23 octobre 2023 | tiré d’aplusoc
https://aplutsoc.org/2023/10/23/pourquoi-les-ukrainiens-doivent-ils-soutenir-les-palestiniens-par-daria-saburova/
Comment peut-on regarder des images de Gaza sans voir Mariupol ou Bakhmut ?
Dès l’annonce de l’ordre d’évacuation des 1,1 million d’habitant·es du nord de Gaza, les Ukrainien·es devaient savoir que cela exposerait les plus vulnérables – les personnes âgées et les malades – à une mort certaine. Nous savons que lorsque les personnes n’ont pas d’autres solutions viables, ils préfèrent souvent rester.
Les images de dévastation généralisée qui nous parviennent de Gaza et qui témoignent du mépris de l’armée israélienne pour le droit humanitaire international ressemblent également à celles de Mariupol ou de Bakhmut l’année dernière. Israël – comme la Russie en Ukraine – a été accusé de bombarder des zones résidentielles, des couloirs d’évacuation et le seul point de sortie de la ville, Rafah.
Bien entendu, les attaques brutales du Hamas contre les civils dans les kibboutzim israéliens ressemblent également aux massacres perpétrés par la Russie à Bucha en mars 2022. C’est à juste titre que le président ukrainien Volodymyr Zelenskyi et le ministère ukrainien des affaires étrangères les ont condamnés. Mais leurs messages de soutien aux victimes et à leurs familles étaient accompagnés d’affirmations problématiques, notamment la conclusion véritablement catastrophique de Zelenskyi selon laquelle Israël a le droit inconditionnel de se défendre.
Depuis lors, les responsables ukrainien·es ont évité de parler directement de l’opération « Épée de fer » d’Israël, bien que le nombre de morts à Gaza ait dépassé les 3500 au cours des 11 jours qui ont suivi le lancement de l’opération, selon les autorités palestiniennes.
Mais le fait que l’Ukraine ait donné carte blanche pour toute réponse jugée nécessaire par Israël n’a guère de sens compte tenu des relations historiques ou récentes entre l’Ukraine et Israël, qui ont été marquées par des tensions sur l’occupation et le respect du droit international. Compte tenu des problèmes de sécurité auxquels l’Ukraine est confrontée, sa politique étrangère reste fidèle à la promotion de deux causes : le respect de l’intégrité territoriale et le désarmement nucléaire.
Tensions diplomatiques
Contrairement aux États-Unis et à ses alliés européens, l’Ukraine a systématiquement soutenu les résolutions de l’ONU condamnant l’occupation illégale des territoires palestiniens, non sans se soucier de la cohérence de sa propre revendication territoriale sur la Crimée occupée.
En 2014, Israël n’a pas voté une résolution de l’ONU qui dénonçait l’annexion de la Crimée par la Russie et réaffirmait l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Deux ans plus tard, l’Ukraine a adopté une résolution condamnant les colonies israéliennes à Jérusalem, ce qui a incité le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, à annuler la visite en Israël d’un représentant ukrainien, le premier ministre de l’époque, Volodymyr Groysman.
Ces tensions se sont aggravées au cours de l’année écoulée, notamment lorsque Kiev a soutenu deux résolutions des Nations unies en novembre 2022. La première concernait le désarmement nucléaire du Moyen-Orient, dirigé contre le programme nucléaire israélien, et la seconde l’ouverture d’une enquête internationale sur « l’occupation prolongée, la colonisation et l’annexion du territoire palestinien par Israël », réaffirmant le droit des Palestinien·es à l’autodétermination.
Puis, en juillet 2023, l’ambassadeur d’Israël en Ukraine, Michael Brodsky, condamne le soutien de l’Ukraine à 90% des résolutions « anti-israéliennes » de l’ONU, qu’il qualifie de « situation anormale, d’autant plus que l’Ukraine s’adresse assez souvent à Israël pour diverses demandes ». Ces demandes ont également fait l’objet de tensions entre les deux pays, Israël ayant envoyé de l’aide humanitaire à l’Ukraine mais refusant d’envoyer des armes, y compris des armes défensives, affirmant qu’Israël, contrairement aux États membres de l’OTAN, ne peut compter que sur lui-même.
