Tiré du Journal mobile des maskoutains.
Les régions, parents pauvres de l’information
Depuis quelques années, les médias régionaux subissent des coupures drastiques, agonisent ou se voient dans l’obligation de fermer. Certains ont été rachetés par les géants Transcontinental et Québecor qui délaissent les contenus locaux et ne diffusent que les contenus jugés d’intérêt national, même si les mêmes infos se répètent souvent d’un média à l’autre.
En février 2018, les journalistes de la presse écrite étaient dans les rues pour « dénoncer l’injustice fiscale des médias d’information face aux géants du Web et à l’inaction du gouvernement fédéral pour corriger le tir ». La perte de ces outils en région (qui s’ajoute aux coupures, aux centralisations des services, à la fermeture de comptoirs bancaires et à la réduction des transports en commun) a fait réagir la mairesse de Sainte-Anne-des-Monts, Micheline Pelletier : « Les régions doivent-elles exister ou pas ? »
Les médias de proximité sont essentiels pour informer les citoyens des régions. Les grands médias s’intéressent aux régions uniquement lorsque des crimes crapuleux y sont commis ou que des faits spectaculaires ou insolites s’y déroulent. Comme ces journalistes venus d’ailleurs ne connaissent pas autant le milieu que celui qui vit en région, ils risquent d’aborder la nouvelle de manière sensationnaliste, sans profondeur et sans suivi.
L’extinction des voix
La situation est alarmante pour les grandes chaînes de radio et de télévision également. En effet, les gens d’affaires et les politiciens délaissent les médias d’information au profit des médias sociaux. Par exemple, les gouvernements fédéral et provincial désertent les médias régionaux au profit d’Internet, et les municipalités en font autant. Résultat : les journaux ferment alors que les sites Web se multiplient. Ce sont des millions de dollars qui sont perdus : « Il fut un temps où le gouvernement du Québec injectait tout près de 500 000 $ en publicité auprès des membres de l’Association des médias écrits communautaires du Québec (AMECQ). Maintenant ceux-ci se partagent moins de 40 000 $. »
Les difficultés des journalistes en région
En plus des difficultés économiques, l’auteure dénonce le manque de liberté d’expression des journalistes en région. Une enquête auprès de journalistes a révélé « trois grandes catégories d’entraves à la liberté de presse perpétrées par les Villes : limites dans l’accès à l’information ; mesures d’intimidation verbale, entraves et menaces ; mesures de rétorsion économique ». Par exemple, Marie-Ève Martel relate sa relation tendue avec le maire de Granby, Pascal Bonin, qui lui avait demandé de quitter une réunion citoyenne. « La transparence derrière des portes closes, à micros fermés ou à l’abri des caméras, ce n’est pas la démocratie. »
Un peu de lumière au bout du tunnel
La journaliste propose des avenues, pour sauver l’industrie, telles que des crédits d’impôt aux médias comme il en existe, entre autres, pour l’édition de livres. Elle insiste sur l’importance d’éduquer les élus, les fonctionnaires, les étudiants et le grand public sur les médias, les sources d’information et les fausses nouvelles.
Les médias doivent se concentrer sur ce qui les distingue, mettre en valeur leur région, les initiatives locales, les organismes et les personnes qui font la richesse et la fierté des citoyens. « Il faut revaloriser l’information régionale pour ce qu’elle apporte aux auditoires plutôt que de l’évaluer en fonction du nombre de clics générés. Céder à la dictature du clic, c’est céder à l’intérêt du public au détriment de l’intérêt public. C’est en créant des contenus nouveaux, à valeur ajoutée, mais toujours centrés sur les préoccupations locales que les médias pourront tirer leur épingle du jeu. »
L’avenir de l’information locale, c’est l’affaire de tous !
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MARTEL, Marie-Ève. Extinction de voix : plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale, Préface de Michel Nadeau, Montréal, Éditions Somme Toute, 2018, 204 p.
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