La réalité de la politique d’immigration au Québec et au Canada
a. Faire primer les besoins des entreprises sur le respect des droits humains
La politique du gouvernement canadien comme celle du gouvernement du Québec cherchent à faire primer les besoins des entreprises sur le respect de droits humains. Alors que la consultation cherchait à limiter la consultation à l’immigration économique permanente, l’immigration des travailleurs et travailleuses temporaires s’est accélérée considérablement depuis 2018 et constitue l’essentiel de l’immigration au Québec. Les immigrants temporaires, toutes catégories rassemblées, représentaient près de 2,2 millions de personnes au pays au 1er juillet dernier et 470 976 au Québec, a affirmé Statistique Canada mercredi matin. Il s’agit des gens actuellement sur le territoire, et non pas des arrivées annuelles. [1]. Centrer la discussion sur deux scénarios, un seuil de 50 000 ou un de 60 000 pour ce qui est de l’immigration permanente, c’est esquiver l’essentiel de la question. L’approche utilitariste des gouvernements du Canada et du Québec vise à répondre au désir des patrons locaux en termes de main-d’œuvre et de salaires avantageux pour ces derniers. [2] Les personnes immigrantes sont alors considérées comme de simples ressources, sans droits. Pour ce qui est de l’immigration permanente, elle vise les personnes diplômées dotées de moyens financiers. Les différents partis s’inscrivent dans cette logique des seuils : la CAQ envisage de hausser ce seuil à 60 000, le PLQ à 70 000, Québec solidaire entre 60 et 80 000 et le PQ, lui, veut le réduire à 35 000.
b. Maintenir un système migratoire à plusieurs vitesses
En fait les gouvernements d’Ottawa et de Québec ont instauré un système migratoire à plusieurs vitesses qui fait qu’une partie de plus en plus importante de la population n’a pas accès à tous les droits. De plus, la population immigrante voit le peu de droits dont elle dispose bafoués.
La croissance rapide de l’immigration temporaire s’explique par le fait que le Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) est très populaire auprès des entreprises. Ces travailleurs et travailleuses sont souvent encadrés par des permis de travail fermés, ce qui les rend dépendant de leur employeur. Il n’y a pas de sécurité d’emploi, pas d’assurance de retour au travail. Tout cela conduit à une exploitation éhontée que ce soit pour les travailleurs agricoles saisonniers, les aides familiales, ou les migrant-e-s employés dans les manufactures ou le secteur des services. Ils sont privés de leurs droits fondamentaux. En plus, ils et elles n’ont quasiment pas accès à une résidence permanente. Seuls 2 pour cent de ces personnes deviennent des résidents permanents ne répondant pas aux critères de potentiels résidents. [3]
Les sans-papiers sont une autre catégorie de migrant-e-s. Leur nombre est difficile à estimer. Mais, ce sont des personnes dont les permis temporaires n’ont été renouvelés, dont la demande d’asile a été déboutée, qui n’ont pas de permis de prolongation de séjour et sont donc successibles d’être expulsés. Malgré les intentions parfois exprimées par le gouvernement fédéral de les régulariser, cette dernière se laisse toujours attendre.
c. Le gouvernement de la CAQ n’hésite par à tenir des discours xénophobes pour justifier la fermeture des frontières
Le gouvernement de la CAQ veut obtenir plus de pouvoir en immigration pour pouvoir bloquer l’augmentation du volet de l’immigration humanitaire ou l’immigration liée au regroupement familial. Pour ce qui est des réfugié-e-s, il a multiplié les discours contre les « faux réfugié-e-s » et a exigé du gouvernement fédéral de rendre la frontière canado-américaine moins poreuse. Il n’a pas hésité à utiliser la démagogie le plus grossière en parlant d’une possible « louisianisation du Québec » et même affirmé que la survie de la nation était mise en danger par la venue de plus de 50 000 immigrant-e-s permanents. Les commentateurs de droite et d’extrême droite ont utilisé ces discours pour stigmatiser les immigrant-e-s. Ce discours est totalement démagogique, car ce que veut ce gouvernement pour répondre aux besoins des entreprises, ce sont des personnes qui ont le minimum de droits.
