Bien des commentateurs ont déjà dit tout dit sur cette orientation adoptée par le congrès, aussi je n’en rajouterai pas.
On peut toutefois se demander ce qu’en pensent les membres-fondateurs les plus éminents du parti, Françoise David et Amir Khadir, lesquels gardent le silence à ce sujet. En tout cas, je n’ai pas lu ni entendu aucune analyse de leur part là-dessus.
Le direction du parti ne laisse pas l’impression d’avoir une stratégie claire, cohérente et réaliste pour rapprocher leur formation du pouvoir, ou même pour augmenter substantiellement son nombre de députés à l’Assemblée nationale. Elle fonctionne au cas par cas, au gré des modes de gauche, elle improvise : tantôt écologiste, à d’autres occasions féministe, ou encore pro-syndicale et depuis quelques années, indépendantiste à tous crins. Y a-t-il un pilote compétent dans l’avion ? Le vin capiteux de l’espoir souverainiste semble avoir tourné la tête des membres de l’équipage... Casse-cou !
De toute évidence, la « direction » du parti tente de doubler le Parti québécois sur sa gauche nationaliste, après l’avoir fait avec un certain succès sur sa gauche sociale. Mais la façon don elle s’y prend laisse planer de sérieux doutes sur son sens stratégique.
Tout d’abord, elle pèche par excès d’optimisme, choisissant de s’aveugler sur certaines réalités élémentaires. Le succès électoral du parti au scrutin provincial d’octobre 2018 ne doit pas faire illusion : Québec solidaire a bien bondi de 7% du vote en 2014 à 16% en 2018, mais il doit sans doute cette réussite dans une bonne mesure au discrédit qui a frappé le gouvernement libéral de Philippe Couillard et aussi le principal parti d’opposition d’alors, le Parti québécois. Rien n’indique que cet élan va se maintenir, au contraire. En politique, particulièrement sur le plan électoral, l’aveuglement optimiste est souvent néfaste. Avec les résolutions folichonnes adoptées lors du congrès, on a le sentiment que Québec solidaire plane bien au-dessus de ses possibilités. Il perd contact avec la réalité.
La preuve : il recule de cinq points de pourcentage dans les intentions de vote selon le plus récent sondage et le Parti québécois, lui, en gagne six. La tendance révélée par ce coup de sonde (réalisé avant le congrès) devrait faire réfléchir les responsables de la formation de gauche. Ils veulent doubler le Parti québécois sur sa gauche sociale et nationaliste. Le scrutin d’octobre 2018 leur donne en apparence raison ; cependant, la fuite en avant à laquelle ils s’abandonnent présentement risque de coûter très cher au parti et à la cause sociale qu’il défend. Cette faute stratégique majeure pourrait au contraire profiter à l’adversaire péquiste, en lui fournissant l’occasion de se présenter devant l’électorat comme responsable,pondéré et respectueux de la population,refusant de la bousculer pour l’amener à soutenir coûte que coûte la souveraineté. Il s’agirait là d’une démarche susceptible de rallier au PQ une portion importante de nationalistes modérés.
La démarche actuelle de Québec solidaire fournit des armes au Parti québécois et l’occasion d’une relance inespérée. Les barons de ce parti doivent se frotter les mains d’aise en ce moment...
La « brosse » indépendantiste de Québec solidaire risque d’aboutir à une migraine carabinée et non au nirvana de la souveraineté. Comme le dit la chanson : « Ce ne sont que des mots ».
Gabriel Nadeau-Dubois m’apparaît aussi mauvais chef de parti qu’il était bon leader étudiant en 2012. Si jamais Québec solidaire accédait au pouvoir et que Dubois devenait premier ministre, il s’apercevrait très vite qu’il est beaucoup plus difficile et périlleux d’appliquer le programme de « ruptures » avec l’ordre fédéral adopté par le parti que de contester un gouvernement à la tête d’un mouvement étudiant.
Jean-François Delisle
Un message, un commentaire ?