Photo et article tirés de NPA 29
On apprend même que sa majesté le roi d’Angleterre ne goûtera pas aux charmes républicains de la culture française. Entre une manifestation « sauvage » et un week-end contre les méga-bassines, nous avons discuté avec Philippe Poutou, syndicaliste et candidat à la présidentielle pour le NPA.
Vous avez déclaré dans un entretien, en janvier dernier, que « le rapport de force est loin de nous être favorable. Il nous manque les outils, tant politiques que syndicaux, pour nous défendre. Tout est à refaire. Seul le mouvement social peut nous redonner un souffle ». Ce souffle, on l’a retrouvé ?
Oui. Je pense que tout n’est pas résolu et qu’on est loin d’une victoire, mais il n’empêche : il se passe énormément de choses depuis janvier. Tout redevient possible. À travers la mobilisation — les grosses manifs, déclarées ou sauvages, les grèves, les blocages —, ce qu’on voit c’est que la confiance revient. De nouveau, on sent qu’on peut agir collectivement, qu’on peut changer les choses collectivement.
Et puis il y a cette idée toute conne, celle d’oser exprimer sa colère ! Oser dire merde au pouvoir, oser dire qu’il y en a marre et que ça va changer, oser se confronter à tout ça, faire des feux de poubelles, manifester à l’heure qu’on veut, quand on veut… Ce qu’on a vu pendant les gilets jaunes — et c’est, d’une certaine manière, un rebond des gilets jaunes. On réapprend à agir ensemble, à se faire confiance. Je pense qu’on a une belle illustration de notre potentiel quand on est comme ça, très nombreux dans la rue, et des conséquences que ça implique.
Un documentaire intitulé Il nous reste la colère est sorti en décembre 2022 à propos de la lutte que vous avez menée dans l’usine Ford de Blanquefort, jusqu’à sa fermeture. Ce titre, ça vaut aussi pour la mobilisation en cours ?
Il nous reste la colère, oui, même s’il ne nous reste pas que ça. On est dans un monde où tout est fait pour qu’on ne se mette pas en colère, comme si ce n’était pas bien, pas constructif. Les dominants, eux, restent calmes. Macron et Darmanin nous insultent très calmement ! Ils nous insultent, ils nous dénigrent, ils nous prennent pour des cons, mais avec calme. Ils ne sont pas en colère, ces gens-là : la colère c’est nous qui l’avons, et ils veulent nous faire culpabiliser pour ça.
Il ne serait pas normal d’être en colère, de crier, de manifester la nuit. Alors il faut qu’on le revendique : on a le droit d’être en colère, d’autant plus dans un monde profondément injuste et dégueulasse. Il faut qu’on l’exprime, et il y a des formes diverses : il peut y avoir une colère calme, ou bien cette colère qu’on voit dans les manifestations ces derniers jours. J’ai participé aux manifestations sauvages à Bordeaux, c’était franchement génial ! Il y a 95 % de jeunes et, paradoxalement, ça se passe avec une certaine forme de sérénité, de détermination calme. La colère, c’est braver ces limites qu’on nous donne, qu’on nous fixe. Et là, oui, on dépasse les limites.
Cette colère, il faut l’organiser, avez vous lancé sur les réseaux sociaux depuis un cortège. Comment ?
On le voit dans les manifs à Paris le soir : les manifestants s’organisent, s’éparpillent, se retrouvent, jouent au chat et à la souris avec la police. D’abord, c’est ludique. Et puis il y a la fierté de riposter avec détermination, parce qu’on a envie de déstabiliser le pouvoir, de faire peur au pouvoir, de montrer qu’on est en capacité de répondre. Il y a une forme d’émancipation, de libération. Ça nous fait sortir de toute une période de résignation et de contrôle. Il y a comme une envie de se libérer de tout ça. C’est une première étape. Mais s’il y a la colère, il n’y a pas que ça. Vous avez raison : comment peut-on rendre la colère efficace ?
Vous nous disiez en 2016, à l’occasion de la mobilisation contre la loi Travail, que « l’efficacité, c’est se rejoindre ». Votre parti, le NPA, propose une rencontre unitaire avec toutes les forces mobilisées à gauche.
Il faut réussir à allier deux choses : le côté unitaire et le côté radical ou, disons, déterminé, du mouvement social. On sait que ce mouvement-là, comme tout mouvement social, engagement ou action, a son versant plus ou moins radical ou combatif. Le mouvement est composé de plusieurs tendances, et c’est ce qui fait sa force. Il y a cette intersyndicale, à qui on peut parfois reprocher de ne pas être suffisamment motrice et combattive, mais qui en même temps permet une unité fondamentale au service du mouvement, et le retour de la confiance.