Israël s’est également montré prudent dans sa position sur l’agression russe contre l’Ukraine, cherchant à maintenir des relations diplomatiques cordiales avec la Russie compte tenu de ses propres intérêts militaires en Syrie. Il ne s’est pas joint à de nombreux pays occidentaux pour imposer des sanctions à la Russie et s’est abstenu de voter sur une résolution de l’ONU en faveur des réparations de la Russie pour ses destructions en Ukraine. Depuis l’invasion massive, Israël a accueilli 30 000 Ukrainien·es, dont 15 000 Juifs et Juives ukrainien·es dans le cadre d’un programme de rapatriement, soit beaucoup moins que les autres pays.
Expliquer le silence
La plupart des politiciens et diplomates ukrainiens considèrent probablement que l’histoire entre Israël et la Palestine est trop complexe pour faire la distinction entre l’agresseur et la victime. Mais cela n’explique pas leur silence sur les violations du droit international commises par Israël ces derniers jours, qui ne sont pas différentes des actions qu’ils ont dénoncées précédemment. Ce silence a probablement trois origines.
Premièrement, l’Ukraine a cherché à se démarquer le plus clairement possible du Hamas – qualifié de « nouveaux nazis » par Netanyahou – et de ses méthodes impitoyables, qui ont été utilisées pour cibler arbitrairement des civils israéliens. Cela s’explique notamment par le fait que la justification de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la prétendue nécessité de « dénazifier » le pays – a été efficace dans les pays du Sud et dans certaines franges de la société civile occidentale. Pourtant, dans le discours dominant des gouvernements occidentaux, il est impossible de faire la distinction entre les actions du Hamas et la lutte plus générale des Palestiniens pour la liberté et la justice, qui se compose de forces multiples et variées. Ironiquement, des diplomates ont averti que le manque de soutien à la Palestine entraînerait presque certainement une diminution du soutien à l’Ukraine dans les pays du Sud.
Le discours occidental dominant fait souvent l’amalgame entre l’antisémitisme et la critique d’Israël – une autre raison pour laquelle le gouvernement ukrainien est particulièrement prudent dans ses déclarations officielles sur la scène internationale. Cela s’explique en partie par le fait que l’Ukraine est l’un des pays les plus marqués par l’Holocauste, avec près de 1,5 millions de Juifs et Juives tué·es entre 1941 et 1945, mais aussi par le fait que les mouvements nationalistes ukrainiens, qui ont abrité des personnes directement responsables de ces massacres, ont été blanchis et héroïsés à l’intérieur de l’Ukraine.
Enfin, la position de l’Ukraine pourrait n’être qu’un simple pragmatisme géopolitique. L’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne contient une clause de « convergence sur les questions de politique étrangère et de sécurité » qui oblige l’Ukraine à s’aligner sur les positions exprimées par les responsables européens. Et sa dépendance à l’égard de l’aide humanitaire et surtout militaire occidentale prédispose ses dirigeants à se ranger derrière ses alliés, en particulier les États-Unis, au risque d’être privés de ce soutien. Le fait que le Hamas entretienne des liens privilégiés avec la Russie ne fait que renforcer cette loyauté.
Une récente déclaration du ministère ukrainien des affaires étrangères, publiée le 17 octobre, reflète l’ambiguïté et les principes concurrents de la politique étrangère de l’Ukraine. Elle réaffirme son soutien aux « efforts d’Israël pour contrer les actes terroristes », mais elle « préconise également le règlement du conflit israélo-palestinien à l’aide de moyens politiques et diplomatiques ».
Le lendemain, après la frappe sur l’hôpital Al-Ahli qui a tué des centaines de Palestinien·es et dont Israël et le Hamas nient leur responsabilité, les responsables ukrainien·es· ont publié leur première déclaration sur la situation humanitaire à Gaza. Cette déclaration souligne que les deux parties doivent « se conformer aux règles de la guerre et respecter les normes du droit humanitaire international », mais n’appelle pas à un cessez-le-feu immédiat.
