Le dernier budget libéral prévoit des compressions de 350 millions de dollars en éducation primaire et secondaire. Depuis des mois, parents, enseignants et élèves forment des chaînes humaines tous les premiers du mois pour dénoncer les compressions libérales.
D’un côté, le milieu scolaire lance l’alerte. De l’autre, les libéraux prétendent que leurs compressions budgétaires ont peu ou pas d’impacts sur les services aux élèves. Pour en avoir le cœur net, j’ai accepté l’invitation et pris le chemin de l’école Garneau par un bel après-midi d’automne.
10 ans de compressions
Malgré toute la bonne volonté de l’équipe de cette école, les impacts d’une décennie de compressions budgétaires se font sentir à Garneau. C’est le personnel de soutien qui écope le plus. L’infirmière de l’école ne vient qu’un jour par semaine. La psychoéducatrice n’a plus le temps de faire de la prévention.
Les techniciennes en éducation spécialisée n’ont pas assez d’heures par semaine. Le service orthopédagogie a été réduit et peine à faire un suivi qui réponde aux besoins réels des élèves. Le temps de travail de la conciergerie se fait mince, et sans heures supplémentaires, la poussière s’accumule dans les couloirs de l’école.
Les ressources matérielles sont restreintes, même pour l’achat de matériel de base, comme des dictionnaires, des crayons ou du papier. L’enseignante affectée à une nouvelle classe de 5e année a dû solliciter la générosité de ses collègues pour l’équiper et la meubler.
L’école Garneau n’est pas l’école publique moyenne du Québec : elle dessert une population souvent défavorisée et majoritairement issue de l’immigration. Là encore, le personnel enseignant manque cruellement de soutien. Les ratios d’élèves ne sont pas adaptés à la réalité des écoliers.
Imaginez une classe de maternelle de 19 élèves dont trois ou quatre ne comprennent pas le français. Le prof est incapable de donner toute son attention aux autres, en particulier ceux qui souffrent de difficultés d’apprentissage. Plusieurs enseignants ne savent même plus ce qu’est une classe régulière !
Le soutien linguistique offert aux élèves est insuffisant. Bien qu’un service d’interprète existe, l’école n’a pas les moyens de se l’offrir. Le personnel doit se débrouiller comme il peut pour communiquer avec les parents allophones.
Dans ces conditions, est-ce que les chances de réussite d’un élève allophone sont les mêmes que celles des autres enfants ? J’en doute.
Des enseignants à bout de souffle
Ils adorent leur travail. Ils veulent enseigner. Mais ils se sentent oubliés par le gouvernement Couillard, qui ne semble pas reconnaître leur importance au sein de la société québécoise. Ils croulent sous la « paperasse » de toute sorte : les enseignants deviennent des microgestionnaires.
L’éducation se transforme en processus quantitatif. L’État veut savoir « combien », mais ne s’intéresse pas au « comment ».
Dans la classe, les enseignants doivent composer avec des élèves souffrant de troubles d’apprentissage. Même dans un groupe où leur proportion est élevée, le prof ne reçoit qu’une heure par semaine le soutien d’une psychoéducatrice.
Les spécialistes n’étant pas en nombre suffisant, les diagnostics peuvent prendre plus d’un an et, malheureusement, plusieurs enfants passent entre les mailles du filet.
Il faut le répéter : plusieurs se demandent si nous avons encore affaire à des classes régulières.
La tâche des enseignants, déjà chargée, est fortement alourdie par les compressions libérales. Là où le personnel de soutien aurait pu jouer un rôle, les enseignants doivent compenser. Pas d’effets sur la qualité de l’éducation ? Laissez-moi rire.
Une jeunesse curieuse et débrouillarde
Heureusement, tout n’est pas sombre et entre deux rencontres à saveur politique, j’ai eu le plaisir de faire la connaissance des élèves de l’école et de participer à leur quotidien. J’ai aidé des tout-petits de 1ère année à réaliser une activité d’écriture. J’ai visité le toit vert potager de l’école, un bel exemple de réussite qui pourrait inspirer d’autres écoles publiques. J’ai redécouvert les joies de la récréation à travers les yeux de l’enfance. Partout, une jeunesse curieuse et débrouillarde ne demande qu’à développer son plein potentiel.
J’ai été particulièrement impressionnée par la classe de robotique, où les enfants sont amenés à travailler en équipe pour construire et programmer un robot. Une façon ludique d’apprendre des concepts de mathématique théoriques et particulièrement difficiles à intégrer. Sans surprise, les élèves adorent la robotique : l’équipe de l’école Garneau a même gagné le prix « Persévérance » au Festival 2014 de robotique de la ligue Lego First.
Ces robots n’ont plus de secrets pour les élèves de l’école Garneau, mais la politique parlementaire n’est pas encore tout à fait maitrisée. J’ai tenté d’expliquer mon travail de députée à des jeunes de 4e et 5e année. Disons que je leur ai promis de revenir dans un an ou deux. Qui sait, peut-être que certains élèves seront intéressés par l’implication politique !
Courage politique recherché
Le ministre Blais a refusé la main tendue de l’école Garneau. Il y aurait découvert une belle école, en difficulté certes, mais animée par un personnel de bonne volonté, peuplée d’écoliers éveillés et curieux. Nos profs et le personnel de soutien font déjà des miracles avec des ressources qui diminuent sans arrêt depuis 10 ans, mais on ne peut pas couper jusqu’à l’os sans affecter l’avenir des élèves.
Le gouvernement libéral prétend couper pour l’avenir de nos enfants. Aujourd’hui, ils sont pourtant sur nos bancs d’écoles. Certains parents font le choix de l’école privée, curieusement épargnée par l’austérité, ou compensent les coupures par des services au privé. D’autres n’en ont tout simplement pas les moyens. C’est le cas de plusieurs parents de l’école Garneau.
En tant que société, la question qu’il faut se poser n’est pas : « avons-nous les moyens d’investir en éducation ? », mais plutôt, « la génération de nos enfants sera-t-elle la génération qu’on ne pouvait se payer ? ». Pour moi, la réponse est évidente. Il faut stopper l’hémorragie.
Le 20 novembre, les parents organisent une manifestation pacifique devant l’Assemblée nationale pour demander au gouvernement d’arrêter le saccage en éducation. Ma collègue Françoise David et mes collègues de l’opposition profiteront de l’occasion pour interpeler le ministre. Cette fois-ci, M. Blais ne pourra pas se défiler. Il devra confronter la colère des parents, des enseignants, de tous ceux et celles qui portent l’école publique à bout de bras. Pour vous joindre à nous, réservez une place dans les autobus qui partiront de plusieurs régions du Québec ici.