Édition du 17 décembre 2024

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États-Unis

Présidentielle américaine : « le pire, ce n’est pas la réponse, c’est la question »

« Le pire, ce n’est pas la réponse, c’est la question ». C’est ce qu’écrivait le socialiste américain Hal Draper à propos des élections américaines de 1964, ajoutant  : «  Quand il faut choisir entre un capitaliste et un autre capitaliste, on a déjà perdu lorsque l’on accepte un choix aussi restreint.  » Une remarque qui s’applique à l’élection de ce début novembre, qui a vu Barack Obama rempiler pour quatre nouvelles années, ayant conquis plus de votes de grands électeurs (303, sans la Floride) que son rival Mitt Romney (206, sans la Floride).

Les options stratégiques électorales différentes des deux rivaux feront sans doute le bonheur de quelque doctorant·e en sciences politiques, qui pourra disserter à l’envi sur l’opposition entre le «  ratisser large  » du candidat républicain et la concentration sur les Etats clefs du démocrate.

L’essentiel reste toutefois ce que constatait le journaliste Glenn Greenwald dans les colonnes du Guardian britannique (4.10.12)  : le débat politique est extrêmement limité, les enjeux politiques importants en sont souvent absents et «  à force de souligner les quelques points où il y a un véritable désaccord entre les deux partis, la campagne finit par donner l’impression qu’il y a bien plus de différences entre les deux partis, et bien plus de choix pour les électeurs, que ce qu’offre en réalité le système politique américain  ».

On pourrait même renforcer cette réflexion dans le sens suivant  : ce n’est pas là un effet secondaire, collatéral, de la campagne, c’est son but même. La dramatisation des enjeux, proportionnellement inverse aux divergences réelles, s’obtient à travers la plus formidable privatisation d’une élection publique qu’il soit. La campagne aura ainsi mobilisé 2,6 milliards de dollars au niveau présidentiel, et près de 6, milliards si l’on ajoute les dépenses des élections au Sénat et à la Chambre des représentants, dont une bonne partie en provenance d’entreprises qui considèrent leurs dons comme autant d’investissements dont elles attendent un retour bénéfique. (Pour la petite histoire, notons que Credit Suisse a misé sur le mauvais cheval). Un financement de ce genre représente évidemment un énorme barrage à une élection réellement démocratique et vient renforcer le bipartisme régnant.

Qui a entendu parler, non seulement en Europe, mais aux Etats-Unis même de la campagne courageuse du Parti vert américain, par exemple  ? Tout le système fonctionne donc de telle manière que malgré une polarisation sociale très forte – clairement exprimée par le mouvement Occupy Wall Street à travers son slogan «  nous sommes les 99 %  » – aucune solution de rechange ne se profile nationalement. Le peu de voix de différence entre les deux candidats (1,5 million environ – la Floride non comprise – , contre 9,5 millions dans l’élection précédente) montre à la fois combien le choix n’en était pas vraiment un et l’effondrement des espoirs suscités par la première élection d’Obama [1]. L’appui apporté, au nom du moindre mal, à Obama par une partie de la gauche américaine (The Nation, p. ex.), n’aura servi qu’à lui permettre de droitiser encore plus ses propositions.

Notes

[1] Voir le cahier EmancipationS de ce numéro, disponible aussi sur ESSF (article 26923), Barack Obama : un bref bilan.

* Paru en Suisse dans « solidaritéS » n° 217 (09/11/2012). http://www.solidarites.ch/journal/

Daniel Süri

Solidarité, Suisse

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