Comme dans les 16 autres régions administratives du Québec qui ont reçu ou recevront sa visite, la commission a cherché à mettre des visages et des paroles sur les problèmes d’habitation, ainsi qu’à évaluer leurs impacts sur d’autres droits, par exemple ceux à l’alimentation, à la santé, à la sécurité, à l’égalité, à l’éducation, à la justice, etc.
Le FRAPRU s’attendait à ce qu’une des préoccupations soulevées lors de l’audience soit la construction anémique de logements locatifs à Laval. En 2011, à peine 495 appartements à louer ont été mis en chantier, ce qui est beaucoup plus bas que la moyenne des dernières années. Or, la situation s’annonce beaucoup plus désastreuse en 2012. Au cours des neuf premiers mois de l’année, à peine 45 logements locatifs ont été mis en chantier. C’est dix fois moins qu’à pareille date l’an dernier. C’est surtout vingt fois moins que la construction d’unités de condominiums qui, elle, atteint le nombre record de 879. L’organisme national y voit un risque sérieux d’aggravation de la pénurie de logements locatifs dont Laval n’est jamais totalement sortie depuis le début de années 2000 et qui affecte plus particulièrement les locataires à plus faible revenu.
Pour sa part, l’ACEF de l’Île Jésus, qui a co-organisé l’audience, a rappelé que, lors du recensement canadien de 2006, près de 37 % des ménages locataires de Laval devaient consacrer plus que la norme de 30 % de leur revenu au loyer et que, pour 17 % des ménages, c’est plus de la moitié du revenu qui y passait. Selon Micheline Côté, directrice de l’organisme, « payer un pourcentage trop élevé de ses revenus pour se loger, ça signifie couper dans d’autres besoins essentiels, en particulier la nourriture ; ça peut aussi vouloir dire se retrouver en situation de non-paiement de loyer et être évincé de son logement par la Régie du logement ».
Selon Mme Côté, la situation ne s’est pas améliorée depuis le recensement, puisque le coût du logement a augmenté en moyenne de 14 % à Laval : « Au bureau de Laval de la Régie du logement, le nombre de causes soumises par les propriétaires pour non-paiement de loyer a augmenté de 5 % en cinq ans pour atteindre 1 928 en 2010-2011. Il y a là un signe très inquiétant ».
Des gestes concrets sont attendus
François Saillant, coordonnateur du FRAPRU, espère que les audiences de la commission, qui se poursuivront jusqu’au 23 novembre, et le rapport qu’elle soumettra par la suite, contribueront à mettre de la pression sur les gouvernements en vue de leurs budgets de mars 2013 : « En proportion, Laval compte moins de logements sociaux que le reste du Québec. Les HLM y représentent moins de 4 % des logements locatifs, alors que la moyenne québécoise est de 6 %. Quant aux logements coopératifs et sans but lucratif construits au cours des quinze dernières années, ils comptent pour à peine un peu plus de 1 % de l’ensemble des logements locatifs, ce qui est également moins que la moyenne québécoise. Ce n’est pas avec 2 500 logements par année pour tout le Québec que Laval va pouvoir rattraper son retard et répondre aux besoins des 1 000 ménages qui sont sur la liste d’attente de l’Office municipal d’habitation ».
Le FRAPRU estime que le nouveau gouvernement péquiste de Pauline Marois doit non seulement respecter son engagement d’augmenter le nombre de nouveaux logements sociaux à 3 000 par année pendant cinq ans, mais qu’il doit aussi largement dépasser cet objectif.
Selon l’organisme, le gouvernement fédéral devrait lui-aussi accroître considérablement ses investissements dans de nouveaux logements sociaux qui n’ont jamais été si bas depuis 2001. Il doit en même temps s’engager dès maintenant à poursuivre les subventions à long terme qu’il accorde aux logements sociaux déjà existants, lorsqu’elles arriveront graduellement à échéance au cours des prochaines années. À Laval, 2 208 logements de type HLM seraient affectés par la fin de ces subventions, tout comme 480 logements coopératifs et un nombre au moins similaire de logements gérés par des Organismes sans but lucratif (OSBL). L’accessibilité financière des logements pourrait notamment en souffrir.
Les trois membres de la Commission populaire itinérante sur le droit au logement présents à Laval étaient Barbara Rufo, psychosociologue à la coopérative Interface et active depuis 25 ans dans la lutte contre la pauvreté, Sylvain Lafrenière, de l’Union des consommateurs du Québec, et Yannick-S Mondion, locataire de logement social impliqué sur les enjeux d’itinérance et d’hébergement jeunesse. Au total, quatorze personnes de différents horizons (juristes, universitaires, chercheurs et chercheuses, porte-parole de mouvements sociaux, etc.) composent la commission.