Édition du 17 décembre 2024

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Amérique latine

Prix International de Droits Humains Letelier-Moffitt 2012 au mouvement étudiant chilien

Ce 17 octobre, à New York, l’Institute for Policy Studies a décerné le Prix International de Droits Humains Letelier-Moffitt 2012 [1] au mouvement étudiant chilien pour son agir en défense de l’éducation et des droits humains.

Camila Vallejo, vice-présidente en 2012 de la Fédération des étudiants de l’Universidad de Chile (FECH) (présidente, en 2011) et figure clé des massives mobilisations des étudiants chiliens de ces derniers temps, et Noam Titelman, Président de la Fédération étudiante de l’Université Catholique du Chili (FEUC) et aussi, important leader de ces mobilisations, ont reçu le 17 octobre dernier, ce significatif prix qui souligne l’engagement des étudiants chiliens en défense de l’éducation et des droits humains.

Pendant plus d’une année, le mouvement étudiant chilien a mobilisé des milliers de jeunes dans les rues du pays apportant un nouveau souffle à une « démocratie » en crise.

Après la vague de contestation de 2006 des étudiants secondaires (connue comme le « mouvement des pingouins »), les étudiants universitaires et secondaires chiliens ont repris depuis avril 2011 le flambeau, pour mettre encore une fois en cause le système éducatif chilien hérité de la dictature de Pinochet. Durant ce régime, les fondements du système éducatif ont été complètement transformés pour consolider l’implantation de la société de marché : diminution de la taille de l’État, privatisation des services sociaux, libéralisation du commerce, déréglementation socioéconomique.

Le mouvement étudiant a pris des proportions nationales sans précédent. Presque à chaque semaine des centaines de milliers de personnes ont défilé dans les rues du pays pour manifester contre la politique éducative du gouvernement de Sebastian Piñera qui a consolidée la privatisation galopante de l’éducation [2] , les iniquités profondes affectant l’accès à l’éducation [3] et la baisse substantielle de la qualité de l’éducation formelle. Les étudiants réclament une éducation publique, gratuite et de qualité.

Bien que le Chili soit classé comme le pays ayant le produit intérieur brut le plus élevé d’Amérique latine, la répartition des revenus est reconnue comme la plus inégalitaire des pays membres de l’OCDE (GINI 52,1) (PNUD, 2011) [4]

Le 21 mars dernier, 20 millions d’étudiants du monde entier ont signé une déclaration de soutien à leurs collègues chiliens. Le mouvement étudiant chilien demeure une source d’inspiration pour d’autres mouvements dans le monde. Depuis septembre dernier, la mobilisation s’active encore une fois et des milliers de manifestants descendent dans les rues du Chili. Les exigences mises de l’avant sont de créer un Nouveau Système National d’Éducation publique ; gratuit ; autonome, démocratique et pluraliste ; d’excellence et interculturel (http://fech.cl/documentos/). À cela s’associe une contestation accrue contre la transformation des droits fondamentaux en objet de marchandise. « Il faut dévoiler les perversions du système », signale Camila Vallejos, laquelle a dédié le prix à ceux et celles qui participent aux luttes sociales dans son pays, en particulier au peuple autochtone Mapuche, actuellement en grève de la faim pour des revendications territoriales. « Les mouvements sociaux doivent persister », déclarent les deux jeunes dirigeants.

Isabel Orellana
 [5]


[1L’Institute of Policy Studies décerne ce prix depuis 1977 en hommage à l’ex diplomate chilien Orlando Letelier, membre du gouvernement de l’Unité Populaire d’Allende, et à sa secrétaire Ronni Moffitt, assassinés en 1976 à Washington D.C par des agents du régime militaire de Pinochet.

[2En 2012, de 229 institutions d’éducation supérieure, seulement 16 sont publiques

[3Le Chili est un des six pays dont l’éducation supérieure est la plus chère, d’après l’OCDE.

[4Selon les données officielles, 10% des plus riches détiennent 41.1% du revenu total, 10% des plus pauvres en détiennent 1,2%.

[5Isabel Orellana est professeure au Département de didactique de l’Université du Québec à Montréal et chercheure au Centre de recherche en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté – Centr’ERE de cette institution.

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