Contexte
Le projet de loi 63 est annoncé comme une « modernisation » de la Loi sur les mines. Précisons que les origines de la Loi sur les mines remontent à la fin des années 1800, mais que c’est dans les années 1960 qu’on a commencé à y parler d’environnement. Elle a par la suite été modifiée à quelques reprises au cours des dernières décennies. Son objectif demeure de faciliter l’accès au territoire pour favoriser le développement minier, bien qu’il soit précisé que ce développement doit se faire « au bénéfice des générations futures ».
La Loi sur les mines encadre tant l’exploitation des minéraux comme l’or et le lithium que celle du sable, du gravier et de l’argile, qu’on appelle « substances minérales de surface ». Elle divise les activités minières en différentes étapes qui ont chacune leurs propres règles :
– l’inscription d’un claim, qui constitue un droit minier exclusif d’exploration d’un territoire ;
– l’exploration minière, soit la recherche de minéraux ;
– l’exploitation minière, soit le développement de projets pour extraire ces minéraux (mines, carrières, sablières) ;
– la fin des projets miniers, soit la fermeture et la restauration des sites.
Alors que le nombre de claims a bondi ces cinq dernières années et que de nombreuses préoccupations ont été exprimées par la société civile, le gouvernement a lancé une large consultation en 2023, puis déposé le projet de loi 63 au printemps 2024. Quels changements sont-ils proposés ?
Certaines modifications visent des aspects techniques et administratifs du régime (par exemple, le mot « claim » deviendrait « droit exclusif d’exploration ») alors que d’autres accordent de nouveaux pouvoirs à la ministre des Ressources naturelles et aux municipalités.
Voici certaines de ces modifications comportant des dimensions environnementales ou liées à l’intérêt public, ainsi qu’un résumé des préoccupations qui ont été soulevées à ce jour.
Évaluation des impacts sur l’environnement
Actuellement, seuls certains projets miniers sont automatiquement soumis à la procédure québécoise d’évaluation des impacts sur l’environnement, qui mène entre autres à un examen par le BAPE. Ce sont les projets visant à extraire de l’uranium ou des terres rares ainsi que les projets qui dépassent un certain seuil de production, exprimé en tonnes métriques. Ces seuils sont fixés dans un règlement. Les projets d’agrandissement de mines existantes sont assujettis à une évaluation dans certains cas, notamment si l’aire d’exploitation est augmentée de plus de 50%.
Le projet de loi propose que tous les nouveaux projets d’exploitation minière (sauf pour les substances minérales de surface) soient soumis à la procédure d’évaluation des impacts, indépendamment de la capacité d’extraction. On ajoute aussi plusieurs circonstances où les projets d’agrandissements seraient assujettis à la procédure, mais cela demeure limité. Certains groupes environnementaux accueillent favorablement que davantage de projets miniers soient soumis à une évaluation, mais déplorent que plusieurs travaux d’agrandissement y échappent toujours.
Carrières et sablières
L’exploitation des substances minérales de surface (carrières et sablières) nécessite la conclusion d’un bail d’exploitation avec l’État, qui peut être exclusif ou non-exclusif. Le projet de loi propose d’exempter certains projets de devoir conclure un bail. Il s’agit des carrières ou sablières servant à construire un chemin forestier en terre publique et de celles exploitées par l’État québécois (par exemple un autre ministère) à des fins de construction ou d’entretien d’un « ouvrage de l’État ».
Le projet de loi propose que tous les nouveaux projets de carrière et sablière soient précédés d’une consultation publique dans la région concernée, alors qu’actuellement il y en a dans certains cas seulement. Cette consultation n’est toutefois pas l’équivalent d’une évaluation complète des impacts.
De plus, le projet de loi propose d’élargir les circonstances où la ministre peut refuser de conclure ou renouveler un bail, notamment pour des objectifs de protection du territoire et de limitation des impacts sur les communautés locales et autochtones . Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire.
Pouvoirs des municipalités et les propriétaires privés
L’activité minière est permise dans la majorité du territoire du Québec, incluant dans les villes, sur les terrains privés et sur les territoires revendiqués par des nations autochtones. La Loi sur les mines permet toutefois à la ministre des Ressources naturelles de « soustraire » un territoire à l’activité minière dans certaines circonstances, notamment pour tout objet jugé « d’intérêt public ». Cette soustraction fait en sorte qu’il n’est plus possible de réaliser de l’exploration minière ou de projeter l’exploitation d’une mine, d’une carrière ou d’une sablière sur ce territoire. Elle rend aussi impossible l’enregistrement de nouveaux claims, mais permet aux claims existants de perdurer et d’être renouvelés.
Pour soustraire un territoire à l’activité minière, une municipalité régionale de comté (MRC) peut délimiter, dans son schéma d’aménagement et de développement, un « territoire incompatible avec l’activité minière » (TIAM), soit une portion du territoire où la viabilité des activités serait compromise par les impacts engendrés par l’activité minière.
