À l’entendre, en effet, il serait possible de vivre au Québec avec une prestation de 399 $ par mois. Rappelons que c’est le sort qu’il réserve aux personnes seules et jugées sans contraintes qui ne participeront pas au programme Objectif emploi d’une façon jugée satisfaisante. En commission parlementaire, il a soutenu que des personnes, celles qui voient déjà leur prestation coupée de 224 $ pour « fausse déclaration », arrivent vraisemblablement à survivre avec ce montant.
De là, il n’y a qu’un pas à franchir pour affirmer que, dans la logique du ministre, les personnes qui touchent la pleine prestation de 623 $ par mois vivent dans l’abondance, ou presque. Ce qui évidemment leur enlèverait le goût de se botter le derrière pour trouver leur place, d’un simple claquement de doigts, sur le marché du travail.
Mais s’il est si alléchant de vivre de l’aide sociale, comment explique-t-il que, des 400 000 personnes qui ont besoin d’une banque alimentaire pour nourrir leur famille chaque mois au Québec, 61 % soient des personnes assistées sociales ?
Se pourrait-il que, aux yeux de François Blais, certaines personnes aient moins besoin de manger que d’autres ? Comme il est écrit dans le dernier Bilan-Faim des Banques alimentaires du Québec, « Manger ne devrait pas être un luxe, c’est un droit fondamental. » De même, quand on est ministre de la Solidarité sociale, faire la promotion de la solidarité ne devrait pas être un luxe !
Le ministre Blais réussira-t-il le test du Budget de la honte ?
Pour dépasser le stade des préjugés, nous invitons le ministre à faire l’exercice du Budget de la honte proposé par le Collectif pour un Québec sans pauvreté (pauvrete.qc.ca/budget-honte). Par quel tour de passe-passe arrivera-t-il à boucler son budget mensuel avec les 623 $ de la prestation de base actuelle ?
Combien consacrera-t-il à chacun des cinq principaux postes budgétaires : logement, alimentation, habillement, transport et autres dépenses (loisirs, entretien, communications, santé, imprévus, etc.) ?
Ensuite, par quelle espèce d’intervention divine arrivera-t-il à faire le même exercice, mais cette fois avec le montant de 399 $ qu’il imposera aux personnes qui, pour une raison ou une autre, ne participeront pas au programme Objectif emploi ?
Oui, le projet de loi 70 est adopté, mais le règlement, lui, ne l’est pas encore. Il est encore temps pour le ministre de laisser tomber cette idée rétrograde et cruelle des pénalités.
Autrement, il ferait preuve d’aveuglement volontaire, mais surtout d’acharnement contre des personnes déjà écorchées par la vie, contre des personnes parmi les plus mal prises de notre société.
Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif pour un Québec sans pauvreté
Pour information :
Patrice Lemieux Breton
Responsable des communications