Édition du 17 décembre 2024

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Qui sont les terroristes ?

La médiacratie est pleine d’histoires à vous réveiller dans la nuit pour vous faire penser que votre voisin ou votre camarade de travail sont des terroristes cachés, des « agents dormants » ou encore des « loups solitaires ». Je suis consterné d’entendre les balivernes qui passent pour de l’information, y compris à Radio-Canada qui, d’habitude, se tient un peu au-dessus de la vulgarité des médias-poubelles de Quebecor.

On parle de ces dangereux terroristes sans rien expliquer du contexte. Hier un éminent expert disait à Radio-Canada que ce sont essentiellement des malades et qu’il faut les soigner. Le choix de ces jeunes relèverait d’une certaine pathologie. En réalité, qu’en est-t-il ? En Syrie, en Irak, en Palestine, en Afghanistan, des États, des gouvernements, des forces armées commettent des atrocités sans nom. Avec l’argent et les armes des États-Unis et de leurs alliés subalternes comme le Canada, on a des bouffons-criminels à Bagdad, Kaboul, Tel-Aviv qui agissent au nom des lois qu’ils se votent eux-mêmes, dans la plus totale impunité. En Irak où se concentre actuellement l’insurrection anti-gouvernementale, des dizaines de milliers de personnes ont été depuis l’invasion américaine de 2003 tuées, torturées, violentées, la plupart du temps parce qu’elles se trouvaient au mauvais moment au mauvais endroit et qu’elles avaient un nom en particulier, indiquant leur origine ethnique, communautaire ou religieuse. En Palestine, la « loi » israélienne permet de torturer et de détenir sans accusation ni procès. En Irak et en Syrie, c’est plus expéditif.

Devant cette lamentable situation, des gens se révoltent. Par milliers et en fin de compte par millions. Tous les moyens sont utilisés : marches pacifiques, pétitions, pressions via des organismes de défense des droits, présentation de dossiers devant les instances de l’ONU. En parallèle, des rebelles tentent de mettre en place des moyens politiques, comme la constitution de larges alliances démocratiques par exemple. Après des années de luttes pacifiques, on parvient parfois à imposer des élections un peu démocratiques, jusqu’à temps que les dominants refusent les résultats, comme en Égypte. Peu importe, les gens sont têtus. On continue, la plupart du temps par des moyens pacifiques, à trouver des solutions, quitte à accepter des compromis avec les régimes en place. Ainsi, les Palestiniens après 60 ans de luttes, sont prêts à concéder à l’État israélien 78 % du territoire qui leur a été volé et arraché par la force en 1948 et en 1967.

On pourrait penser, à croire le discours officiel, que le monde reconnaît les droits. Qu’il y a l’ONU, la Charte des droits, une dite communauté internationale bien cravatée qui vote des résolutions et qui se dit empressée de protéger les femmes, par exemple. Mais vous connaissez la réalité, ce n’est pas cela.

Et donc quel est le résultat ? Après des décennies de luttes, des populations pensent qu’elles ne pourront venir à bout de l’oppression avec des pétitions et en comptant sur la « communauté internationale ». Parmi le répertoire des moyens apparaissent alors le combat, l’engagement militaire. Cela a été le choix de Nelson Mandela en passant. Et de bien d’autres qu’on célèbre aujourd’hui comme des avocats de la paix et de la démocratie. Tout le monde vous dira en Afrique du Sud, « il fallait passer par là ». Je rappelle qu’à l’époque, Mandela et l’ANC étaient traités de « terroristes » par Washington, Londres, Ottawa et d’autres qui s’auto-nomment la « communauté internationale ».

Aujourd’hui dans cet arc des crises qui traverse le Moyen-Orient, des mouvements armés, de divers types, en sont rendus là. Certains de ces mouvements ont des objectifs politiques dans lesquels vous et moi on se retrouverait facilement, dont celui de confronter et éventuellement de vaincre des dictatures armées jusqu’aux dents par la « communauté internationale ». D’autres mouvements armés reflètent davantage ce que j’appellerais la politique du désespoir. Ils espèrent retourner les armes des dictatures de leur côté en commettant les mêmes exactions et violations de droit. En Irak et en Syrie, malheureusement, une bonne partie de la population appuie le soi-disant « État islamique », non pas parce que ce sont des tueurs, mais parce qu’ils sont les seuls à confronter les terroristes qui se présentent comme des gouvernements « légitimes ». Il est triste de constater que dans les régions qui échappent aux gouvernements irakien et syrien, les « terroristes » ont rétabli la sécurité (tout en assassinant ceux et celles qui n’acceptent pas leur « ordre »), administrent des écoles et des hôpitaux. Les généraux américains, moins stupides que les petits perroquets qui agissent dans la médiacratie, admettent ouvertement que la guerre contre le « terrorisme » est d’abord politique, en relation avec l’administration, la sécurité, le respect des droits. On pourra tuer 100, 1000 ou même 10 000 combattants rebelles que cela ne donnera strictement rien si les conditions qui expliquent la rébellion ne sont pas changées.

Il ne faut pas être Einstein pour comprendre cela, mais le discours actuel à Ottawa, relayé par des médias trop complaisants, continue de refuser les faits.

Je ne sais pas qui sont les personnes visées par les nouveaux dispositifs répressifs et qui vont et viennent entre le Canada, Damas, Bagdad ou Gaza. C’est dur à dire, parce que tout cela reste caché et opaque, dans le contexte des nouvelles dispositions liberticides qui prévalent à Ottawa depuis quelques années.

Il se peut qu’ils soient des jeunes révoltés par l’injustice et la barbarie infligées aux peuples et aux pays dont ils sont originaires. Leur implication dans le « terrorisme » peut être un engagement dans une lutte que beaucoup de Syriens, d’Irakiens, de Palestiniens considèrent légitime et nécessaire. Il se peut aussi qu’ils aient commis des « crimes de guerre », dans un contexte où ce concept a totalement perdu son sens et où des forces gouvernementales, mais aussi leurs protecteurs de l’OTAN sont enfoncés jusqu’au cou dans des violations quotidiennes de droit.

Alors là juste pour être clair, rien ne justifie d’égorger un journaliste ou un travailleur humanitaire sous prétexte que la personne a un passeport américain ou anglais. C’est inacceptable et il devrait y avoir des moyens de punir les responsables de telles atrocités.

Comme il est évident qu’il faudra, un jour, sanctionner les tristes chefs de file qui font 1000 fois pire à titre de président, général ou simple policier, sur le terrain à Kaboul, Bagdad ou Damas. Plus encore, il faudra aussi sanctionner ceux qui les ont défendus, qui les défendent et qui les arment encore, au sein d’une « communauté internationale » qui est en train de détruire les petits espoirs qui existent de rétablir un minimum de paix et de justice dans le monde.

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