Tout le monde y a vu la condition d’un mouvement massif. On s’est dit qu’ainsi on pourrait frapper fort. Malgré une pression énorme depuis quelques jours de la part du pouvoir et de Darmanin pour essayer de stigmatiser encore un peu plus ce qu’on appelle les black blocs, l’intersyndicale reste prudente et ne s’en prend pas au côté radical des manifs, comme elle le faisait à une certaine époque.
Il y a une pression mise sur les syndicats pour qu’ils se retournent contre cette jeunesse qui fait des feux dans la rue, mais ils sentent bien que le mouvement, c’est aussi ça. Il faut sortir de cette idée selon laquelle il y aurait une frange quasiment extraterrestre, hors manifs, qui viendrait juste foutre le bordel. Non : le bordel, ça fait partie de la colère sociale. C’est un des aspects du mouvement.
À côté de ça, il faut reconnaître que Macron nous aide beaucoup. Ils sont tellement bourrins ! Je tiens au pluriel, parce que si Macron est un chef d’orchestre, il a un gouvernement et plein de gens autour de lui qui, pour l’instant, assument cette politique-là. Mais leur arrogance, leur sentiment de toute-puissance et d’impunité les amènent à faire des bourdes, à aller loin et à y aller trop fort. Ça contribue à renforcer le mouvement, à le radicaliser. On a le sentiment d’être tellement méprisés, d’être traités de bons à rien, que ça suscite un réveil de la dignité qui nous fait dire stop.
On est conscients qu’il y a à la fois un mouvement syndical, un mouvement politique et des gens qui ne sont pas organisés mais qui s’impliquent tout de même. La jeunesse ne se mobilise pas de manière classique : avant c’était dans les lycées, dans les facs, aujourd’hui c’est beaucoup dans la rue. Alors qu’est-ce qu’on fait de ce mouvement-là ? Tous ces acteurs pourraient se retrouver et faire un point sur la situation pour coopérer, en prenant en compte les différences au sein du mouvement et les respecter, les coordonner, en faire une véritable force qui fasse reculer le gouvernement.
Le NPA, on est une toute petite voix — ce qui nous donne peu d’illusions. Mais on pense qu’il faut au moins poser cette réflexion : il faut plus qu’une intersyndicale ! Il faut une direction ou, du moins, une coordination du mouvement qui permette de montrer qu’on est unis face au pouvoir.
Certains, comme la CFDT, la CFTC ou l’UNSA, pensent qu’il faut se cantonner aux manifs syndicales ; d’autres pensent qu’il faut bloquer ; d’autres qu’il faut une grève générale ; d’autre qu’il faut aussi des combats de rue. Comment on concilie ça ? Il y a un camp social qui est en train de se battre contre le pouvoir, contre un autre camp social. Et pour ne pas perdre ce combat, il nous faut une coordination, une discussion franche sur la manière dont on peut faire évoluer le mouvement.
On fait partie de la fraction radicale, mais ça n’est pas pour ça qu’on pense qu’il faut se détacher de l’intersyndicale. Au contraire : il faut rester unis, coordonnés. On est pour qu’il y ait des manifs comme ça a été le cas le 23 mars dernier, mais on est aussi pour que ces manifs deviennent ce qu’elles sont devenues à Paris ou à Bordeaux. Engageons cette discussion.
Cette confiance retrouvée, c’est peut-être celle qui s’est dissipée devant l’échec d’une alliance entre les forces de gauche lors des dernières élections présidentielles. La rue peut-elle permettre une entente que les formations politiques peinent à assurer ?
C’est bien la force du mouvement social. On pourrait dire que, d’une certaine manière, le début du changement est venu après la présidentielle, même si c’était sur un terrain électoral et institutionnel. La question est celle-ci : comment on reconstruit une force de gauche ? On a tous le sentiment qu’il nous manque quelque chose. On est orphelins. On n’a pas les outils adéquats aujourd’hui pour se défendre.
On l’a vu avec une extrême faiblesse syndicale, un mouvement associatif en perte de vitesse et une gauche politique complètement ratatinée — pas seulement divisée, mais sans perspectives. Les législatives, avec les débats autour de la création de la NUPES, ont permis de retrouver une certaine dynamique sur la base du score de Mélenchon aux présidentielles, qui a été l’expression d’une colère qui commençait à se lâcher, d’un ras-le-bol antilibéral.
