Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Environnement

Transition énergétique

Lorsque la CMM (Communauté métropolitaine de Montréal) a dit NON à Énergie Est, cela a eu l’effet d’une douche froide pour la direction de TransCanada. Jusqu’à maintenant, TransCanada avait joué les primadonnas qui n’ont pas de comptes à rendre aux simples mortels que nous sommes. Elle préférait les jeux de coulisse : action d’un « copain-copain » lobbyiste auprès de l’ONÉ (Office national de l’énergie) et du gouvernement fédéral, et mise en œuvre d’un plan de relations publiques modelé sur celui de la firme Edelman. C’est sans doute cette arrogance qui l’a amenée à boycotter les audiences de la CMM [1] au sujet de cet oléoduc. Mais les absents ont toujours tort ! La gifle aura-t-elle été salutaire ? On voit que M. Bergeron, le nouveau vice-président pour le Québec et le Nouveau-Brunswick, se dit confiant que TC saura convaincre les Québécois du bien-fondé de son projet avec « ...les faits et la science... » [2] Rien n’est moins sûr !

Au-delà des faits et de la science, qui révèlent les dangers d’une grave pollution de nos sources d’eau et d’une énorme production de gaz à effet de serre, un autre enjeu important est soulevé par les grands projets d’oléoducs tels Northern Gateway ou Trans Mountain. Énergie Est, comme ses congénères, est une infrastructure majeure qui se situe du mauvais côté d’une transition énergétique. En effet, à diverses époques de l’histoire, de grands changements technologiques ont bouleversé la vie des citoyens et de l’industrie. Plusieurs de ces grandes transitions se sont produites sur des périodes d’une trentaine d’années.

En 2016, proposer de construire un oléoduc, c’est comme construire une méga-usine de bogheys ; promouvoir les sables bitumineux, c’est proposer l’élevage de chevaux pour tirer ces bogheys. En 1920, l’automobile était inventée ; mais c’était un moyen de transport des personnes peu fiable, et de surcroit inutilisable en hiver. Les infrastructures nécessaires pour alimenter ces véhicules en essence, les réparer et les entretenir étaient quasi-inexistantes. Donc, c’étaient des jouets de riches ! Pourtant, trente ans plus tard, vers 1950, plus personne n’utilisait le cheval et le boghey pour ses déplacements personnels. Les propriétaires de l’usine de bogheys et les éleveurs de chevaux auraient été laissés pour compte avec leur technologie obsolète, grâce à Henry Ford et à son « model T ».

Plus près de nous, voici un autre exemple de transition technologique. Vers 1986, un téléphone était un instrument branché dans une prise murale ; pour signaler, il fallait utiliser un cadran rotatif. Aujourd’hui, les téléphones intelligents n’ont que faire d’une prise murale, et les diverses applications peuvent faire beaucoup plus que simplement transmettre la voix humaine. En moins de trente ans, le cellulaire a bouleversé notre façon d’interagir avec nos semblables.

Alors, au-delà du simple rapport comptable (certains y voient en plus un enjeu d’unité nationale), il faut avoir la sagesse de prévoir le développement technologique des prochaines décennies. Le consensus scientifique, le GIEC et la Conférence de Paris indiquent que nous devons nous sevrer des énergies fossiles dans les meilleurs délais, sinon la planète risque de devenir inhabitable pour les humains. De plus, l’électrification des transports et les nouvelles technologies avancent aussi vite que celle du téléphone portable. Elon Musk et la Tesla risquent fort de détrôner l’automobile à essence de la même manière que Henry Ford a banni le cheval et le boghey du quotidien des citoyens.

Même si Énergie Est est un projet autrement plus gros qu’une usine de bogheys, il risque d’être obsolète d’ici quelques années ! Lorsque le ministre Daoust [3] va courtiser les Albertains, est-ce pour accepter servilement leur « éléphant noir » ? Nos dirigeants vont-ils avoir le courage de se tourner vers l’avenir ?

Gérard Montpetit
Membre du CCCPEM (Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain)
Le 1er février 2016

Gérard Montpetit

Membre du comité Non au schiste La Présentation

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