Les histoires de rédemption personnelle sont plutôt rares. Il est rare, en effet, qu’un individu, voire une organisation, réforme son comportement à la suite d’un retour sur soi, d’une compréhension des erreurs passées. Il est ainsi d’autant plus important qu’on célèbre les rares occasions où un tel événement se présente à nous. Laissez-moi vous parler un peu de la CORPIQ.
M. Brouillette est directeur des affaires publiques pour la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec, la CORPIQ. Le mois passé, j’avais pris le temps de souligner auprès de la Presse qu’une récente publication de M. Brouillette était chargée d’énoncés malhonnêtes, de données manipulatoires et d’idéologie prédatrice. Chose encore plus désolante, au nom du bien-être des locataires québécois, la lettre d’opinion revendiquait bizarrement le droit aux propriétaires de faire du besoin vital de se loger un lieu où prélever du profit sur le dos des moins fortunés. Ce message était toutefois subtilement camouflé, cachant entre autres une division inégale entre une classe de propriétaires contrôlant les prix et une classe de locataires soumis à un marché hors de leur contrôle et hors de contrôle.
C’est d’ailleurs sur ce sujet que nous retrouvons la CORPIQ et le valeureux M. Brouillette. En effet, un récent article publié chez Radio-Canada nous fait état de la nouvelle difficulté, pour certains locataires, à se prévaloir de leur droit à la cession de bail. Cette pratique permet effectivement au nouveau locataire de reprendre telles quelles les conditions de location du locataire précédent, évitant par exemple les hausses soudaines de loyer. C’est justement ici que la CORPIQ nous réjouit par l’honnêteté déroutante de sa réponse. C’est le jour et la nuit pour la corporation et on ne peut que les féliciter. Bravo, M. Brouillette, bravo Mme. CORPIQ.
La vérité frappe, mais n’étonne aucunement
Ce qui choque tant la CORPIQ ? La cession de bail serait utilisée à mauvais escient. En permettant aux locataires de prolonger la durée de vie de baux abordables, on nuirait ainsi au droit fondamental d’augmenter les loyers à notre guise, déplore la CORPIQ : « Il est tout à fait naturel, à son avis, que les propriétaires veuillent éviter les cessions de bail afin de pouvoir augmenter leurs loyers « au prix du marché » alors que les prix de l’immobilier, de la main-d’œuvre et des matériaux augmentent. »3 L’important, quand l’occasion se présente, est de pouvoir en tirer profit, ce qu’une cession de bail vient contrecarrer.
Notons trois choses à propos de cette sortie. Tout d’abord, dans son la CORPIQ vient à la défense de propriétaires qui auraient bloqué des cessions de bail au nom d’un désir d’accroitre leurs loyers. Ce prétexte n’est pas reconnu par le tribunal administratif du logement (TAL) et constitue une enfreinte des droits des locataires.
Ensuite, on note que l’augmentation des loyers est moins une contrainte inconvenante comme nous le présentait M. Brouillette dans son article du 30 avril dernier ( « il y a une explosion des coûts de main-d’œuvre, de matériaux, de primes d’assurance, de frais de gestion d’un immeuble. »2 ) et bien plus une opportunité d’affaires.
Finalement, on constate plus que jamais que dans cette recherche de profits, la CORPIQ voit ultimement les droits des locataires comme une nuisance, faisant s’effondrer cette façade voulant que la corporation ait leurs intérêts à cœur. Sans grande surprise, quand des individus deviennent une source de profits, la fin justifie les moyens.
Hypocrisie à ciel ouvert
Les droits des locataires, quand ils nuisent aux tentatives d’exploitation, subissent un drôle de traitement. En effet, on cesse de parler du droit d’un point de vue formel – ce qu’il permet, ce qu’il ne permet pas – et on commence à critique les intentions en arrière de son usage. Ce qui importe soudainement, c’est le fait qu’on tente de limiter la hausse globale des loyers : « C’est une forme de syndicalisme locataire. [...] Ce mouvement-là contribue à la disparition de logements locatifs, parce que les propriétaires sont pris en otages et ne sont plus intéressés par des immeubles qui sont contrôlés par les locataires. »
Pourtant, n’est-ce pas justement ce qu’incarnent M. Brouillette et la CORPIQ, une organisation d’intérêts communs, formant une classe économique, usant de leurs droits pour tirer avantage d’une classe qu’ils dominent et exploitent ? Quelle hypocrisie alors de déclarer la possibilité d’un syndicat des locataires comme une hérésie.
La longue histoire syndicale nous rappelle d’ailleurs que c’est bel et bien dans les moments où les classes dominantes exerçaient les rapports de forces les plus injustes que les syndicats ont le plus contribué à l’amélioration de la société civile. Difficile d’entrevoir cette idée d’un mauvais œil, en fait peut-être devrions-nous prendre le taureau par les cornes !
En effet, M. Brouillette, pourquoi pas un syndicat des locataires ?
1. https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-05-03/crise-du-logement/mon-royaume-pour-un-bouc-emissaire.php
2. https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2021-04-30/inventer-une-crise-du-logement-pour-se-faire-reelire.php
3. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1802648/cession-bail-pression-locataires-hausse-loyer
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