Édition du 17 décembre 2024

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Le blogue de Pierre Beaudet

Quand la « réingénierie » vise à détruire la société

Pour les trois mousquetaires de l’apocalypse (Leitão, Coiteux et Daoust) et leur patron Couillard, la société est un grand marché et l’État est une grande entreprise. Ils pensent comme les imbéciles de l’Institut économique de Montréal que tout va pour le mieux quand la « main invisible » du marché fonctionne à fond de caisse. En fait, je me dédis : je ne pense pas qu’ils croient vraiment ces niaiseries qui vaudraient un C- à un étudiant de 12ième année. Ils sont quand même intelligents. Mais leur position de classe fait que c’est préférable de mentir pour faire passer leur projet hégémonique.

Quel est ce projet ? Évidemment, cela n’a rien à voir avec « rééquilibrer les finances ». Encore là n’importe qui a une calculette le voit bien, comme l’a démontré la dernière recherche de l’IRIS. Les finances du Québec ne justifient nullement le massacre à la scie mécanique actuellement mis en place. Alors qu’en est-il ? Et bien, il s’agit de « restructurer » le Québec, de le rendre conforme au « modèle » états-unien : les pauvres doivent s’arranger avec leurs « petits troubles ». Il n’y a pas de « société », mais des individus atomisés, tout-le-monde-contre-tout-le-monde. L’État à bon marché permettra au 1 % d’engraisser davantage. Je pense que c’est le milliardaire Warren Buffet qui a dit il n’y a pas si longtemps que les États-Unis étaient aux prises avec une violente lutte de classe, pas celle des pauvres contre les riches, mais le contraire, celle des riches contre les pauvres.

Frapper les plus vulnérables

Dans la longue liste des massacres de programmes, de services et d’emplois en cours, il y a des enjeux qui passent inaperçus. Savez-vous par exemple que les Carrefours jeunesse-emploi (CJE) sont menacés ? Ces organismes créés dans les années 1990 offrent des services à des jeunes décrocheurs et d’autres populations vulnérables de 16 à 35 ans. Comme les CPE, ce sont des organismes communautaires autogérés dont le budget provient surtout de l’État, et qui offrent des suppléments de formation, des conseils pour l’employabilité, des services d’accompagnement et d’information qui visent à faire que ces jeunes se sentent des citoyen-nes, pas des petites choses qu’on bouscule à gauche et à droite. Tous les jeunes sont bienvenus, et c’est gratuit ! Il y en a plus de 110 actuellement dans toutes les régions du Québec où ces organismes font partie du tissu social et communautaire. Le « pire » aux yeux des saccageurs, c’est qu’en général, ça marche et ça aide réellement environ 40 000 jeunes par année à s’en sortir.

Déchirer le tissu communautaire

Alors voilà que les CJE sont devenus une cible. On veut remplacer leurs subventions par des « contrats » que les CJE établiraient avec Emploi-Québec, à condition que les services soient uniquement offerts aux prestataires de l’aide sociale et aux chômeurs. Or dans la réalité, des tas de jeunes n’« existent pas » dans la sécurité sociale. Ils n’ont jamais travaillé et ne sont donc pas des « chômeurs » officiellement. En plus, les CJE devront cesser de multiples interventions qui ne sont pas « intéressantes » aux yeux des comptables à 22 cents qui nous gouvernent. Les CJE en effet « osent » parler de justice sociale, d’inclusion, de coopération et de solidarité, au lieu de donner au jeune un numéro et un formulaire à remplir. Le pire, selon la directrice du CJE de Gatineau, Martine Morissette, c’est que le gouvernement ne sauvera pas un sou noir avec cela puisque le modeste budget de $45 millions provient d’une entente Canada-Québec spécifique. Elle signale également que dans la région de l’Outaouais, ce sont les réseaux d’entraide qui ont sauvé de nombreuses communautés affectées par le déclin industriel et économique qui sévit depuis une vingtaine d’années. Ce n’est pas grave pour Coiteux et Couillard, car selon la « main invisible du marché », ces pauvres gens pourront aller en Alberta pour servir de cheap labour aux projets pétroliers. La logique qui sous-tend tout cela (coupures, mises à pied, fermetures de programme) est celle d’humilier et d’isoler le 99%, de le disloquer en fragments éparpillés, de le culpabiliser et de le désorganiser.

Basta

Ça commence à faire. De plus en plus, la population est capable de comprendre les liens. La résistance syndicale, communautaire, étudiante commence à s’organiser, en commençant par cibler les cinq clowns qui font office de « députés » dans la région. Tous d’éminents représentants du PLQ, ce sont de pathétiques personnages dont on ne sait pas s’ils sont plus voraces qu’ignorants. Sur les ondes et dans les médias sociaux de l’Outaouais, tout le monde dit qu’ils font honte à la région. Un jour, ça changera peut-être …

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