Édition du 5 novembre 2024

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Le Monde

Où en sommes-nous après bientôt cinq ans de crise ?

Quatorze pays ont régressé quant à leur PIB nominal, dont 8 pays de l’Union européenne, le Portugal et l’Espagne étant de retour à 2008 sur ce plan, alors que l’Irlande est de retour à 2006. Pour ce qui est du PIB réel par habitant, le tiers des 184 pays dont le FMI collige des statistiques, soit 61, sont aujourd’hui revenus à leur niveau d’avant 2007, dont 22 des 27 pays membres de l’Union européenne, 6 des 7 pays du G7 (seule l’Allemagne n’a pas reculé sur ce plan), 13 des 32 pays d’Amérique latine et 20 des 118 autres pays émergents.

La meilleure performance de ces derniers, tirée vers le haut en particulier par la Chine, l’Inde et le Brésil, ne saurait par ailleurs être vue avec trop d’optimisme : les perspectives de croissance de la Chine, notamment, viennent d’être sensiblement révisées à la baisse, sans parler des inquiétudes liées à la croissance de sa dette publique.

Dans 10 des 25 pays de l’OCDE, les salaires réels (corrigés pour l’inflation) étaient inférieurs en 2010 à leur niveau d’avant 2007, et inférieurs à celui de 2004 en Grèce et en Hongrie. Quant à l’emploi, tous les gains réalisés au cours des années qui ont précédé 2007 ont été balayés par la crise qui a ramené les taux de chômage à leurs sommets des années 1980 aux États-Unis et des années 1990 en Grande-Bretagne, en Grèce, en Irlande et au Portugal, sans parler de l’Espagne où il dépasse les 20 %.

Si l’Allemagne se distingue par le fait que le taux de chômage y a systématiquement diminué pour atteindre 5,5 % à la fin de 2011 à partir de son sommet de 11,5 % atteint en 2005, il ne faut pas oublier que ce « miracle » ne s’explique que par une politique de déréglementation du marché du travail et de prolifération du travail flexible et précaire donnant lieu à de bas salaires. Entre 2005 et 2010, le nombre de travailleurs à temps plein recevant moins des deux tiers du salaire médian a augmenté de 13,5 %, soit trois fois plus que pour les autres types d’emplois (voir Sarah Marsh et Holger Hansen, « Insight : The dark side of Germany’s jobs miracle »).

Premier pilier de l’Europe et chien de garde de la rigueur budgétaire, l’Allemagne montre néanmoins elle aussi des signes de faiblesse, en raison notamment du niveau élevé de sa dette publique (83 % du PIB en 2011), nettement supérieur à la norme de 60 % du PIB imposée par le Pacte européen de stabilité et de croissance. Ces signes se sont manifestés, entre autres, par la menace des agences de notation d’abaisser sa note de crédit et par son incapacité d’écouler sur les marchés obligataires la totalité d’une émission de titres à la fin de 2011. Seulement 60 % du montant recherché de six milliards d’euros avaient alors trouvé preneur.

Plus qu’un simple problème lié à l’Allemagne, cela traduisait un retrait des pourvoyeurs de fonds du financement des États européens, dans un mouvement d’étrangle­ment du crédit qui obligeait les banques à liquider des actifs et à réduire leurs prêts. Il va sans dire que ce mouvement est lourdement amplifié par l’effet néfaste des politiques d’austérité qui accélèrent la marche à la récession.

Reprise en vue ? Aucun signe réel ne l’annonce.

Article tiré du blogue de l’IRIS

Louis Gill

Économiste retraité du département de sciences économiques de l’UQAM où il a oeuvré de 1970 à 2001. Tout au cours de cette carrière, il a eu une activité syndicale active. Il a publié plusieurs ouvrages, sur la théorie économique marxiste, l’économie internationale, l’économie du socialisme, le partenariat social et le néolibéralisme, ainsi que de nombreux essais et articles de revues et de journaux sur des questions économiques, politiques, sociales et syndicales.

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