique. À tout prendre, M. le Président, je préférais quand le premier ministre se fiait à sa page Facebook. C’était aussi biaisé, mais ça coûtait moins cher, au moins.

Alors, voici une bonne question pour le gouvernement : Est-ce que la CAQ peut lâcher les sondages et les pubs partisanes et négocier de bonne foi, pour de bon, pour arriver avec un règlement avec les gens qui assurent nos services publics ?

Le Président : M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : Bien, M. le Président, je pense que la présidente du Conseil du trésor est au travail au quotidien pour… et nous négocions de bonne foi. Je rappelle au député de Rosemont qu’il y a savamment évité la question. Cette entente que nous avons eue avec les enseignants, je ne l’ai pas entendu dire : Aïe, wow, belle job ! Nos enseignants rentrent au travail, ils sont contents, ils sont heureux, la CAQ a respecté ses engagements, la CAQ a respecté ses priorités, la CAQ a respecté nos professeurs, et aujourd’hui, on a une entente historique.

Puis on s’entend que le président de la FAE, pour paraphraser certains collègues, n’est pas un fan fini de la CAQ, là. Donc, pour qu’il sorte en parlant d’une entente historique…

Le Président : En terminant.

M. Caire : …d’une valorisation sans précédent des professeurs, probablement que c’est vrai.

Le Président : Deuxième complémentaire, M. le député de Rosemont.

M. Marissal : Il y a deux de mes quatre enfants qui sont à la maison aujourd’hui parce qu’a une grève de leurs professeurs puis du personnel de soutien. Ça fait que pour les remerciements, je vais vous demander d’attendre un petit peu, ce n’est pas encore dans la poste, croyez-moi. Alors, si vous pouviez négocier de façon plus sérieuse, aussi, peut-être qu’on n’en arriverait pas là. Le premier ministre a dit hier : On n’est pas rendus à une loi spéciale. Très bien, mais il ne faut pas y aller. Il ne faut surtout pas se rendre là, ça serait le pire message à envoyer dans les services publics.

Alors, est-ce que le gouvernement peut aujourd’hui renoncer à la voie d’une loi spéciale ?

Le Président : M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Caire : M. le Président, on offre — et ça a été rendu public — 8 % sur trois ans plus des ajustements en fonction de la croissance économique du Québec. Dire que ce n’est pas sérieux, j’invite le député de Rosemont à aller voir les gens qui ont perdu leur emploi ou qui ont perdu leur entreprise pendant la pandémie alors que les gens du secteur public n’ont jamais eu à s’inquiéter de quoi que ce soit à ce niveau-là.

J’invite à aller les voir puis à aller leur dire : Aïe ! ce n’est pas sérieux, cette proposition-là, ce n’est pas raisonnable, ce n’est pas respectueux de nos employés. Je l’invite à faire ça, puis, hum ! peut-être qu’il devrait consulter la population un peu plus puis condamner un peu moins parce qu’il se rendrait compte que non seulement c’est sérieux, mais je pense que c’est très respectueux du travail de nos fonctionnaires dans les circonstances. »


http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/assemblee-nationale/42-1/journal-debats/20210526/299513.html. Consulté le 28 mai 2021.

La réaction du professionnel

« Pour ma part, si on pouvait ne plus entendre ou lire 8% ça ferait mon affaire... c’est malhonnête de présenter les chiffres comme ça.

Pis tant qu’à y être :

Aussi, c’est ben beau les profs et les infirmières, mais on existe aussi et on a travaillé comme des fous pour certains à cause de cette pandémie justement...

Les travailleurs sont plus en sécurité parce que les inspecteurs ont fait une multitude d’interventions dans les milieux de travail pour faire respecter les mesures sanitaires et le télétravail obligatoire. On est juste 230 sur le terrain ! (moins que les gardes-chasses...) Personne n’en parle...
Les gens du ministère de la Santé qui ont parfois dormi au bureau au début de la pandémie pour appuyer le réseau. Personne n’en parle...
Les gens de l’approvisionnement qui se sont assurés d’avoir le matériel de protection individuel en quantité. Personne n’en parle...
Les gens qui ont travaillé sur les communications, les campagnes d’information pour le grand public dans presque tous les ministères. Personne n’en parle...
Les gens du MTESS qui ont soutenu les entreprises. Personne n’en parle...
Nous sommes des milliers à avoir tenu la province à bout de bras. Personne n’en parle.

Personne n’en parle parce qu’on n’est pas flamboyants comme les infirmières qui sauvent des vies ou qui accompagnent une personne seule à l’agonie vers son dernier repos... pas aussi apprécié que les profs maintenant que les gens ont dû avoir leurs enfants à la maison et les instruire...

On est invisibles, nous sommes dans l’ombre, tout le monde nous envie à ce qu’il paraît, mais où sont tous ces gens lorsqu’on recrute et qu’ils voient notre salaire ???? Quand vont-ils se joindre à nous pour faire le travail pour la population du Québec ? Ils ne viendront pas parce que c’est facile d’applaudir à 4 mains pour chaque mise à pied de fonctionnaire parce qu’un fonctionnaire, ça coûte cher que ça ne fait rien...mais ils ne compteront pas les millions pour ne pas dire les milliards qui sont garrochés dans le privé (pour ne pas dire aux ti-n’amis... Ils ne viendront pas parce qu’il faut garder la tête haute devant tant de mépris de la part de la population même qu’on sert... Mépris aussi de la part de l’employeur qui pense qu’on ne sait pas compter 8 %...

Mais on va continuer à tenir le fort parce que les services publics, ça nous tient à coeur pareil. »

Conclusion

Nous voulons mentionner en terminant ce texte que nous couvrons la présente ronde de négociation des secteurs public et parapublic depuis le 5 septembre 2019. Nous mettons tout en œuvre, dans les limites de nos moyens, pour publiciser les cris du cœur de celles et ceux qui sont « en bas ». Nous avons toujours affiché nos distances face aux discours mensongers de celles et ceux qui sont « en haut ». Nous ne cesserons pas de le faire.

N’hésitez pas à porter à notre connaissance ce qui mérite, à votre avis, notre attention.

Yvan Perrier

28 mai 2021

9h55

yvan_perrier@hotmail.com

Yvan Perrier

Yvan Perrier est professeur de science politique depuis 1979. Il détient une maîtrise en science politique de l’Université Laval (Québec), un diplôme d’études approfondies (DEA) en sociologie politique de l’École des hautes études en sciences sociales (Paris) et un doctorat (Ph. D.) en science politique de l’Université du Québec à Montréal. Il est professeur au département des Sciences sociales du Cégep du Vieux Montréal (depuis 1990). Il a été chargé de cours en Relations industrielles à l’Université du Québec en Outaouais (de 2008 à 2016). Il a également été chercheur-associé au Centre de recherche en droit public à l’Université de Montréal.
Il est l’auteur de textes portant sur les sujets suivants : la question des jeunes ; la méthodologie du travail intellectuel et les méthodes de recherche en sciences sociales ; les Codes d’éthique dans les établissements de santé et de services sociaux ; la laïcité et la constitution canadienne ; les rapports collectifs de travail dans les secteurs public et parapublic au Québec ; l’État ; l’effectivité du droit et l’État de droit ; la constitutionnalisation de la liberté d’association ; l’historiographie ; la société moderne et finalement les arts (les arts visuels, le cinéma et la littérature).
Vous pouvez m’écrire à l’adresse suivante : yvan_perrier@hotmail.com

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