Édition du 12 novembre 2024

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Afrique

Soudan – La grève générale est une question de vie ou de mort : la révolution soudanaise est à la croisée des chemins

La magnifique révolution soudanaise est à la croisée des chemins, soit à l’étape que doit affronter toute révolution qui se déclenche dans le monde contemporain : suffit-il que les masses évincent la tête du régime ou doivent-elles arracher le régime par ses racines ? Et que faire de l’institution militaire ?

tiré de : Entre les lignes et les mots Objet : 2019 - 19 - 11 mai : Notes de lecture, textes, pétitions, annonce

Le peuple soudanais a mené un combat héroïque depuis décembre dernier, offrant des dizaines de martyrs dans les combats de rue avec les milices du dictateur déchu Omar Al Bachir et les révolutionnaires ont organisé des marches (« cortèges ») massives, des grèves et un sit-in de masse qui dure jusqu’à aujourd’hui devant le siège du commandement général de l’armée soudanaise et devant des casernes dans d’autres États. Dès la chute d’Omar Al Bachir le 11 avril dernier, le peuple soudanais s’est levé à nouveau pour renverser le lendemain le président du conseil militaire soudanais, Awad Ibn Ouf.

Depuis que le général Abdelfattah Burhan a pris la tête du conseil avec son adjoint (le plus dangereux et le plus grand criminel, soit « Hamidti », chef des forces de soutien rapide, impliquées dans les crimes commis contre les Fours et contre l’opposition) les généraux d’Al Bachir tentent de contenir la révolution soudanaise et de la vider de son contenu par en tergiversant, en gagnant du temps et en essayant d’accuser le premier coup porté par les révolutionnaires. Les généraux n’ont pas perdu de temps. Ils sont en contact permanent avec les parrains de la contre révolution au Caire, à Riyad et à Abu Dhabi et Manama. Les flux financiers du Golfe ont commencé à affluer pour soutenir le conseil militaire et Sissi travaille d’arrache-pied pour aider le conseil militaire par la voie diplomatique et celle des des services de renseignements.

En parallèle, les médias du Golfe font la promotion de « Hamidti » sur les écrans, qui s’est voulu rassurant sur le fait que l’armée soudanaise continuerait de participer à l’agression au Yémen.

Mais dans la rue, c’est une autre scène à laquelle on assiste : les révolutionnaires soudanais ont organisé deux marches vers l’Ambassade d’Égypte pour dénoncer l’ingérence de Sissi et les services de renseignements égyptiens dans les affaires soudanaises, et on a vu des banderoles qui lui étaient hostiles tout comme elles l’étaient aux régimes du Golfe et à leurs « aides ». Des Soudanais exigent que leurs forces soient retirées de cette guerre dans laquelle ils n’ont rien à voir, ni de près ni de loin.

Qu’en est-il de l’Association des Professionnels Soudanais et des Forces de la Déclaration de la Liberté et du Changement qui sont le fer de lance ce mouvement ?

Les dirigeants de l’opposition soudanaise ont décidé de répondre à l’appel du Conseil militaire soudanais à « négocier » après le renversement d’Al Béchir et Ibn Ouf. Et tandis que le peuple soudanais est dans l’expectative, arrivent des informations contradictoires et filtrent des rumeurs de divergences avec le Conseil. Le sit-in gagne de l’ampleur, puis viennent les accusations contre les dirigeants militaires de tergiverser et de tenter de conserver leur pouvoir souverain, puis c’est le retour à la table des négociations pour qu’avant hier ne soit révélé le point de divergence entre l’opposition et le conseil militaire :

Tandis que l’opposition exigeait un conseil « souverain civil » comprenant tous les membres du conseil militaire (7 généraux) et 8 personnalités civiles, le conseil militaire refusait et exigeait un conseil souverain civil toujours avec tous les membres du conseil militaire (soit ses sept membres) mais avec trois civils seulement.

Dans les deux cas, il n’est proposé qu’une présidence militaire pour un conseil souverain civil.

Les revendications à la baisse de l’opposition ont suscité la colère d’un large secteur de révolutionnaires soudanais déçus par les résultats des négociations.

