Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Québec

Une lutte anti-pandémie pro peuple-travailleur qui fait payer le capital

Une planification mobilisatrice de rationnement-réquisition et de soutien

« [L]a mise en quarantaine est un privilège pour ceux qui ont les moyens et une angoisse pour ceux qui n’ont rien. » Jean-François Nadeau, Le Devoir

L’ampleur que prend la pandémie en Europe occidentale et la désinvolture de sa gestion aux ÉU annoncent la suite des choses au Québec-Canada étant donné la ressemblance socio-économique et la proximité géographique et économique. Sans compter ce qui s’annonce dans les pays du Sud au système de santé non pas austérisé mais catastrophé. On apprend que Cuba et la Chine envoient de l’aide médicale et matérielle à certains pays débordés comme l’Italie ou dépourvus comme l’Éthiopie. On appelle ça de l’internationalisme, peu importe les intentions intéressées, les canaux empruntés et le type de régime sous-jacent sur lesquels bien sûr on ne doit pas se taire. (On doit saluer les quelques PME, et même les grandes entreprises s’il y en a, qui prennent les devants pour produire des produits sanitaires et médicaux manquants, faute d’initiative gouvernementale, surtout quand elles le font en renonçant à tout profit et sans arrière-pensée de marketing.)

Pour parer la menace, la stratégie de la réaction après coup afin de ménager la machine à profit garantit l’explosion de la pandémie. C’est à peine si le testage systématique se met en place... pour ceux et celles qui ont des autos ou habitent près du seul centre de test sans rendez-vous car l’utilisation du transport en commun quand on est à risque est à proscrire. Et si on organisait des taxis sécurisés et gratuits pour ce faire ? Il ne faut plus attendre. C’est maintenant que doit se mettre en place une économie planifiée, avec réquisition, rationnement, prix administré, revenu minimum garanti, répression des abus de prix et du marché noir, prise en charge des gens dépendants, imposition lourde des grandes fortunes.

Si indispensable que devient la domination du plan sur le « marché », elle se fera au bénéfice du capitalisme si la gauche politique et sociale ne la réclame pas haut et fort tout en contribuant à mettre en place dans les lieux de travail et les quartiers le contrôle de la production, l’organisation des mesures sanitaires, l’éducation par Internet et le soutien social des gens dépendants principalement des organismes communautaires masse salariale, équipement sanitaire et formation compris. Ainsi, l’infrastructure sociale pour vaincre dans la lutte climatique sera-t-elle en place. C’est ce qu’on attend de Québec solidaire comme orientation politique et non la suiviste « union sacrée » avec la CAQ et les Libéraux fédéraux.

Surtout pas ces derniers qui s’apprêtent à sauver l’industrie pétrolière à coup d’un soutien de 15 milliards $ tout en menant à la va-vite « une consultation publique dans le but d’éliminer les évaluations environnementales exigées pour les forages exploratoires à l’est de Terre-Neuve. » (Le Devoir). Quant à la CAQ, elle profite du chaos pour saccager les conventions collectives des secteurs de l’éducation et de la santé pour soi-disant mieux mobiliser les travailleuses concernées alors que cet autoritarisme ne résulte qu’en mépris démobilisateur et en prémonition de la post-pandémie.

Québec solidaire doit défendre les intérêts du peuple travailleur et non se soumettre à l’union sacrée

Québec solidaire est censé défendre les intérêts du peuple travailleur alors que CAQ et Libéraux défendent ceux du patronat, de la finance. Alors que la pandémie exige que tous ceux et celles dont l’emploi n’est pas indispensable se confinent, le patronat au prix de mesures sanitaires improvisées et risquées les maintient au travail pour l’amour du profit. Alors qu’il y a-aura pénurie de maints produits sanitaires et médicaux, et peut-être même de certains produits alimentaires, la CAQ et les Libéraux ne passent pas en mode réquisition et rationnement par respect de la sacro-sainte propriété privée. Quant au soutien du peuple-travailleur le plus à risque (gens seuls, gens âgés, gens pauvres, gens entassés, gens récemment immigrés, femmes en danger de violence), en un mot tous ceux et celles qui ne rapportent pas ou peu ou plus au patronat, la CAQ et les Libéraux leur allouent des montants dérisoires et les abandonnent aux organismes communautaires restés sans moyens, sans bénévoles et dépassés par la tâche tout en étant pleins d’imagination et d’initiatives.

