Or, les tergiversations de la direction du Parti québécois depuis des années sur ce sujet s’expliquent avant tout par l’opposition d’une majorité d’électeurs à l’indépendance du Québec, laquelle s’est exprimée à deux reprises lors des référendums de mai 1980 et d’octobre 1995, tenus là-dessus. Rien n’indique qu’ils ont changé d’avis, bien au contraire. Ils ont bien d’autres soucis auxquels le Parti québécois ne répond pas vraiment et dont il a été à l’origine dans le passé ; surtout le ralliement relatif de ses directions successives à ce qu’il est convenu de nommer le rétrolibéralisme depuis le début de la décennie 1980.
La direction péquiste actuelle fait face à un double défi : sur sa droite, la CAQ rassemble beaucoup de nationalistes fédéralistes (et certains souverainistes), sur sa gauche Québec solidaire dont les membres ont été déçus par le virage rétrolibéral du parti depuis trente ans. Et certains d’entre eux sont davantage socialistes ou sociaux-démocrates qu’indépendantistes.
Il faut ici rappeler que durant la décennie 1970 (la première de l’existence du Parti québécois), on débattait beaucoup au sein du parti non seulement d’accession du Québec à la souveraineté, mais aussi d’un modèle de société plus égalitaire que l’indépendance devait permettre, ce qu’on tend à oublier aujourd’hui.
Une aspiration qui a été trahie par le gouvernement Lévesque seconde et dernière manière (1981-1985) qui le premier, a appliqué des compressions budgétaires massives au sein de la fonction publique québécoise, ce qui explique sa défaite aux urnes en 1985. C’est lui qui au niveau provincial, a inauguré les politiques qualifiées de rétrolibérales, une orientation qui, pour l’essentiel, s’est confirmée par la suite. Comme on le voit, l’actuel gouvernement libéral de Philippe Couillard et celui de son prédécesseur Jean Charest n’ont rien inventé. En fait, tous les gouvernements québécois qui se sont succédé depuis 1980 peu importe leur couleur partisane ont appliqué des politiques économiques, sociales et financières fondamentalement semblables. Comme les autres partis sociaux-démocrates occidentaux, le Parti québécois tient un discours social-démocrate dans l’opposition et durant les campagnes électorales mais une fois au pouvoir, il applique souvent des politiques contraires sous divers prétextes, le plus courant étant un état des finances publiques plus précaire que prévu.
Dans le cas, du Parti québécois, la « discipline souverainiste » a souvent servi de discours de diversion face à cette orientation plus ou moins rétrolibérale. C’est celle-ci qui explique dans une bonne mesure la désaffection d’une partie substantielle de la gauche à l’égard du parti. Québec solidaire est né précisément de ce désenchantement.
Certains se désolent de ce que pour la première fois depuis des lunes, le débat fédéralisme-indépendance ne monopolisera plus le débat électoral cette fois-ci. Je pense qu’il faut au contraire s’en réjouir et dénoncer la duplicité des faux progressistes péquistes pour proposer enfin de s’attaquer concrètement aux inégalités sociales de plus en plus criantes qui rongent la société québécoise comme les autres.
Ce qui ne signifie pas pour autant balancer par dessus bord ce qu’on appelle la question nationale. Mais non seulement ne doit-elle plus servir de discours de diversion comme ce fut souvent le cas dans le passé, mais il faudrait cesser de la réduire à la controverse fédéralisme-indépendance, laquelle est très polarisante et a tendance à reléguer à l’arrière-plan le thème des inégalités sociales. L’affirmation nationale du Québec ne passe pas obligatoirement par la souveraineté. Il importe de sortir du fétichisme indépendantiste à gauche et envisager une forme ou une autre de fédéralisme renouvelé, axé sur une autonomie accrue pour le Québec au sein de la fédération canadienne. Il faudrait au moins évoquer la question.
Jean-François Delisle
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