Tiré de Rabble
https://rabble.ca/indigenous/house-of-commons-recognizes-residential-schools-as-ge
Lundi 7 novembre 2022 / DE : LEAH GAZAN
Traduction Johan Wallengren
Comme les choses peuvent évoluer en une année. En juin 2021, ma tentative d’obtenir un consentement unanime pour reconnaître les pensionnats comme génocidaires a été bloquée. Le résultat du travail accompli par les survivants et leurs familles et communautés impactées par les pensionnats est manifeste. Ces personnes ont fait tellement de sacrifices pour que les gens sachent la vérité sur l’histoire de ce pays. Que ma motion ait été adoptée cette fois en est également le fruit.
Mais pourquoi avoir déposé cette motion en premier lieu ? C’est parce que sans la vérité, nous ne pouvons arriver à une véritable réconciliation dans ce pays. Le mois précédant le dépôt de ma motion initiale, plus de 200 tombes non marquées ont été détectées par géoradar sur le terrain de ce qui avait été le pensionnat pour autochtones de Kamloops. Puis, toute une série de nouvelles découvertes ont eu lieu, ne faisant qu’ajouter au drame et confirmer ce que les survivants ont toujours su : ce qu’on a infligé à ceux qui sont passés par les pensionnats et à ceux qui n’en sont jamais revenus constitue un génocide.
Les aveux du pape l’été dernier ont également été notables. On a demandé au pape François après sa visite au Canada pourquoi il n’avait pas utilisé le terme « génocide » pour décrire ce qui s’est passé dans les pensionnats. Celui-ci a répondu qu’il n’avait pas pensé à utiliser ce mot à ce moment-là, mais qu’il s’agit effectivement d’un génocide. Que le chef de l’Église, qui a administré environ 70 % de tous les pensionnats, ait reconnu cela est très significatif, et le dialogue ainsi amorcé est l’une des raisons pour lesquelles j’ai à nouveau présenté la motion cet automne.
Les pensionnats relevaient indéniablement de l’acte génocidaire.
Il suffit d’examiner la définition du génocide donnée par les Nations unies pour comprendre pourquoi les propos du pape François ne font que confirmer une réalité. L’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide des Nations Unies définit le terme comme suit :
l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
1. Meurtre de membres du groupe ;
2. Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ;
3. Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
4. Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
5. Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Il est évident que chaque partie de cette définition s’applique aux pensionnats. Les dirigeants de ce pays avaient l’intention clairement exprimée de détruire les peuples autochtones. Prenez Duncan Campbell Scott, le tristement célèbre fonctionnaire du ministère des Affaires indiennes qui a été à la tête du système des pensionnats et a déclaré : « Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Indien qui n’ait pas été absorbé dans le corps politique et qu’il n’y ait plus de question indienne, ni de ministère des Affaires indiennes... »
Ou prenez John A. Macdonald, qui a fait la déclaration suivante à la Chambre des communes au sujet de la raison pour laquelle on enlève des enfants à leur famille et à leur communauté pour les mettre dans des pensionnats :
« Lorsque l’école est dans une réserve, l’enfant vit avec ses parents, qui sont des sauvages ; il est entouré de sauvages et bien qu’il puisse apprendre à lire et à écrire, ses habitudes, son développement et sa façon de penser sont indiens. Il est simplement un sauvage qui peut lire et écrire. »
Les architectes de ce système diabolique n’ont pas cherché à en dissimuler l’objectif. Ils en étaient fiers et l’intention génocidaire véhiculée par leurs propos est indéniable. Les peuples autochtones le savent, le pape le sait, les chercheurs le savent. Et maintenant, le Parlement de notre pays l’a également reconnu en adoptant ma motion.
Un moment historique au Canada
Nombreux sont ceux qui ont qualifié ce moment d’historique et j’en fais partie. En fait, c’est un point sur lequel je ne saurais trop insister. Par le passé, j’ai décrit notre Parlement comme l’œil de la tempête coloniale ; c’est un lieu où nous devons continuellement nous battre pour que nos droits en tant que peuples autochtones soient respectés. On se remémorera que c’est en ce lieu qu’en 1886, une « personne » a été définie comme « tout individu autre qu’un Indien ». On ne saurait donc trop insister sur l’importance du fait que l’institution qui a cherché à effacer notre existence même, en tant que peuple, reconnaît maintenant la vérité au sujet de ce qui s’est passé dans les pensionnats.
C’est d’autant plus un moment historique que le génocide a eu lieu à l’intérieur des frontières de notre pays. Le Canada n’a jamais reconnu qu’il y a eu génocide sur son sol, seulement à l’étranger. J’espère que ce qui vient de se passer est le signe d’une plus grande ouverture concernant notre propre histoire. Ce n’est que dans ces conditions que nous pourrons vraiment avancer sur la voie de la réconciliation.
Maintenant que le Parlement a reconnu le caractère génocidaire des pensionnats, il importe que nous abordions les prochaines étapes avec considération. Dans toutes mes interventions relatives à la motion, j’ai pris soin de ne rien faire qui puisse causer du tort aux survivants. Au fur et à mesure que le processus avance et que nous travaillons avec les membres du gouvernement sur la reconnaissance officielle, au niveau fédéral, cela doit être un principe directeur.
En octobre, les députés ont fait entendre la vérité entre les murs de cette institution coloniale. Veillons à faire en sorte que ce ne soit pas la fin, mais le début d’une prise en compte de tous les aspects du passé de notre pays. Car sans vérité, point de réconciliation.
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