Édition du 17 décembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Syndicalisme

Reconquérir notre droit à l'exercice de la grève

Le gouvernement du Québec, par l’intermédiaire du Comité patronal de négociation des collèges (CPNC), a voulu museler le mouvement de protestation sociale des profs de cégep.

L’auteur est président de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ).

En effet, avant la décision de la Commission des relations du travail (CRT) du 30 avril dernier, qui ordonnait aux fédérations, aux syndicats et à leurs membres d’assurer l’intégralité de leur prestation de travail, trente syndicats, représentant près de 12 000 enseignantes et enseignants de cégep, avaient le mandat d’exercer une journée de grève sociale le 1er mai.

J’ai assisté à plusieurs assemblées générales où les profs ont débattu de la pertinence de tenir cette journée de grève.

La plupart des membres ont insisté sur la violence et les impacts dévastateurs des compressions budgétaires du gouvernement québécois dans les régions, dans les secteurs de la santé et de l’éducation, dans les centres de la petite enfance et dans les services sociaux.

J’ai aussi remarqué, et c’est peut-être ce qu’il faut retenir de ce mouvement, un profond désir de se réapproprier le droit à l’exercice de la grève comme outil de l’action collective, comme un moyen de se faire entendre dans une démocratie de plus en plus autoritaire, et ce, autant pendant les périodes de négociation des conventions collectives qu’à l’extérieur de celles-ci.

Car, faut-il le rappeler, l’exercice de ce moyen d’action a été mis à mal à plusieurs reprises depuis la première ronde de négociations en 1967. En effet, il y a eu treize périodes de négociations et douze lois spéciales dans les secteurs public et parapublic au Québec, entre 1967 et 2005.

C’est toutefois l’adoption de la loi 111 – Loi assurant la reprise des services dans les collèges et les écoles du secteur public, le 16 février 1983, qui marque une rupture avec les rondes de négociations antérieures.

Cette loi, dont l’adoption a valu le surnom de « boucher de New Carlisle » au premier ministre René Lévesque, suspend certaines dispositions de la Charte, accorde au gouvernement le pouvoir de congédier toute enseignante ou enseignant qui refuse de retourner au travail à compter du 17 février 1983, modifie les conventions collectives, prévoit la perte de trois ans d’ancienneté pour chaque journée de défi à la loi spéciale et impose de très lourdes pénalités aux organisations syndicales.

Les affrontements consécutifs à l’imposition de cette loi conduisent le gouvernement du Québec à modifier les règles du jeu. En 1985 et 1986, il adopte respectivement la loi 37 (Loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic) et la loi 160 (Loi assurant le maintien des services essentiels dans les secteurs de la santé et des services sociaux) qui restreignent l’exercice du droit de grève et prévoient de fortes pénalités dans le cas du non-respect des dispositions de ces lois.

À partir de ce moment, presque toutes les lois spéciales s’inspireront de celles-ci. Il en va ainsi de la loi 72, en 1999, qui met fin à la grève des infirmières et infirmiers, et de la loi 43, adoptée sous le bâillon le 15 décembre 2005, qui met fin aux moyens de pression des salariées et salariés des secteurs public et parapublic et qui leur impose une « nouvelle » convention collective. À l’exception du chapitre sur les manifestations, la loi 12, qui force le retour en classe des étudiantes et étudiants en 2012, est un copier-coller de la loi 43.

Il n’y a pas eu de grève dans les secteurs public et parapublic au Québec depuis dix ans. Le moment est venu pour les organisations syndicales de revendiquer de profondes modifications au Code du travail et à la Loi 37, afin de faciliter l’exercice de la grève sociale au Québec et de limiter le recours aux lois spéciales.

Mario Beauchemin

président de la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ)

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