Édition du 19 novembre 2024

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Europe

Parti socialiste : après le vote des motions

Naturellement, la nette victoire de la motion présentée par Jean-Christophe Cambadélis auprès des militants socialistes est une mauvaise nouvelle. Mais absolument pas une surprise…

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C’est une mauvaise nouvelle à double titre, pour celles et ceux qui combattent l’austérité, d’abord parce que le résultat du vote des motions signifie un soutien sans appel du parti majoritaire au gouvernement et à son orientation en faveur exclusive du patronat. Au-delà même de ses limites en termes de contenu, la motion dite des « frondeurs » aurait pu constituer, pour les militants appelés à s’exprimer après trois ans de mandat de François Hollande et presque un an de gouvernement Valls, une occasion de manifester leurs réserves ou leur opposition à cette ligne ou encore, comme ses promoteurs l’avaient présentée, une occasion de réclamer un tournant ou une inflexion à gauche. Force est de constater que cela n’a pas été le cas, moins de 30% des militants s’étant saisi de cette occasion.

On se souvient qu’en 2011, lors des primaires pour désigner le candidat socialiste à la présidentielle de l’année suivante, Manuel Valls n’avait recueilli qu’un très faible nombre de suffrages. Trois ans après, il est Premier ministre. Son orientation est mise en œuvre par le couple exécutif et son gouvernement. Et, lors de la première consultation militante depuis l’élection de François Hollande, elle vient donc de l’emporter formellement au sein du Parti socialiste. Ce n’est pas à proprement parler une surprise, on l’a dit, mais il est sûr que cela va rendre les choses encore plus difficiles à gauche puisque Valls et Hollande ne peuvent que se sentir confortés par ce vote.

La seconde raison de ne pas se réjouir est que, non contents d’être battus, les « frondeurs » et, plus généralement, les partisans d’une inflexion à gauche, se sont précipités dans le piège tendu par Jean-Christophe Cambadélis pour le compte du gouvernement. Ainsi, dès l’annonce des résultats, Cambadélis a tenu à affirmer que, désormais, « la contestation sur François Hollande dans le Parti socialiste est éteinte, elle est résiduelle ». A quoi Christian Paul, le porte-parole des frondeurs, répond fièrement : « La flamme n’est pas éteinte. Mais ce n’est pas une flamme de contestation, c’est une flamme de propositions ». Les premières déclarations des « frondeurs » - ceux qui se sont retrouvés dans la motion minoritaire comme ceux qui ont suivi Martine Aubry dans son ralliement à la motion majoritaire - indiquent leur nouvelle tactique : s’appuyant sur quelques leurres contenus dans le texte Cambadélis, ils entendent désormais, face aux risques de trop grande complaisance du PS vis-à-vis du gouvernement, être les gardiens du temple de… la motion majoritaire ! Les meilleurs défenseurs de ces bouts de phrases où l’on peut discerner comme un refus (velléitaire) d’admettre toutes les horreurs prônées par Valls et Macron….

Ainsi, Jean-Marc Germain : « ce qui est écrit dans ce texte, nous devons maintenant le faire vivre dans la pratique ». Il serait peu charitable d’ajouter : bon courage ! Encore peut-on constater qu’il a, lui, voté ce texte. Mais comment qualifier les déclarations d’Emmanuel Maurel, animateur depuis plusieurs années d’une opposition interne réelle au social-libéralisme ? Il affirme ainsi : « 100% des motions disent qu’il faut réorienter le CICE, 100% parlent de la fusion de la CSG avec l’impôt sur le revenu, 100% disent vouloir revenir sur la baisse des dotations aux collectivités » ? Oui et … à la fin, que croyez-vous qu’il va arriver ?

Cela, naturellement, ne doit pas empêcher la gauche radicale de chercher à construire, chaque fois que cela est possible – par exemple pour la seconde lecture de la loi Macron ou en solidarité avec le peuple grec - des fronts et des coalitions larges, avec des militants et des courants du Parti socialiste. Sans réticence, avec patience. Mais, quand même, sans illusions excessives.

Ce sont les tenants de l’aile gauche du PS, les frondeurs et les partisans de M. Aubry qui avaient exigé cette consultation des militants. En définitive, son déroulement et son issue ont clairement conforté l’équipe exécutive Hollande – Valls. Et, accessoirement, permis à Cambadélis d’être enfin élu à la direction du PS, lui qui n’avait jamais été que désigné comme conséquence collatérale d’un remaniement ministériel !

Pour autant, les hiérarques socialistes auraient vraiment tort de penser que la voie est désormais dégagée jusqu’en 2017 et au-delà. Les résultats du vote des militants PS leur sont favorables parce qu’ils sont en ligne avec ce que ce Parti est devenu. Mais ils sont en profond décalage avec les sentiments des couches populaires, ce qu’illustrent toutes les consultations électorales qui se sont déroulées depuis trois ans. C’est de là - et non de contestations internes – que peut venir le danger pour le PS. Une défaite par trop humiliante en 2017 – hypothèse non certaine mais quand même possible – à l’élection présidentielle, puis aux élections législatives, pourrait constituer un véritable tremblement de terre politique et provoquer la désagrégation du PS.

En gros : il est difficile, au stade actuel, de déchiffrer ce que sera l’avenir du Parti socialiste français. L’une des hypothèses les plus sérieuses est effectivement sa transformation en parti de centre gauche, en parti démocrate. Pas forcément sur le modèle du Parti démocrate américain, dont les origines historiques, sociales et politiques sont quand même assez différentes. Mais, plus vraisemblablement sur le modèle du Parti démocrate italien (1).

Ce n’est cependant pas le seul scénario possible : on peut tout aussi bien assister à un écroulement du Parti socialiste, une « pasokification » du PS. L’espérer au motif que cela libérerait un espace pour la gauche radicale serait assez infantile. Car, précisément, rien ne garantit que c’est la gauche radicale qui occuperait le terrain. Mais, par contre, cela confirme la nécessité d’une indépendance complète, d’une distance maximale par rapport au PS. Pas dans l’espoir naïf de profiter de sa ruine. Simplement pour avoir une petite chance d’éviter d’être entraîné dans sa chute…

François Coustal

Note :

(1) Lire à ce sujet la contribution de Philippe Marlière : « Parti socialiste : confirmation de la révolution néolibérale-conservatrice » www.ensemble-fdg.org/content/parti-socialiste-confirmation-de-la-revolution-neoliberale-conservatrice

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