Le projet de loi propose de maintenir ce mécanisme, mais d’également soustraire à l’activité minière toutes les terres privées où il n’y a pas encore de claims ainsi que tous les périmètres d’urbanisation (périmètre que toute MRC doit délimiter dans son schéma d’aménagement). Selon certains groupes environnementaux, il s’agit d’un gain pour la population de milieux urbains et pour plusieurs propriétaires privés, mais il faudrait prévoir davantage de mécanismes pour les terres privées faisant déjà l’objet de claims et pour les terres publiques.
Il est maintenant proposé qu’une fois qu’une MRC a soustrait une partie de son territoire à l’activité minière avec un TIAM, elle pourrait demander au ministre de lever la soustraction, c’est-à-dire de permettre à nouveau l’activité minière après l’avoir suspendue. Cette levée pourrait être partielle (permettant seulement les carrières et sablières), sur demande d’une municipalité locale, ou totale (permettant l’activité minière régulière), sur demande d’une MRC.
Une fois la levée accordée et l’activité minière permise de nouveau, il y aurait un délai de 10 ans sans pouvoir demander à nouveau la protection de ce territoire. Certains groupes environnementaux ont des réserves quant à ce processus de levée de la soustraction puisque celle-ci aurait lieu sans évaluation des impacts et sans consultation publique obligatoire. Certains craignent notamment les pressions économiques ou politiques qui pourraient être exercées sur les municipalités pour l’utilisation de ces pouvoirs.
Mécanismes visant les droits et intérêts autochtones
Le projet de loi propose de préciser que la ministre peut utiliser son pouvoir de soustraction pour mettre en œuvre une entente avec une nation ou communauté autochtone, alors que la Loi prévoit actuellement qu’elle peut le faire pour un motif « d’intérêt public ». Il propose également de préciser que la ministre pourrait ajouter des conditions ou obligations à un titulaire de claim pour « éviter ou limiter les impacts sur les communautés locales et autochtones ».
De plus, le projet de loi introduit une obligation d’aviser la nation ou communauté autochtone concernée dans les 60 jours après l’inscription d’un claim. Il ne prévoit pas de consultation avant le claim.
Rappelons que la Cour supérieure devrait rendre d’un jour à l’autre sa décision sur la constitutionnalité de la Loi sur les mines actuelle, contestée par la Première Nation Mitchikanibikok Inik (aussi appelés les Algonquins du Lac Barrière) en raison du défaut systémique du Québec de les consulter et les accommoder avant d’accorder des claims miniers et de permettre des activités d’exploration sur leurs territoires.
Réaménagement et restauration des sites miniers
Avant toute exploitation minière, la Loi sur les mines exige qu’un bail minier soit conclu avec le ministère des Ressources naturelles. Comme condition à la conclusion de ce bail, un plan de réaménagement et de restauration doit être approuvé. Ce plan doit viser à « remettre dans un état satisfaisant le terrain affecté par ces activités ». En pratique, la restauration des sites miniers est un enjeu important puisque dans plusieurs cas, plusieurs années après la fermeture de la mine, l’état du site est loin de son état initial. Certains groupes environnementaux ont exprimé leurs préoccupations à l’égard du manque de précision quant à ce qu’est un « état satisfaisant », et estiment que le projet de loi devrait plutôt exiger une remise en état du milieu ou une restauration à l’état naturel.
Une fois que les travaux de réaménagement sont effectués et satisfont la ministre, un suivi et une surveillance des travaux sont assurés. Le projet de loi propose de limiter ce suivi à une durée de 15 ans, ce qui préoccupe certains groupes au motif que ce ne serait pas suffisant pour éviter que les conséquences à long terme des activités minières ne soient supportées par la société civile.
Le projet de loi introduit par ailleurs une obligation, dans certains cas, de réparer, via le paiement d’une somme d’argent, le « préjudice » causé à l’environnement par un projet minier, et ce, malgré l’absence de faute. L’évaluation du préjudice et le montant associé ne sont pas définis dans le projet de loi et seraient déterminés par un futur règlement.
À quand les changements ?
Après les consultations particulières sur le projet de loi, la Commission parlementaire fera un rapport à l’Assemblée nationale. Celle-ci, c’est-à-dire l’ensemble des député-es du Québec, pourra alors discuter d’amendements possibles au projet de loi. Ultimement, les député-es voteront sur l’adoption du projet de loi.
Mais une fois la loi adoptée, ces changements seront-ils immédiats ?
La plupart des modifications entreront en vigueur immédiatement, à l’exception de celles exigeant des modifications réglementaires, qui sont pour leur part retardées jusqu’à ce que les règlements concernés soient modifiés ou adoptés. Certains délais de grâce sont également prévus pour les nouvelles exigences qui peuvent demander une période d’adaptation plus importante. Par exemple, certaines nouvelles formalités nécessaires pour renouveler un claim ne s’appliqueront pas au prochain renouvellement des claims actuellement en vigueur, plutôt seulement au renouvellement subséquent. Les modifications s’appliqueraient toutefois immédiatement aux demandes de bail minier ou d’exploitation de substances minérales de surface déjà déposées mais pas encore abouties.
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