On pourrait dire, selon l’expression consacrée, que cela « va mal à la shop ». Mais en regardant bien la situation, on voit bien qu’il y a un autre chemin.
Pour le trouver, il faut confronter ce nationalisme de droite qui a été souvent présent dans notre histoire. Après la défaite du mouvement républicain de 1837-38, on a eu une alliance réactionnaire entre le pouvoir de l’État et les secteurs réactionnaires de l’Église catholique. Les « Canadiens-français catholiques » (c’était comme cela que Lionel Groulx et Duplessis nous définissaient) devaient se replier sur la religion et le provincialisme, pour rester loin des mouvements d’émancipation socialistes et syndicalistes, des Juifs et des « étrangers », tout en soumettant le Québec aux ordres du capitalisme nord-américain. Cela a malheureusement duré jusqu’au début des années 1960.
À cette époque, de par un ensemble de facteurs politiques, sociaux, démographiques, nous sommes devenus Québécois-es. Une « nouvelle » nation a émergé. Avec les mouvements populaires et même avec le PQ, nous sommes sortis, en bonne partie, du carcan réactionnaire pour affirmer un projet d’émancipation sociale et nationale. Au départ, le projet semblait prometteur, avec des limites cependant, du fait d’une certaine naïveté par rapport aux enjeux et défis. En se voulant « rassembleur », le PQ s’est tiré plusieurs fois dans le pied en se conformant aux attentes des élites économiques, de l’« austérité » imposée en 1982 jusqu’aux absurdes politiques du « déficit zéro » de Lucien Bouchard. Rétroactivement, cette idée d’une souveraineté « tranquille » n’avait pas grand chance d’avancer face au dispositif tout puissant du capitalisme anglo-canadien et américain.
Aujourd’hui, on ne se retrouve pas tout à fait à zéro, mais il faut considérer le fait qu’il faut reprendre cette longue marche vers l’émancipation sur de nouvelles bases.
Au premier plan, je penserais qu’il faut déplacer le focus. Le Québec est habité par plusieurs nations et communautés nationales, et pas par un seul. Les peuples autochtones évidemment, sont « copropriétaires » du Québec. Ils veulent, et c’est normal, imaginer une autre gouvernance. Il n’y aura pas de « paix des braves », sur la base de petits « deals ».
Il y a également la minorité anglophone. Elle aussi fait partie de notre histoire et de notre avenir. Si on l’avait oublié, il faut rappeler qu’une importante partie de cette minorité s’était ralliée, à l’époque des Patriotes, au projet républicain. Aujourd’hui, bien sûr, on n’est plus en 1837. Pour autant, il faut trouver des points de convergence. Cette minorité a des droits, y compris linguistiques, ce qui ne contredit nullement le fait que le français doit être la langue commune et dominante. Les Anglophones, une réalité historique et contemporaine composite, font partie de la solution. De même que les immigrant-es, qui sont souvent ni catholiques, ni francophones !
Ensemble, des communautés plurinationales doivent, potentiellement, construire un « peuple ». Disons les choses autrement. Un Québec républicain et souverain auquel aspire une partie importante de la population n’existera jamais sur la base d’une seule de ses composantes. Il ne pourra jamais être défini seulement par la culture et la langue de la majorité. Il devra se faire sur un consensus plus large, intégrant à la souveraineté la justice sociale et environnementale. Le Québec dont on rêve ne peut pas être simplement un autre État, une autre version du Canada.
Oui, c’est, pour le moment, un rêve. Comme l’était, il n’y a pas tellement longtemps, des idées qu’on considérait « délirantes », comme l’égalité entre les hommes et les femmes !
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