Tiré de Orient XXI.
Une idée irréaliste
Le 28 août 2017, en conclusion du mini-sommet des chefs d’État ou de gouvernements européens (France, Allemagne, Espagne, Italie) et africains (Tchad et Niger) à l’Élysée, en présence de la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, Emmanuel Macron a suggéré de les installer au Niger et au Tchad. Une proposition peu réaliste à de nombreux égards. D’abord, rien ne peut arrêter des migrants fuyant la guerre, des crises écologiques ou les conséquences des famines, des crises économiques et des prédations de leurs territoires par des gouvernements corrompus ou des multinationales. Ensuite, une telle installation créerait nécessairement des problèmes supplémentaires dans les pays concernés, qui accueillent déjà plusieurs centaines de milliers de réfugiés. Enfin, d’autres routes seraient utilisées, laissant à nouveau seuls, face aux trafiquants et au risque de mourir en Méditerranée, ceux qui espèrent un accueil digne de ce nom sur sa rive nord.
Accords européens avec la Libye
Cependant, l’Union européenne forme déjà des garde-côtes libyens pour empêcher le départ des migrants vers l’Europe, tandis que ses États membres ne mettent toujours pas en place une équitable répartition des migrants ni même des réfugiés sur leur sol. De son côté, l’Italie a signé le 21 mai dernier un accord avec la Libye, le Tchad et le Niger pour créer de nouveaux centres d’accueil dans ces deux pays en plus de ceux existant déjà en Libye. Selon cet accord, ils devront être conformes aux « critères humanitaires internationaux ». Mais c’est loin d’être le cas en Libye, livrée à la guerre et au chaos.
Le calvaire des migrants
Les témoignages se multiplient concernant les mauvais traitements réservés aux migrants sur le territoire libyen. C’est aussi ce que dénonce un rapport des Nations unies publié en 2016. Selon la mission qui l’a rédigé, la faillite du système judiciaire et l’impunité qui prévaut dans le pays permettent à « des groupes armés et à des gangs criminels » de contrôler le flux de migrants, mais plusieurs responsables d’institutions étatiques ont eux aussi participé à des trafics. Les droits humains les plus élémentaires de ces émigrés sont violés : ils sont soumis à des détentions arbitraires et longues, à la torture, à des violences sexuelles ; les femmes subissent de nombreux viols. Certains sont assassinés, et beaucoup sont exploités comme esclaves pour leur force de travail. Leurs familles doivent également payer de lourdes rançons pour obtenir leur libération hypothétique, avant qu’ils soient de nouveau kidnappés.
Les associations de défense des droits humains réclament que, plutôt que de créer des hotspots, l’Europe assume sa responsabilité de défendre ces migrants et leurs droits élémentaires ; qu’elle leur fournisse un réel accueil, même s’il est transitoire, et qu’elle contribue au développement de leurs pays, en particulier quand des multinationales européennes exploitent leurs ressources et leurs mains-d’œuvre.
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