Avec toutes les limites de Mélenchon, le score qu’il a fait a marqué le début d’un tournant, que la NUPES a permis de continuer. Avec le NPA, on a participé au début du processus mais on s’est fait éjecter : on était jugés à la fois trop faibles pour peser vraiment et trop radicaux pour bon nombre de personnes qui participaient à la NUPES.
Mais aujourd’hui, on voit bien que ces discussions peuvent prendre une autre direction. Il faut insister sur la nécessité de reconstituer une gauche politique et reconstruire des outils combatifs, qui sont liés à la lutte sociale plus qu’aux institutions. Ça ne veut pas dire qu’il faut s’écarter des institutions, de la bataille électorale, mais ce qui va être déterminant c’est ce qu’on va être capables de faire au quotidien, dans nos quartiers, dans les entreprises, dans la rue.
Ce sont nos outils qu’il faut construire, pas se contenter de ceux qui sont aux mains des élus. On ne veut surtout pas reconstruire la gauche telle qu’on l’a connue, mettre des pansements ou réparer quelque chose qui s’est cassé, on veut faire quelque chose de nouveau. Et le mouvement social peut nous aider à ça. Tel qu’il est composé aujourd’hui, il permet de se demander comment faire ce lien entre le mouvement syndical réformiste qui, de peur de radicaliser le mouvement social, n’ose pas entrer dans une confrontation de classe et adopter un discours très combatif, et un mouvement politique qui pose des questions de fond. Ça permettrait de mieux concrétiser ce dont on a besoin. Le mouvement social crée des conditions nouvelles de discussion.
La répression se durcit depuis une semaine. La violence du pouvoir avait contribué à broyer la révolte des gilets jaunes. Est-ce qu’on doit craindre la reconduction de cette stratégie de la part du gouvernement pour écraser le mouvement ?
Il y a deux leviers. D’une part, le 49.3. Ça fait suite à une stratégie parlementaire qui veut nous faire croire qu’il n’y a pas d’autre choix : le gouvernement sait mieux que tout le monde dans quel état se trouve l’économie, alors si on n’est pas convaincus, c’est qu’on n’a pas compris. Le seul élan de modestie qu’il a concédé, c’est que ses membres n’ont peut-être pas su très bien expliquer. Nous, on est en bas de la société : on ne peut pas comprendre ce qui se passe, ça nous dépasse, alors heureusement qu’on a des experts au pouvoir ! Il y a une propagande qui nous rabaisse en permanence et nous renvoie dans la position de ceux qui ne comprennent pas, qui ne savent pas et qui devraient accepter les choses. Mais cette fois-ci, on s’aperçoit que ça ne marche pas. Le rejet du 49.3 a montré que ça ne passait plus. C’est le tournant du mouvement.
Quand la propagande selon laquelle il n’y a pas d’alternative ne suffit pas, les dominants remettent en place la répression directe dans la rue. Ils s’attaquent aux manifestants en général et plus particulièrement à la frange radicale de la mobilisation. Et avec des mensonges en plus ! Il faut le dire : Macron, Darmanin, ils sont dingues.
Hier, Darmanin a dit que l’extrême gauche appelle à tuer des flics ! À détruire la République ! Mais d’où il sort ça celui-là ? Tout ça pour justifier la répression. On ne vaut rien. On est des vauriens. On est des gens sur qui on peut tirer : c’est ça que ça veut dire. C’est la justification de la répression politique et de la violence policière qui l’accompagne, qui est l’expression d’une classe dominante qui a décidé de stopper la contestation. Et ça, c’est dangereux, parce que ça n’est pas inefficace : c’est intimidant, ça fait peur. On va retrouver des manifestations dures où les gens auront peut-être plus de difficulté à s’exprimer. Ça va sûrement se traduire par un petit affaiblissement du nombre de manifestants et le gouvernement va en profiter pour dire que les gens ont compris qu’il fallait arrêter.
Il faut prendre au sérieux le combat politique à mener contre la répression, c’est-à-dire comment on la dénonce, comment on mène une campagne qui montre la gravité de la situation, comment on arrive à convaincre de la légitimité du mouvement social et de son durcissement. C’est, finalement, une question d’autodéfense. On est agressés, on est attaqués, il faut qu’on se défende. Maintenant qu’on est dans la rue, ça ne peut pas s’arrêter comme ça. Mais comment fait-on ? On en revient à la question précédente : il nous faut une discussion collective. Comment le mouvement parviendra-t-il à mettre en place une gestion collective ?
On pourrait attendre une forme de solidarité entre les éléments distincts du mouvement, qu’ils soient réformistes ou révolutionnaires. Qu’un Fabien Roussel, par exemple, arrête de condamner la contre-violence des manifestants, qu’une défense collective, notamment sur le plan médiatique, se mette en place.
