C’est pourtant, si l’on croit en la démocratie, une idée qui est tout sauf
un argument. Les raisons à cet effet sont multiples. Tout d’abord, si ce
prétexte avait été pris au sérieux par tous les partis et par tous les
candidats, aucun des partis actuels au Québec n’existerait. Nous en serions
encore aux deux partis originaux du parlement du Bas-Canada, soit le parti
canadien et le parti britannique.
Ensuite, il faut se demander à quoi servent les élections : à élire les
personnes qui sont déjà élues ou à voter pour des personnes et des partis
dont les programmes correspondent à nos convictions.
Quelle est la volonté de l’électeur, voir élire la personne la plus
statistiquement favorisée même si ses politiques suscitent chez lui
l’aversion ? À cet égard, et c’est bien dommage que la proportionnelle
n’existe pas au Québec, attribuer des votes à unE candidatE qui ne sera pas
éluE, c’est favoriser la démocratie, car cela permet de compter les appuis
de chaque côté, et cela permet au parti de cette personne d’obtenir du
financement. En ce sens, on gagne et on fait gagner la démocratie quand on
vote selon ses convictions et non pour ce que les devins nous annoncent.
Ensuite, il faut se demander quel est l’intérêt de voter si l’objectif
consiste à deviner quelle est la personne que les autres ont choisie pour
pouvoir faire comme eux. Ne s’agit-il pas plutôt de se demander quelle est
la personne dont les idées nous conviennent ? Et la mesure de l’appui à
cette personne, même si elle n’est pas élue permet d’en évaluer
l’importance dans la population. Si on vote contre ses convictions, on nuit
à ses propres idées et on fait avancer les idées adverses, c’est une drôle
de conception de la démocratie.
Une façon beaucoup plus positive de regarder les choses consiste à ce dire
qu’on profite des élections pour exprimer dans l’urne des idées qu’on va
promouvoir par ailleurs le reste du temps.
Une expérience personnelle m’a convaincu très tôt que chaque vote compte.
Lorsque j’étudiais à l’Université du Québec à Rimouski, je me suis présenté
comme représentant étudiant à la Commission des études. J’ai fait ma
campagne à la mesure de mes moyens auprès des différents groupes qui
composent la population étudiante.
Le jour des élections arrive, et je me balade dans l’université pour selon
l’expression consacrée « faire sortir le vote ». Les bureaux fermaient à 17
h. Vers 16 h 55, en descendant un escalier pour me rendre vers ce qui
s’appelait le Salon bleu, où se reposaient les étudiantEs entre deux cours
ou pour socialiser, je croise un camarade d’un département scientifique et
lui demande s’il est allé voter comme il me l’avait promis. Il me répond :
« Je n’ai pas vraiment le temps et, de toute façon, ce n’est pas mon vote
qui va changer le résultat. » Je lui réplique qu’il a tort et que chaque
vote compte.
Le lendemain, je reçois les résultats (à l’époque, les résultats étaient
dévoilés par l’administration et il n’y avait pas de représentantE des
candidatEs). J’avais été battu par un vote.
Ce qu’il convient d’en retenir, c’est que les chances d’être éluE dépendent
toujours du vote que l’on décide d’accorder et qu’on a toujours le choix de
voter pour faire avancer ses idées.