Bien que le traitement par anti-rétroviraux (TAR) fait diminuer la charge virale à un niveau indétectable pour la majorité des personnes vivants avec le VIH au Québec, plusieurs affaires relatives à la non-divulgation du VIH se retrouvent régulièrement devant les tribunaux. Certains accusés acceptent même de plaider coupable pour éviter la médiatisation de leur statut sérologique et afin de ne pas nuire à leur entourage. Une situation que déplore la Coalition des organismes communautaires québécois de lutte contre le sida (COCQ-SIDA), ainsi que d’autres acteurs de la lutte contre le VIH à travers le pays. Mais il y a de l’espoir dans l’air…
Le Canada n’est pas un modèle concernant la question de la criminalisation du VIH...
En effet, le Canada fait partie des pays qui affichent le plus fort taux de poursuites pour non-divulgation de la séropositivité. Il partage ce statut avec des pays aux portraits assez peu reluisants en matière de discrimination, comme la Russie, l’Ukraine, les États-Unis et la Biélorussie.
Sur quoi reposent ces poursuites ?
Le chef d’accusation d’agression sexuelle grave s’applique le plus souvent en cas de non-divulgation de sa séropositivité si la personne n’a pas utilisé de préservatif. Concrètement, il n’est pas nécessaire qu’il y ait transmission du VIH ou intention de contaminer son partenaire. Les tribunaux canadiens ne reconnaissent pas ce que la science nous dit aujourd’hui, à savoir qu’une personne ayant une charge virale indétectable ne transmet pas le VIH.
Les procès sont-ils nombreux ? Et quels genres de peines risque-ton lorsqu’on est condamné ?
Depuis 1989, plus de 200 procès pour non-divulgation ont eu lieu au Canada. Et ces dernières années, on constate une montée en flèche du nombre des plaintes. Et plus du deux tiers des poursuites se concluent par une condamnation pour au moins un chef d’accusation. Certaines personnes ont même été condamnées à plusieurs années de prison. Et durant le procès leur identité est parfois diffusée par les médias, puis leur nom est inscrit à vie au registre des délinquants sexuels. À la fin de leur sentence, cela limite de beaucoup leur capacité à trouver un travail ou à voyager.
Je me souviens que l’an dernier le gouvernement fédéral avait dit qu’il allait mandater ses procureurs d’être plus circonspects dans les poursuites de non-divulgation de séropositivité. Et la ministre de la Justice fédérale Jody Wilson-Raybould avait invité les provinces à lui emboîter le pas. Ll’Ontario n’a pas tardé et a annoncé avant le 1er décembre 2017 qu’il n’engagerait plus de poursuites dans les cas d’individus qui n’ont pas dévoilé leur séropositivité lorsque ceux-ci ont une charge virale supprimée depuis six mois. Mais le Québec n’a pas bougé encore.
La nouvelle directive de la direction générale de la santé publique — qui confirme qu’une personne séropositive dont la charge virale est très basse (moins de 200 copies par million) ne transmet pas le virus —, pourrait-elle faire bouger les choses ?
Nous en avons l’espoir. Pour une fois, la recommendation est québécoise et elle s’appuit sur les résultats de recherches qu’on ne peut réfuter. C’est donc dans cet esprit que nous avons entamé des représentations auprès de la nouvelle ministre de la Justice du Québec. Il faut que notre système de justice s’adapte pour mieux refléter les données scientifiques actuelles sur le VIH et le sida. Le droit pénal ne devrait plus s’appliquer aux personnes séropositives qui suivent un traitement antirétroviral ou qui maintiennent une charge virale supprimée dans le sang ; à celles qui n’en suivent pas mais qui utilisent un condom ; ou dans les cas de relations sexuelles uniquement orales.
La criminalisation disproportionnée de la non-divulgation de la séropositivité décourage bon nombre de personnes de passer des tests de dépistage et de se faire traiter — car la non-connaissance de son statut peut constituer une défense — , et ça stigmatise davantage les personnes vivant avec le VIH ou le sida.
Les personnes vivant avec le VIH sont-elles encore victimes de harcèlement psychologique ou de discrimination dans leur milieu de travail ?
Ces pratiques sont illégales et il existe des recours visant à faire respecter les droits de ceux et celles qui en sont victimes. Cela dit, il est parfois difficile de le prouver car c’est rarement le motif exprimé.
J’imagine que c’est aussi le cas au niveau de l’embauche... ou du congédiement.
La discrimination est interdite tout au long du processus d’embauche et comme cause de congédiement. En matière de VIH/sida, cette interdiction de discrimination s’applique à toutes les questions relatives à l’état de santé qui sont susceptibles d’être posées à un candidat lors de son entrevue, ou dans le questionnaire médical qui lui est soumis. Un employeur est autorisé à poser une question sur l’état de santé d’un candidat uniquement si cette information s’avère pertinente au regard des exigences de l’emploi. C’est ce qu’on appelle des « exigences professionnelles justifiées ». Mais à ce jour, aucun employeur n’a réussi à démontrer que la séronégativité était une exigence professionnelle justifiée. Ainsi, le simple fait de demander à un candidat s’il est séropositif au VIH constitue une pratique discri-minatoire qui peut être sanctionnée. Le congédiement pour un motif discriminatoire n’est pas toujours évident à discerner, car il est souvent fait de façon déguisée, l’employeur utilisant souvent un autre prétexte afin de remercier la personne.
Pour plus de renseignements concernant les droits et le VIH, consulter le site de la COQSIDA au www.cocqsida.com
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