Édition du 18 juin 2024

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Asie

Entrevue

Pakistan : pris en étau entre une catastrophe naturelle et la violence armée

Les inondations sans précédent qui ont frappé le Pakistan deux mois durant et la récente détérioration des conditions de sécurité dans le pays laissent augurer un sombre avenir pour des millions de Pakistanais. André Paquet, chef adjoint de la délégation du CICR à Islamabad, explique comment l’institution s’efforce de faire face à la situation.

Huit semaines après le début des opérations de secours en faveur des personnes touchées par les inondations au Pakistan, comment la plupart des gens s’en sortent-ils ?

Certaines régions du pays sont encore sous les eaux. Dans le nord, les gens retournent peu à peu dans leurs maisons dévastées. Dans le sud, les eaux stagnantes recouvrent encore de vastes zones, rendant les habitants tributaires d’une aide humanitaire pour survivre. Pour des millions de personnes, la crise est loin d’être terminée. Les dommages causés aux infrastructures et aux moyens de subsistance sont considérables et auront un impact à long terme.

La situation est telle qu’aucune organisation, ni aucun gouvernement ne peut individuellement couvrir les immenses besoins, que ce soit à court ou à plus long terme. Il faut que le gouvernement, les forces armées, la communauté internationale, les Nations Unies, les organisations non gouvernementales, les donateurs et, bien sûr, les communautés conjuguent leurs efforts pour répondre à l’ensemble des besoins.

En partenariat avec le Croissant-Rouge du Pakistan, le CICR a fourni des rations alimentaires pour un mois et des articles d’hygiène à 575 000 sinistrés, ainsi que des ustensiles de cuisine et du matériel pour construire des abris à 345 000 autres personnes dans différentes zones, situées pour la plupart à l’ouest de l’Indus. Le CICR a également aidé les membres de plus de 800 familles à rester en contact, en assurant des liaisons téléphoniques et des services de recherches. En outre, il continue à apporter son soutien aux unités de soin de santé du Croissant-Rouge du Pakistan et aux unités de traitement des maladies diarrhéiques, qui ont effectué à ce jour plus de 60 000 consultations.

En dépit de l’action humanitaire massive lancée à la suite des inondations, des millions de personnes ont encore besoin d’une aide d’urgence et des millions d’autres devront bénéficier d’un soutien aux moyens de subsistance une fois rentrées chez elles. Le CICR se prépare à aider pas moins de 350 000 personnes à rétablir leurs moyens de subsistance en milieu rural ces prochains mois, dans les zones où il est présent, en fournissant des semences, des outils agricoles et matériel divers. L’ampleur des besoins est tout simplement colossale.

Quelles sont les difficultés rencontrées dans le cadre des activités humanitaires au Pakistan ?

On ne saurait trop insister sur le fait que les inondations sont venues s’ajouter à la violence armée qui sévissait déjà dans différentes régions du pays.
Par conséquent, la première difficulté pour le gouvernement et les forces de sécurité pakistanaises est de mener une action appropriée et globale pour faire face à la catastrophe naturelle et à ses conséquences, tout en se conformant pleinement aux règles qui régissent la conduite des opérations de sécurité, notamment en facilitant le travail des organisations humanitaires dans les zones sensibles.

Le CICR concentre son action sur certaines régions du pays telles que le Khyber Pakhtunkhwa, les zones tribales sous administration fédérale, la partie du Cachemire sous administration pakistanaise et le Baloutchistan, où il prend part aux opérations de secours en faveur des sinistrés, tout en continuant de prêter assistance aux victimes de la violence armée. Nous poursuivons notamment nos activités en faveur de plus de 200 000 personnes déplacées en raison des affrontements dans le nord-ouest du pays.

Pour le CICR, le principal problème à l’heure actuelle est clairement le manque d’accès. Il y a, bien sûr, des problèmes de sécurité liés à la criminalité et des contraintes logistiques, qui font qu’il est impossible de déployer sans encombre tout le personnel nécessaire sur le terrain. Toutefois, les principaux obstacles qui entravent les activités humanitaires sont dus à des restrictions imposées par les autorités.

Les difficultés d’accès auxquelles se heurtent les spécialistes expatriés qui s’efforcent de venir en aide aux sinistrés limitent considérablement les mesures que nous pouvons prendre, notamment pour renforcer la capacité du Croissant-Rouge du Pakistan de fournir des secours. En outre, le manque d’accès provoque une méfiance et un ressentiment généralisés à l’égard des organisations humanitaires, en particulier les organisations internationales, considérées comme inefficaces ou comme obéissant à des impératifs politiques ou de sécurité.

Afin de garantir l’efficacité de notre action, nous faisons tout ce qui est nécessaire pour que les opérations que nous menons en partenariat avec les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge soient reconnues comme étant de nature exclusivement humanitaire. L’indépendance qui guide l’action du CICR – un principe essentiel pour fournir une aide impartiale dictée uniquement par les besoins – doit être pleinement reconnue par les autorités. Nous devons en particulier avoir un accès suffisant aux personnes touchées par la violence armée et les inondations, où qu’elles se trouvent, pour être en mesure de leur venir en aide.

Les nouvelles récentes sur le Pakistan sont davantage axées sur les conditions de sécurité que sur les inondations. Quel est l’impact des mauvaises conditions de sécurité sur les opérations de secours du CICR en faveur des sinistrés ?

La situation sur le plan de la sécurité a un impact beaucoup plus grand et immédiat pour la population pakistanaise que pour les organisations humanitaires.

Cela étant, il est vrai que les travailleurs humanitaires au Pakistan sont exposés à de sérieux dangers du fait de la criminalité et de l’hostilité liée à des considérations d’ordre politique. Personne ne peut venir en aide aux victimes de la violence armée et aux sinistrés dans le pays sans qu’un minimum de sécurité soit garanti.

Néanmoins, comme la mission du CICR consiste à travailler dans les conflits armés et autres situations de violence à travers le monde, nous avons mis en place des procédures très strictes pour assurer la sécurité de nos collaborateurs, même dans les situations les plus instables. Au Pakistan, le CICR est bien connu en raison de l’action qu’il mène depuis plusieurs décennies en faveur des personnes touchées par des conflits armés et autres formes de violence, et par des catastrophes naturelles. Du fait de notre longue présence dans le pays, nos activités et nos priorités humanitaires sont totalement transparentes et bien comprises. Nous tenons le gouvernement et les organismes chargés de la sécurité régulièrement informés des activités que nous prévoyons de mener et nous n’entreprenons rien tant que notre action et nos méthodes de travail ne sont pas comprises et acceptées.

Nous sommes convaincus qu’une opération humanitaire véritablement impartiale et efficace, qui n’a d’autre priorité que celle d’aider la population, est une condition sine qua non pour être acceptés et respectés par la population sur le terrain.

(tiré du site du CICR)

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