La nécessité de s’exprimer
Si la position officielle de l’Ukraine est dictée par des considérations diplomatiques pragmatiques, la société civile ukrainienne n’est pas obligée de se faire l’écho du silence de son gouvernement sur l’opération punitive d’Israël contre Gaza.
Les injustices d’Israël en Palestine, comme celles de la Russie en Ukraine, vont bien au-delà du simple non-respect des lois de la guerre. Les Ukrainien·es répètent à juste titre que la guerre de la Russie contre le peuple ukrainien n’a pas commencé le 24 février 2022. Elle occupe une partie de l’Ukraine depuis l’annexion de la Crimée en 2014, et la colonisation par l’Empire russe des peuples qui habitent les territoires ukrainiens remonte au 17ème siècle.
Cette histoire, qui s’est poursuivie pendant l’ère soviétique, comporte des épisodes à caractère génocidaire. Il s’agit notamment de l’Holodomor, une grande famine créée artificiellement qui a tué plusieurs millions d’Ukrainien·es en 1932 et 1933, et de déplacements massifs de populations comme les 238 000 Tatars de Crimée déporté·es de la Crimée vers d’autres républiques soviétiques sous les ordres de Staline en 1944. Près de la moitié des Tatars sont mort·es de faim et de maladie au cours des années suivantes.
De même, la guerre d’Israël contre le peuple palestinien n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Elle a commencé avec la Nakba de 1948, lorsque plus de 700 000 Palestiniens ont été expulsés de leurs terres. En 1967, à l’issue de la guerre des Six Jours, Israël a occupé le reste des territoires palestiniens, provoquant un nouvel exode palestinien et l’installation de nouvelles colonies israéliennes.
Les Palestinien·es disent souvent que la Nakba est un processus perpétuel, car les dépossessions et les crimes coloniaux n’ont jamais cessé. Elles et ils ont été fragmentés·e et vivent des situations différentes selon qu’iels habitent en Cisjordanie, en Israël, à Gaza ou qu’iels sont réfugié·es. Mais toutes et tous sont affectés·e par le régime d’apartheid. Les Palestiniens de Gaza souffrent particulièrement du blocus imposé par Israël depuis 2006 avec la collaboration de l’Égypte, faisant de la bande de Gaza la plus grande prison à ciel ouvert du monde.
Le mal qui a tué des civil·es israélien·es et palestinien·es ces derniers jours trouve son origine dans la poursuite de l’occupation et de la colonisation des territoires palestiniens par Israël. En ce sens, l’oppression des peuples ukrainien et palestinien présente des similitudes : il s’agit de l’occupation de nos terres par des États dotés d’armes nucléaires et d’une force militaire écrasante, qui se moquent des résolutions de l’ONU et du droit international, plaçant leurs causes au-dessus de tout dialogue diplomatique.
En tant qu’Ukrainien·es, en tant que partisan·es de la cause ukrainienne, nous avons la responsabilité particulière de comprendre et d’élever la voix face à ce qui se passe. Nous devons souligner les incohérences des gouvernements occidentaux qui soutiennent notre lutte anti-impérialiste tout en soutenant la violence coloniale d’Israël. La tragédie que nous vivons actuellement doit aiguiser notre sensibilité aux expériences humaines similaires.
Après l’invasion russe, nous avons découvert à quel point la communauté internationale connaissait mal l’histoire de l’Ukraine. Mais que savons-nous de l’histoire de la Palestine ? Dans un monde où la polarisation s’accentue, où les guerres coloniales d’une ampleur et d’une violence stupéfiantes resurgissent, seule la solidarité entre les peuples opprimés et la curiosité pour nos luttes respectives, au-delà des clivages géopolitiques, peuvent nous montrer le chemin d’une paix juste et durable.
Daria Saburova, 19 octobre 2023
https://www.opendemocracy.net/en/odr/ukraine-israel-palestine-russia-zelenskyi-hamas-gaza-offensive/
Traduit avec http://www.DeepL.com/Translator (version gratuite)
Perché gli ucraini dovrebbero sostenere i palestinesi
https://refrattario.blogspot.com/2023/10/perche-gli-ucraini-dovrebbero-sostenere.html
Repris du site Entre les lignes entre les mots.
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