La production non essentielle est loin d’être arrêtée sauf les services privés en panne de clients qui sont bien forcés de fermer, ce qui touche surtout des PME. Les GAFAM et autres distributeurs par livraison à domicile au contraire engrangent plus de profits que jamais tout en embauchant en masse avec les risques sanitaires à l’avenant. Dans la mesure où cette production de produits et services est indispensable ou au moins utile pour supporter le confinement, ces transnationales devraient payer une surtaxe sur leurs profits, être encadrées pour leurs pratiques sanitaires et par un plan d’urgence. Toute autre production doit être proscrite. En ce qui concerne les pétrolières aux abois, seuls leurs travailleurs ont à être secourus et recyclés pour le soutien, les actionnaires et créanciers n’ont qu’à choir dans la banqueroute et leurs actifs nationalisés à bon compte.

Les compensations des nouveaux programmes de soutien au revenu sont loin d’être adéquates et accessibles. Il faudrait prendre en considération la proposition des organismes populaires ontariens Fight for $15 and Fairness et le Workers ’Action Centre qui demandent au gouvernement fédéral d’assurer un paiement minimum hebdomadaire de 573 $ (le maximum de l’assurance-emploi) pour tous les programmes de soutien financier pendant la pandémie, ce à quoi j’ajouterais étendue à tous les gens sans travail pré-pandémie plus une annulation temporaire des paiements hypothécaires et des loyers au dépend des banques et des grands propriétaires fonciers.

Une démocratie de l’urgence retournant contre les GAFAM la puissance de l’internet

C’est cette critique-alternative qu’on attend de Québec solidaire et non pas que la direction se mette en confinement vis-à-vis sa militance, ce qui favorise la centralisation bureaucratique et ses conséquences de suivisme vis-à-vis les gouvernements qui eux-mêmes s’enfoncent dans la même tendance anti-démocratique.

Il n’y a aucune raison que le parti ne se donne pas un mode de fonctionnement virtuel jusqu’à et y compris un conseil national (CN) avant l’été qui procéderait en cascade d’assemblées générales locales jusqu’au CN en passant par des assemblées générales régionales. En complément pourraient se tenir des panels-débats sur Internet mettant sur le tapis la politique covid-19 de la CAQ et son articulation avec la question climatique. Ajoutons-y une discussion écrite sur les réseaux sociaux et même directement sur notre site Internet comme on a fait pour l’enjeu 1 du programme.

À court terme étant donné l’urgence, il y aurait moyen pour la direction de faire une première proposition de plan alternatif à débattre à l’interne virtuellement sur une brève période puis procéder à un vote électronique. Ce n’est pas idéal comme démocratie mais ça tient compte de l’urgence. Ensuite viendrait une seconde étape pour approfondir, processus qui aboutirait au CN tout en faisant des correctifs à la proposition d’urgence chemin faisant.

Cette même démocratie de l’urgence s’applique aux gouvernements qui ont encore plus de moyens technologiques. Non seulement les parlements peuvent-ils se réunir en respectant les règles sanitaires de base quitte le faire à effectifs réduits, mais ils peuvent siéger tous et toutes virtuellement au vu et au su de toute la population. Ils peuvent même innover en proposant des référendums sur leurs politiques d’urgence ou certains de ces éléments, inviter à des référendum d’initiatives, convoquer des conférences-débats, des sommets de la société civile. Mais sans pression populaire, à commencer par celle des Solidaires, rien ne se fera.

Marc Bonhomme, 23 mars 2020

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