S’en est suivie toute une polémique sur les réseaux sociaux, à titre d’exemple : cette complaisance serait à mettre au compte de la faiblesse des négociateurs.

Mais le problème n’est pas tant dans la personnalité des négociateurs que dans la stratégie de l’opposition. En acceptant de négocier avec les généraux de Al Bachir et d’accepter que ces derniers soient associés à la période transitoire, les dirigeants de l’opposition tentent de concilier les revendications de la rue révolutionnaire et les généraux de la contre révolution qui étaient au cœur de l’ancien régime, sont sa dernière défense et sont mouillés jusqu’au coup dans ses crimes. C’est un suicide de la révolution et même si les négociateurs venaient à changer, ils trahiraient l’espoir des révolutionnaires dans les accords à venir.

Quelle issue ?


Les sit-in de rue ne peuvent à eux seuls renverser des régimes, et l’association des Professionnels Soudanais n’a pas utilisé sérieusement l’arme de la grève générale depuis la chute d’Al Bachir. La roue de l’exploitation et des intérêts supérieurs du pays tourne toujours. Les révolutionnaires se rassemblent sur la place et dans les marches (les cortèges) après leur travail. Mais la grève générale s’impose pour faire face aux forces armées et préserver le caractère pacifique du mouvement. Rien n’est plus préjudiciable aux régimes capitalistes (qu’ils soient militaires ou civils) que les grèves. A maints endroits et sans attendre de mots d’ordre de grève de l’Association des Professionnels, des travailleurs et des employés du Soudan, dans des usines, des sociétés, des administrations publiques se sont mobilisés pour exiger des titularisations, des syndicats indépendants et d’expurger de leurs lieux de travail des directions administratives acquises au régime. Des scènes auxquelles nous avons été habitués en Égypte en 2011 et qui ont été attaquées à l’époque par les islamistes et les libéraux au motif qu’il s’agissait de « grèves corporatistes » et que « ce n’était pas le moment ». Mais ces grèves sont le pouls de la révolution et une nécessité pour déboucher sur une grève générale, qui est une question de vie ou de mort pour la révolution.

En parallèle de la grève générale se pose un défi majeur : avec quels militaires négocier ? Quels militaires sont-ils autorisés à participer à la phase de transition ? Les généraux de Al Bachir ? Ou les officiers subalternes et les soldats qui se sont rebellés contre leur commandement, ont décidé de désobéir aux ordres, ont fraternisé sur les places avec les révolutionnaires et les ont protégés des attaques brutales des milices à plus d’une occasion ?

L’insoumission des petits gradés et des soldats a été une des raisons les plus importantes de l’empressement des militaires à évincer Al Bachir par crainte d’un effondrement de l’armée et du régime. Et ce n’est un secret pour personne que le reprise en main par les gradés dans l’armée à nouveau est le premier souci des généraux actuellement. C’est avec les premiers que les révolutionnaires soudanais doivent s’allier, négocier et participer.

D’aucuns redoutent et accusent les révolutionnaires d’entraîner le pays vers un bain de sang, mais le véritable bain de sang viendra d’un coup de force inévitable des généraux contre la révolution, que ce soit sous la forme d’une attaque directe après des louvoiements à même d’épuiser l’élan révolutionnaire ou par un changement cosmétique garantissant la pérennité des généraux et des politiques de l’ancien régime sous un forme nouvelle. La préservation du caractère pacifique de la révolution impose une mobilisation rapide pour la grève générale de masse et de s’adresser à cette frange de l’institution militaire pour la rallier à la grève.

Houssam Al Hamlawi, mercredi 1er mai

Source : https://revsoc.me/arab-and-international/39749/

Traduit de l’arabe par Luiza Toscane.

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article48711

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Déclaration importante des Forces de la Déclaration de la Liberté et du Changement – Pour une véritable transition démocratique

Aux masses de notre noble peuple,

Les tentatives de se maintenir au pouvoir et de s’accrocher aux postes au prétexte de la protection ou du maintien de la sécurité sont un disque rayé, sans cesse remis au goût du jour mais obsolète : par nature, la mission des forces de sécurité et des armées se borne à la sécurité et à la défense et n’est aucunement le contrôle du gouvernement et l’hégémonie sur le pouvoir.

