Édition du 17 décembre 2024

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Une expérience pionnière en Grèce : L’Initiative des Femmes contre la Dette et les Mesures d’Austérité

L’Initiative des Femmes contre la Dette et les Mesures d’Austérité à Thessalonique, capitale de la Grèce du Nord, a inauguré sa première apparition publique en organisant une manifestation pour le 8 mars 2011, journée mondiale des femmes.

31 mai par Sonia Mitralias
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Des militantes du réseau grec de la Marche Mondiale des Femmes furent à l’origine de l’Initiative. En vue de l’action européenne 2010 de la Marche Mondiale, elles avaient organisé la caravane féministe vers Istanbul qui regroupait des féministes de Grèce, de Macédoine, d’Albanie et de Pologne. C’est là, en participant au Forum Social Européen d’Istanbul, qu’elles ont rencontré et été inspirées par les mouvements de lutte contre la dette, et plus particulièrement par le CADTM.

La naissance de l’Initiative des Femmes contre la Dette et les Mesures d’Austérité s’inscrit dans la continuité mais aussi le dépassement de la Marche Mondiale des Femmes. Elle fut une nouveauté, une réponse aux exigences des temps. Le mouvement féministe, tant en Grèce qu’en Europe, n’avait qu’indirectement traité la question de la dette et seulement sous l’angle des conséquences des mesures d’austérité.

Il était donc grand temps que les féministes se mettent à en parler ! Après avoir été durant près d’une année en état de choc face à l’avalanche des mesures de la « Troïka », imposées au nom de la crise de la dette publique en Grèce, ce furent bien les femmes agressées si brutalement qui se réapproprièrent la capacité d’agir et de résister …

Dès leur première rencontre, les militantes de l’Initiative sentirent qu’il se passait quelque chose de nouveau et d’important. La grande joie d’être ensemble, de discuter se conjuguait avec le constat que le meilleur antidote à la « déprime nationale » est de descendre dans les rues. Et elles s’y sont rendues avec force et enthousiasme… A la suite de la manifestation « inaugurale » du 8 mars, l’Initiative des Femmes contre la Dette et les Mesures d’Austérité s’est démenée pour soutenir la grève de la faim de 6 semaines des 300 migrant-e-s sans papiers, dont certain-e-s travaillent en Grèce depuis 10 ans. L’Initiative s’est également jointe à la lutte des parents d’élèves et des enseignant-e-s contre les fermetures et les fusions forcées d’établissements scolaires, mesures qui touchent près de 2.000 enseignant-e-s.

Cependant, toutes ces actions étaient de nature défensive. Afin de s’attaquer à la racine des problèmes, de s’atteler à une analyse critique de la crise de la dette publique, lors de Conférence Internationale contre la dette et l’austérité qui s’est tenue à Athènes du 6 au 8 mai 2011, les femmes ont tenu une première rencontre publique. Essentiellement féminine, elle a favorisé l’expression des dizaines de femmes qui ont fait l’inventaire impitoyable des tragédies personnelles causées par les politiques du tristement célèbre « Mémorandum » mis en œuvre par la « Troïka » et le gouvernement Papandréou. Ce fut lors de cette rencontre que Konstantina Kouneva [1], alors qu’elle ne s’était plus exprimée dans quelque manifestation politique depuis sa tentative d’assassinat en 2009, repris publiquement la parole. Elle s’est souvenue de son passé et du début des malheurs de sa Bulgarie natale qui coïncidèrent avec le déclenchement de la crise de sa dette publique. Une crise qui a poussé ses compatriotes - et elle-même - à la misère et à l’immigration.

Au lendemain de cette rencontre fondatrice, l’Initiative de Femmes contre la Dette et les Mesures d’Austérité organisa à Thessalonique un grand meeting international. Ici, la façon de faire et l’expérience étaient assez différentes. Bien préparé par des interventions des militantes de l’Initiative expliquant les tenants et les aboutissants de ce meeting dans des espaces du centre ville mais aussi dans des écoles, des hôpitaux et des entreprises, cet évènement a rassemblé 300 hommes et femmes, surtout des syndicalistes et des représentant-e-s des mouvements sociaux. Après avoir écouté les trois oratrices, la députée indépendante Sofia Sakorafa, exclue du Pasok après son refus de voter les mesures d’austérité prévues par le Mémorandum, la brésilienne Maria Lucia Fattorelli, protagoniste des audits de la dette de l’Equateur et du Brésil et Voula Taki, co-fondatrice de l’Initiative des Femmes contre la Dette de Thessalonique, les participant-e-s ont alimenté un débat de grande qualité et de haute créativité.

Les femmes étant les premières touchées par la crise actuelle, ce n’est pas un hasard si le premier mouvement authentique de base contre la dette publique grecque émergea sous leur impulsion ! Bien qu’encore à ses débuts, l’Initiative des Femmes contre la Dette et les Mesures d’Austérité montre que le combat contre la dette est non seulement possible mais qu’il peut aussi inspirer des franges de l’avant-garde sociale, sinon des gens sans expérience militante. De plus, elle montre que l’unité la plus large n’est contraire ni à la radicalité ni à l’internationalisme en actes. Tout permet de laisser présager que la suite de cette expérience pionnière s’annonce fort intéressante car utile pour toutes les résistances au néolibéralisme tant en Grèce que partout ailleurs en Europe et dans le monde…


[1|1| K. Kouneva, immigrée bulgare en Grèce, était dirigeante du syndicat très combatif des nettoyeuses de la région d’Athènes lorsqu’elle fut victime d’une tentative d’assassinat au vitriol orchestrée probablement par le patronat, en décembre 2009 (les auteurs de cet acte odieux restent toujours introuvables !). Défigurée et sa vie ayant été solidement mise en danger, K. Kouneva commence à peine à se rétablir quelque peu après avoir subi des dizaines d’opérations.

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