Suite à de tels propos, on pourrait craindre que le français ne serve d’outil d’exclusion plutôt que d’inclusion des personnes migrantes et que les conditions d’une francisation réelle ne soient pas à la hauteur des exigences. Les différentes organisations syndicales et populaires ont d’ailleurs proposé des mesures répondant à ces préoccupations.
d. Les organisations patronales font pression sur le gouvernement pour approfondir cette politique utilitariste
Les organisations patronales (Conseil du patronat, Chambres de commerce et autres), en plus d’utiliser de plus en plus de travailleurs et travailleuses étrangers temporaires sans droits, ont poussé le gouvernement à augmenter les seuils de l’immigration permanente à 90 000 immigrant-e-s par année pour le trois prochaines années afin de pouvoir faire face à la pénurie de main-d’œuvre. [4]. Mais, elles ont encore plus d’ambition dans la volonté de soumettre l’immigration à leurs besoins. Il faudrait pour ces organisations aligner l’immigration sur le marché du travail et impliquer les entreprises dans la sélection des immigrant-e-s. Parmi les mesures envisagées, elles proposent également différents incitatifs financiers pour promouvoir l’installation en région.
Forces et limites des revendications syndicales et populaires
Nombre d’organisations syndicales et populaires ont exigé des politiques respectueuses des droits humains. [5] Ces organisations exigent de mettre en place un programme de régularisation des sans-papiers, un programme vraiment inclusif sans limite concernant le nombre de personnes admissibles et sans critères limitant la régularisation [6] ; l’abolition du permis de travail fermé, l’ouverture aux services de garde subventionnée aux demandeurs d’asile ; des mesures facilitant l’accès à la résidence permanente, l’augmentation des cibles d’accueil des réfugié-e-s et du volet de la réunification familiale, l’abolition des dispositions empêchant les travailleurs étrangers occupant des postes peu qualifiés de venir accompagner de leur famille ; et des mesures facilitant la francisation sur les lieux de travail y compris pour les travailleurs étrangers temporaires. [7]
Si les revendications des organisations syndicales et communautaires visent à s’attaquer à la surexploitation et à renforcer les droits des personnes migrantes, la logique des seuils et la notion vague de capacité d’accueil ne sont pas radicalement remises en question. Cela fait que nombre de propositions au gouvernement s’inscrivent dans une logique d’aménagement, qui ne permettra pas la rupture radicale avec les politiques discriminatoires du gouvernement Legault comme du gouvernement fédéral.
Québec solidaire ne rompt malheureusement pas avec une vision utilitariste et nationaliste
Le plan d’immigration que QS a présenté à la consultation est centré sur la création d’un PEQ en régionalisation afin de favoriser l’installation et la rétention des résidents temporaires à l’extérieur de la communauté métropolitaine de Montréal. Il s’agit essentiellement de mettre en place une série de mesures pour favoriser et faciliter l’installation en région. Ce plan, écrit-on, permettra de répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans les différentes régions en dehors de Montréal. [8]. On aurait pu s’attendre a une critique de l’ensemble de la politique du gouvernement Legault en immigration et à une rupture avec la logique utilitariste de l’immigration brimant les droits des personnes migrantes, mais telle n’est malheureusement pas le cas. Le moins qu’on puisse dire, c’est que QS se positionne en deçà des revendications de nombre d’organisations communautaires et ne rompt nullement avec la logique des seuils.
Pour en finir avec une vision utilitariste et profiteuse
Au-delà des nécessaires réformes, il faut « sortir de cette vision utilitariste et mettre en place une politique migratoire qui se définirait prioritairement non à partir des besoins des grandes entreprises, mais à partir du respect des droits humains fondamentaux et des soins de la population. [9] et cela passe par la défense de la garantie de la liberté de circulation et d’installation. « L’ouverture des frontières ne signifie pas que les flux migratoires ne sont pas régulés, mais que cette régulation se fait à partir des conditions et de principes fondamentaux qui affirment que les immigrant-e-s sont une richesse et que fermer les frontières est inefficace et inhumain. »[[ibid]. Il faut donc accueillir tout demandeur d’asile, régulariser sans condition tous les sans-papier, supprimer les centres de détention des immigrant-e-s et arrêter les expulsions des personnes en situation irrégulière, refuser l’existence de travailleurs et de travailleuses sans droits, rejeter la logique des seuils et développer des infrastructures de logements et de services publics qui répondent aux besoins de la population et à ceux des personnes migrantes.
Il faut le souligner : une telle politique migratoire est partie prenante de notre projet d’indépendance nationale et pourra contribuer à la création de liens de solidarité avec le reste du monde contre les politiques de la bourgeoisie et de ses gouvernements.
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