Les armées n’ont pas été mises en place pour exercer le pouvoir et traîner dans les palais. Les armées sont par nature destinées à protéger les peuples et à protéger des ennemis les frontières des nations. Tous les chapitres des livres d’histoire dans lesquels les armées occupent les sièges du gouvernement sont suivis de chapitres qui parlent de fleuves de sang et relatent leur prédisposition de ces dernières à la tyrannie.

Les tentatives du conseil militaire de dépeindre leurs négociations avec nous, sur les moyens de l’administration de l’État et les prérogatives des institutions du pouvoir, comme erratiques, sont l’illustration de qui veut les faire capoter et de qui veut répéter les expériences tragiques du régime militaire dans notre pays et d’autres, soit un couper-coller de tous les fléaux et manifestations de la tyrannie qui lui sont inhérentes, Cela, nous ne l’admettrons pas, pas plus que nous ne permettrons le remplacement d’un tyran par un autre. Les sacrifices consentis par le peuple soudanais sont trop grands pour être vendus et achetés. Le sang versé et les martyrs valent plus que les ambitions personnelles et les arrangements individuels.

Nous, Forces de la Liberté et du Changement, déclarons notre attachement à la Déclaration de la Liberté et du Changement. Notre objectif n’est pas le pouvoir pour le pouvoir. Si tel avait été le cas, nous aurions nagé avec ceux qui surfent sur les rivières de sang et nous y aurions accédé en faisant fi des crânes des nobles martyrs dès le premier appel au dialogue et au partage des postes de l’ancien régime. Par conséquent, notre dialogue et nos négociations avec le Conseil militaire sont fondés sur la promesse faite au peuple et devant les caméras et les médias, selon laquelle il s’agit d’un dialogue valable avec une partie valable afin de donner le pouvoir aux civils, et avec aucune autre partie. Notre dialogue avec le Conseil militaire est transparent et cartes sur table. Il ne se déroule pas dans des lieux secrets, ni dans le cadre de réunions « bilatérales » obscures. Nous voulons qu’il se fasse face au peuple et aux médias.

Ce qui s’est passé lors de tous les cycles de négociations précédents indique que le conseil militaire cherche à se donner une légitimité ainsi qu’à son régime en revêtant son autorité d’un caractère civil artificiel et faible pour se maintenant au pouvoir et continuer de diriger l’État. Et nous soulignons que la méthode du conseil militaire consistant à tergiverser et à tenir un discours évasif ne lui conférera aucune légitimité, et que ses déclarations sur les Forces de la Déclaration de la Liberté et du Changement sont irresponsables et caractérisées par un manque de crédibilité.

Nous disposons de moyens d’action pacifique et de masse, notamment la grève politique et la désobéissance civile, moyens éprouvés et dont notre peuple a une expérience mémorable, que nous mettrons en œuvre jusqu’au bout. Notre boussole et nos référents en la matière sont les masses et leurs aspirations. A cette fin, nous, Forces de la Déclaration de la Liberté et du Changement, déclarons que nous continuerons d’utiliser les méthodes de la résistance pacifique, manifestations, cortèges et rassemblements héroïques dans toutes les régions du Soudan jusqu’à la passation du pouvoir à une autorité de transition civile conformément à la Déclaration de la Liberté et du Changement, qui engage les masses de notre peuple.

Ce que nous cherchons et à quoi nous œuvrons, c’est la mise en place d’une autorité civile de transition dont les institutions seront dotées de prérogatives qui mènent à une véritable transition démocratique qui interdit à la contre révolution et aux résidus du régime de voler les acquis de notre peuple, et qui travaille à tracer la voie du développement, de la croissance, de la stabilité et de la sécurité pour le Soudan et ses habitants. Et nous poursuivrons la pression pacifique par tous les moyens disponibles et éprouvés par les peuples fiers qui récusent l’injustice et ne plient pas.

Les Forces de la Déclaration de la Liberté et du Changement

30 avril 2019

Publié le 01 Mai 2019. Source :

http://www.sudanile.com/index.php/الأخبار/114559–بيان–هام–من–قوى–إعلان–الحرية–والتغيير)

Traduction de l’arabe : Luiza Toscane

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article48677

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