Tout à fait. Le camp d’en face, le camp bourgeois, est capable de ça lui. On peut imaginer que du côté du pouvoir et au sein du milieu patronal, tout le monde ne partage pas la stratégie de Macron. Certains se disent peut-être même que Macron fait n’importe quoi, et qu’à cause de lui, ils sont dans la merde ! On le voit un peu à droite, avec Charles de Courson par exemple, représentant de la droite aristo, qui se démarque de cette manière-là.
On peut se rappeler d’un François Sureau au moment des gilets jaunes aussi, de ces hauts fonctionnaires qui se posent en défense des droits et des libertés. Mais, malgré ces nuances, il y a bien un bloc bourgeois. Il faut qu’on soit en capacité de faire bloc aussi. On peut très bien ne pas partager la stratégie de ce qu’on appelle les black blocs — même si, encore une fois, ce ne sont certainement pas que des gens en dehors des manifs qui participent aux combats de rue, il y a aussi des syndicalistes avec leurs chasubles CGT et Solidaires —, mais il faudrait que ce mouvement puisse dire : « On ne partage peut-être pas tout, mais face au pouvoir on mène un combat solidaire, on se défend et on ne dénonce pas ce qu’on pourrait considérer comme des violences du côté des manifestants. »
Ce que dit Roussel, c’est déplorable. Mais les syndicalistes, y compris Laurent Berger, sont sur la retenue. Quand ils se démarquent de la radicalisation, ils disent que c’est Macron le responsable de celle-ci. C’est une manière d’être solidaires avec les manifestations radicales. C’est une façon de dire, aussi : ne cherchez pas à nous diviser. Mais ça reste encore trop timide. Il faudrait dire : « Bien sûr, c’est notre camp, on se bat, on ne partage peut-être pas tout dans les formes de combat, mais ça reste notre camp. » On a besoin de montrer notre unité. On ne pourra fragiliser le pouvoir que comme ça. Si le pouvoir voit qu’il y a des failles, c’est dangereux pour nous.
Dans un livre récent, Un « petit » candidat face aux « grands » médias, vous revenez sur le traitement médiatique de vos campagnes présidentielles successives. De la même manière, comment analysez-vous le traitement médiatique de ces trois mois de mobilisation ?
Le traitement de la mobilisation depuis janvier jusqu’à ces derniers jours est intéressant. Depuis le début, le problème de fond que les médias ont à traiter, c’est que le mouvement est populaire. Les chiffres sont dingues : tout le monde voit que les manifestations sont massives dans les grandes villes, à Paris, Marseille, Bordeaux, mais aussi à Guéret, à Bayonne ou à Brive. Partout.
Ce sont des chiffres que les gens n’ont pas vus depuis très longtemps, voire qui n’ont jamais été vus. Mais la popularité se mesure aussi à travers les sondages : 90 à 92 % des salariés et 80 % de la population contestent la réforme. Depuis le début, et même avec des manifs qui partent dans tous les sens, l’opinion publique reste largement du côté de la mobilisation. Les médias le voient : leurs propres téléspectateurs sont opposés à la réforme.
Depuis le début, je trouve que les médias sont sur la retenue. Ils ne sont évidemment pas dans le respect de la mobilisation sociale, mais ils voient qu’il se passe quelque chose d’énorme. Ils se disent qu’ils ne peuvent décemment pas attaquer à longueur de journée les manifestants et les syndicalistes, y compris les gauchos.
La mobilisation a réussi à imposer ça — ce qui montre la force du mouvement. Des éditorialistes, des éditocrates hyper réacs se sont retenus, même des Christophe Barbier ont parfois pu dire des choses étonnamment en faveur du mouvement social.
Je n’ai pas suivi les déclarations de Macron mercredi, parce que j’ai passé toute la journée en manif. Ce que j’ai vu, ce sont les déclarations de Darmanin : le pouvoir passe à l’attaque et les médias devraient suivre. Encore que ça n’est pas si simple : s’ils sont dans une logique de « chiens de garde », ils en ont aussi un peu marre de Macron, ils se rendent bien compte qu’il fait n’importe quoi. Mais la radicalisation du mouvement, la colère qui s’exprime de plus en plus largement, ça fait peur à ces gens-là. Sur CNews, ça parle de révolution, de Robespierre…
Alors qu’on en est quand même pas là ! Les slogans, les tags, beaucoup font référence à la Révolution, à la Commune de Paris dont on a fêté l’anniversaire le 18 mars. Ce sont les revendications d’une partie du mouvement social et on sent que ça suscite une petite peur du côté des médias : et si ça dérapait complètement ?
