Oui, car le ministre Arcand justifie la subvention accordée à Suncor, par l’intermédiaire du Fonds vert, pour réduire sa production de gaz à effet de serre d’un « appréciable » 0,9 %, au motif qu’il ne faut pas faire de discrimination entre les entreprises. Les fonctionnaires auraient des critères précis d’attribution. [1] Oh... une minute ! On parle bien d’une compagnie pétrolière, n’est-ce pas ? Qui a généré 36,6 milliards de profit [2] et qui investit dans les sables bitumineux ? Notre bon gouvernement va l’aider à réduire son empreinte écologique ? À quel moment est-on foudroyé par le ridicule de l’affaire ?
L’exemple ne serait pas si grotesque s’il s’agissait du seul déboire du Fonds vert. Ce dernier se retrouve régulièrement sur la sellette, car il a été vertement – c’était indéniablement le meilleur adverbe – critiqué par le vérificateur général en 2012 et 2014, puis par le commissaire au développement durable en 2014, lequel avait réclamé pour l’automne suivant un plan d’urgence visant à rectifier les vices de fonctionnement observés. Après plus d’une année, rien n’a encore été fait. [3] Les bourdes s’accumulent : projets attribués sans appel d’offres [4], information incomplète, pas d’objectifs précis et mesurables demandés au contractant, absence de gestion axée sur les résultats. Le Fonds cumule 3,3 milliards de budget, dont seulement 12 % ont été dépensés, s’il faut en croire le journal Les Affaires, soit 400 millions dont 300 millions pour le transport en commun. Qu’en serait-il si le Fonds s’appuyait sur un véritable plan de transition énergétique, au lieu de jouer à des bouffonneries comme le financement de pétrolières ou de transporteurs aériens comme Air Canada (qui a aussi eu droit à 800 000 $ pour poser des ailettes sur quatre de ses Boeing) ? [5]
Cette accumulation de preuves d’incurie nous donne des airs de clown triste, le témoin malheureux du faste du cirque, forcé de rire aux pirouettes et aux acrobaties et qui craint, lui aussi, d’être happé par le ridicule et la malhonnêteté. Il y a tant à faire pour la transition écologique : collectivement, nous pourrions faire des avancées remarquables. Ce serait là un bien universel qui profiterait à chacun des enfants de la Terre. Un bien aussi précieux que l’école. Sans blague.
Marie-Ève Mathieu
Saint-Jude
Le 3 février 2016