L’objectif de protocole de Kyoto pour le Canada, auquel Québec s’est déclaré lié, consistait à réduire les émissions de 6% par rapport à 1990 pour chacune des années de 2008 à 2012 (donc pendant 5 années consécutives). L’idée était de s’assurer que les réductions n’étaient pas conjoncturelles mais témoignaient d’une tendance structurelle à long terme. Le communiqué de presse du 10 avril du ministère - « Caius Bonus » - du développement durable, de l’environnement et de la lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) relève fièrement que le dernier inventaire québécois des gaz à effet de serre indique une réduction des émissions de 8% en 2012 par rapport à 1990. C’est évidemment une bonne nouvelle en soi et l’objectif pour 2012 (et strictement 2012) a effectivement été dépassé. Mais il est erroné de prétendre, comme cela est affirmé dans le communiqué, que l’objectif correspond à celui que Québec s’était donné « dans la foulée du protocole de Kyoto ».
C’est une erreur significative et fréquemment relayée par les médias. Lorsqu’on cumule les différences annuelles par rapport à l’objectif défini par le protocole de Kyoto pour chacune des années 2008 à 2011, on se retrouve en 2012 avec 9,58 millions de tonnes équivalent dioxyde de carbone (teq CO2) émises en trop sur 4 ans. L’objectif de Kyoto impliquait en effet de réduire les émissions de 84,54 mt (1990) à 79,47 mt eq CO2 en 2008 et de maintenir ce volume pendant 5 ans.
Selon l’inventaire québécois, le Québec a émis 78 millions de teqCO2 en 2012. L’objectif Kyoto pour l’année 2012 a donc été dépassé de 1,47 millions de teqCO2. Mais comme l’a montré André Bélisle, pour calculer l’écart par rapport à l’objectif du protocole de Kyoto il faut soustraire ce volume du surplus de tonnes émises pour les années 2008 à 2011, soit 9,58 – 1,47 = 8,11. Nous sommes donc encore à plus de 8 millions de tonnes de CO2 eq de l’atteinte de l’objectif du protocole de Kyoto.
De plus, la mobilisation citoyenne dans plusieurs dossiers d’exploitation de combustibles fossiles, dont les gaz de schiste, et le ralentissement économique ont permis d’éviter un dérapage encore plus grand des émissions du Québec par rapport à l’objectif de Kyoto. Il faut également mentionner la fermeture de la raffinerie Shell qui a mené à une réduction de 2 mt éq CO2.
Québec traîne encore plus de la patte qu’on le pense. Ses émissions pour 2013 sont estimées par Environnement Canada à 82,6 millions de tonnes eqCO2, c’est-à-dire 4,6 millions de tonnes de plus que le chiffre de 2012 donné par le MDDELCC. Comment se fait-il ? C’est que dans son inventaire soumis au secrétariat de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), Environnement Canada a rehaussé le potentiel de réchauffement planétaire (PRP) du méthane de 19%, pour se caler sur les données scientifiques de 2007, nouvelle référence fixée par convention internationale, ce que Québec n’a pas encore fait.[1] Le rehaussement du PRP du méthane à 25 fois celui du CO2 a pour effet d’augmenter le nombre de tonnes équivalent carbone de ce gaz dans le total des émissions du Québec. Donc les émissions totales du Québec augmentent mécaniquement en 2013. Nous reviendrons bientôt sur ce sujet.
[1] Environment Canada, (2015) National Inventory Report, Greenhouse Gas and Sinks in Canada 1990-2013, the Canadian Government’s Submission to the UN Framework Convention on Climate Change, Part 1.