Ils commencent à exprimer un réflexe de classe, une haine du pauvre qui se révolte. Il y a plus de chances que leurs positions évoluent vers la posture classique du chien de garde et qu’ils se lâchent contre les manifestants radicaux. C’est pour ça : plus on tiendra cette ligne de solidarité du mouvement, plus on sera forts face au pouvoir.
On est à la veille d’une nouvelle manifestation contre les méga-bassines et le gaspillage de l’eau. En octobre dernier, 7 000 manifestants s’étaient déplacés. Face à eux se trouvaient 1 700 flics. Darmanin a annoncé des effectifs deux fois plus importants ce week-end. Vous y serez : pourquoi ?
On considère, avec le NPA, que la mobilisation contre la réforme des retraites et celle contre les méga-bassines sont des combats qui doivent se connecter. Première chose : c’est une confrontation avec le pouvoir. Dans les deux cas, on se confronte aux mêmes personnes — Macron, Darmanin. La question sociale et la question environnementale sont de plus en plus liées, même si on n’aura pas forcément les mêmes acteurs, les mêmes manifestants, du moins pas complètement.
Il y en a qui restent spécifiquement dans les combats environnementaux, qui ne sont pas forcément connectés au mouvement syndical. À l’inverse, on voit que les équipes syndicales, elles, sont de plus en plus investies dans les mouvements environnementaux. On sait qu’on va retrouver demain des gens qui sont dans la rue depuis trois mois. On a besoin de mieux formaliser ce lien entre les luttes, de montrer à quel point c’est le même combat. On fait face à la même répression, déjà.
Ce qui s’annonce est quand même flippant… On ne sait pas si ça va déraper, comment ça va canarder, mais cette fois on sera dans des champs et vu les effectifs de flics prévus, c’est quand même inquiétant. Mais si c’est tendu comme ça, c’est aussi le signe que ça n’est pas rien pour le pouvoir, que ça ne passe pas inaperçu. Il y a quelque chose de fort à faire là-bas ! Donc dans cette bataille comme dans celle des retraites, c’est toujours la question de la démocratie. On a le droit de décider de ce qui nous concerne, de nous organiser. C’est une question politique de fond, celle du pouvoir qu’a la population de décider de sa vie en se confrontant aux décisions des privilégiés et des ultra-riches. Parce que dans tous les cas, c’est la question des fortunes, d’un côté, et de l’intérêt général des populations, de l’autre.
C’est aussi l’occasion de mettre en avant des zones rurales, qui l’ont peu été jusqu’à présent contre la réforme des retraites. Là aussi, les syndicats sont actifs : la Confédération paysanne fait partie des organisateurs de la mobilisation contre les méga-bassines. Il y a un pont qui peut se jeter là ?
Oui. Et moi qui suis syndicaliste depuis longtemps, je vois bien que ce pont se dessine. C’est sûr, la CGT n’est pas la plus sensible aux questions environnementales — on a encore des trucs hyper rétrogrades, dans la CGT Énergie par exemple, sur la question du nucléaire : on sent que ça bloque. Ça se passe plus au sein des équipes syndicales. Je pense notamment à celles qui vivent du côté de Nantes, à proximité de Notre-Dame-des-Landes, ou qui sont du côté d’Albi, où s’est déroulée la protestation contre le barrage de Sivens.
Des syndicalistes se sont retrouvés impliqués dans ces mouvements et dans ces luttes-là — la défense d’espaces verts, les luttes contre des projets immobiliers. Petit à petit, le mouvement syndical s’implique et influence les organisations de l’intérieur. Pour ça, le mouvement anti-bassines est emblématique et fait suite à Notre-Dame-des-Landes. On a intérêt à s’en mêler !
L’eau, c’est un des sujets dont on ne s’occupe pas habituellement, parce qu’on se dit que c’est pour les céréaliers, que c’est important qu’ils puissent irriguer. C’était pareil pour le barrage de Sivens, il n’y avait que quelques habitants directement concernés au début. Et puis après, on se dit merde, avec l’urgence climatique et la catastrophe environnementale en cours, on a intérêt à se mêler de ça !
Parce que des collectivités territoriales qui font n’importe quoi sont en train de nous bousiller la vie. Ils sont en train de tout détruire, alors occupons-nous de ça ! Il n’y a pas que la question des retraites, des salaires ou du service public qui doit nous mobiliser, ne laissons pas les capitalistes de l’agriculture bousiller nos vies !
Samedi 25 mars 2023
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