Depuis 2010, des citoyens se battent pour empêcher la construction de l’ANGP. Vermont Gas a reçu l’ensemble de ses permis fin 2013, après quoi la lutte contre l’installation a pris plusieurs formes, allant des manifestations aux actions de blocage, en passant par une bataille devant la Cour Suprême du Vermont. Ce pipeline se raccorde au réseau québécois soutenu par le Trans Québec Maritime, copropriété de Transcanada et Énergir, et transporte donc le gaz issu de la fracturation de l’Ouest canadien.
La supervision de la construction et les enquêtes indépendantes citoyennes ont d’abord permis d’envoyer Vermont Gas devant la PUC pour avoir enfoui le pipeline à un (1) pied de profondeur, au lieu des quatre (4) exigés par la réglementation vermontoise. Puis la Commission a ajouté huit infractions à son enquête, allant du défaut d’installer le lit de sable et les supports appropriés sous le tuyau avant de l’enterrer, à l’utilisation d’une méthode non approuvée d’enfouissement du tuyau dans les zones marécageuses, en passant par l’enfouissement du tuyau sans avoir réparé les défaillances connues à l’enduit de finition, l’absence d’un ruban de zinc anticorrosion aux croisements avec des lignes électriques et l’absence de signature d’un ingénieur professionnel licencié sur les plans de construction.
Cette dernière violation inquiète particulièrement la population du Vermont, puisque l’enquête sur l’explosion de Columbia Gas, au Massachusetts voisin, nous apprenait que l’une des causes de la tragédie était l’absence de revue de la documentation relative à une réparation du pipeline par un ingénieur professionnel. Celle-ci a entraîné la défaillance d’un capteur de pression, qui a mené à la surpressurisation du tuyau à douze (12) fois sa capacité. L’explosion a projeté une cheminée de brique qui a tué un jeune homme de 18 ans et a endommagé plus d’une centaine de structures.
Soumise aux questions de Julie Macuga, militante vermontoise de 350.org qui a fait le chemin jusqu’à l’assemblée générale des actionnaires d’Énergir en mars 2018, Sophie Brochu, présidente du conseil d’administration d’Énergir, répondait candidement que les citoyens mobilisés rendent le monde meilleur par la surveillance qu’ils exercent sur ce type d’entreprise, que « le gaz naturel n’est pas du chocolat », que personne n’est parfait et que « sa corporation a l’intime conviction que son équipe au Vermont fait le mieux possible pour faire ce qu’ils ont à faire », et qu’elle a confiance que le pipeline a été construit d’une manière très correcte.
À l’assemblée des actionnaires de 2019, un administrateur d’Énergir ajoutait qu’une explosion comme celle de Columbia Gas ne pourrait pas se produire sur le réseau vermontois parce que la pression dans le réseau ANGP favoriserait la détection immédiate des fuites, tandis qu’un réseau basse pression comme celui de Columbia Gas pouvait connaitre des accidents beaucoup plus graves en cas de fuites majeures. Cela semble bien mince pour rassurer les personnes résidant à proximité des nouvelles conduites quant à l’ensemble de l’activité de Vermont Gas.
Mme Brochu mentionnait que les personnes préoccupées trouveront leurs réponses dans l’enquête menée par la Commission. Qu’est-ce à dire ? La Commission vermontoise trouvera-t-elle une façon de blanchir Énergir, ou bien mettra-t-elle le tuyau au rancart ? Pour l’instant, la preuve pourrait faire pencher la balance vers la deuxième option. Cette saga soulève des questions par rapport à l’intégrité de l’entreprise et à ses projets d’extension du réseau gazier en sol québécois.
Sources :
350 Vermont : https://350vermont.org/extreme-energy/
L’assemblée générale d’Énergir : http://bit.ly/2018-assemblee-Energir
Lettre d’une citoyenne à la Commission : http://bit.ly/2u0XOh0
Pascal Bergeron
St-Omer, le 27 mars 2019
Un message, un commentaire ?