Édition du 12 novembre 2024

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Environnement

Tout pour l’or noir, y compris la planète

La prodigieuse quantité de pétrole qui se déverse aujourd’hui dans le Golfe du Mexique est l’un des désastres écologiques les plus importants de l’histoire de l’humanité. Il ne s’agit pourtant, selon Michael T. Klare, professeur à Hampshire College, que d’un prélude à ce qui nous attend dans la phase de pénurie de pétrole qui s’annonce. Nous proposons ici quelques extraits d’un article de cet auteur.

Quelles que soient les causes directes de l’explosion qui a détruit la plateforme pétrolière Deepwater Horizon le 20 avril, les raisons sous-jacentes ne font aucun doute : un gouvernement influencé par les entreprises dans le but d’exploiter les réserves de pétrole et de gaz naturel dans des environnements extrêmes et dans des conditions d’exploitation toujours plus risquées.
Les États-Unis sont entrés dans l’ère de l’hydrocarbure en possédant l’un des plus grands bassins de pétrole et de gaz naturel. L’exploitation de ses ressources, riches et variées, a longtemps contribué à la prospérité et à la puissance de la nation, mais aussi aux profits des plus grandes entreprises pétrolières, tel que BP et Exxon. Aujourd’hui, la plupart des réserves de pétrole et de gaz aisément accessibles se sont épuisées et il faut donc aller les chercher dans les régions difficiles d’accès tels que l’Alaska et l’Arctique. Afin d’assurer la fourniture d’hydrocarbure – et donc la prospérité de ces entreprises – les administrations successives ont encouragé l’exploitation de ces sources d’énergies avec un mépris stupéfiant pour les dangers qui en résultent. […].

Il y aura du sang

L’extraction du pétrole et du gaz a toujours comporté des risques ; la plupart des réserves énergétiques étant enfouies très profondément sous la surface terrestre. Le forage peut provoquer une explosion par la libération des hydrocarbures […] Dans les premières années d’activité de l’industrie pétrolière, ce phénomène – popularisé par le film There Will Be Blood – provoquait fréquemment des dommages humains et environnementaux […]. Aujourd’hui, la ruée vers les réserves difficilement accessibles d’Alaska, d’Antarctique et des eaux profondes marque le retour à une version particulièrement dangereuse de ces premiers essais. Les entreprises pétrolières sont confrontées à des risques aussi nouveaux qu’inattendus et leurs technologies – développées dans des contextes plutôt bénins – sont incapables de répondre de façon adéquate à ces nouveaux enjeux. Les dégâts environnementaux s’avèrent être bien plus dévastateurs que tout ce qui existe dans les annales industrielles du 19e siècle et du début du 20e siècle.
Malgré les risques évidents et les systèmes de sécurités inadéquats, les administrations états-uniennes successives, celle de Barak Obama comprise, ont soutenu les stratégies d’entreprises favorisant l’exploitation de réserves de pétrole et de gaz dans les zones environnementales sensibles. […]. Ce soutien s’est d’abord manifesté pleinement au travers de la Politique d’Energie Nationale (PEN) adoptée par le Président George W. Bush en mai 2001 et dirigée par l’ex-vice président du Conseil d’administration de Haliburton, Dick Cheney. L’idée défendue alors était de protéger les États-Unis contre la menace que faisait peser sur elle l’importation d’énergie […]. La solution ? ? Augmenter l’exploitation de réserves énergétiques non conventionnelles – pétrole et gaz se trouvant dans les zones d’eaux profondes au large du Golfe du Mexique, de la plaque continentale extrême de l’Alaska, de l’Arctique américain, tout comme dans l’exploitation des schistes bitumeux. […]

Recherche compulsive à haut risque du profit

La plupart des entreprises pétrolières développent des arguments implacables afin de justifier un engagement croissant dans l’exploitation des sources d’énergies situées dans des régions extrêmes. Chaque année, afin d’éviter une chute de leurs actions, ces firmes doivent remplacer le pétrole extrait des puits qu’elles possèdent par d’autres réserves. Or, si la plupart des puits de pétrole et de gaz, provenant des zones traditionnelles d’extraction, se sont épuisés, de nombreux terrains prometteurs au Moyen-Orient, en Amérique latine et en Ex-Union soviétique sont aujourd’hui sous le contrôle exclusif d’entreprises nationales tels que Saudi Aramco, Mexico’s Pemex, et Venezuela PdVSA. Ainsi, les firmes privées, largement connues sous le nom d’entreprises internationales du pétrole (EIP), se voient limitées dans la reconstitution de leurs réserves. La ruée vers le pétrole se poursuit dans l’Afrique sub-saharienne, où la majorité des gouvernements autorisent encore une participation des EIP. Elles se heurtent ici cependant à une rude concurrence des entreprises chinoises et des autres entreprises d’État. Les seules régions où elles ont virtuellement les mains libres sont donc l’Arctique, le Golfe du Mexique, l’Atlantique nord et la mer du Nord. Il n’est donc pas surprenant qu’elles y concentrent leurs efforts, et cela, quelque soient les dangers pour les êtres humains ou pour la planète. […].

Alors qu’une surveillance insuffisante et un équipement défectueux ont pu jouer un rôle critique dans la catastrophe de BP dans le Golfe, la première raison du désastre réside dans la course compulsive des grandes firmes pétrolières pour compenser le déclin de leurs réserves traditionnelles en cherchant à se fournir dans des zones intrinsèquement dangereuses – les risques étant ignorés. Tant que de tels comportements compulsifs prévaudront, il est à parier que de nombreux désastres du même type suivront.

Michael T. Klare


KLARE Michael T.
* Publié en français par « solidaritéS » n°169 (03/06/2010), p. 8. Traduction et coupures Isabelle Lucas ; Titre et intertitres de la rédaction de « solidaritéS ».
* La version anglaise complète est disponible sur ESSF : A New Oil Rush Endangers the Gulf of Mexico and the Planet

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