Notre sensibilité s’érode car le Capital règne en maître. Il n’a d’autre limite que lui-même et on dépasse les nôtres pour le servir ; la planète dépasse les siennes pour le servir, et ensemble on se desserre en se rapprochant du point de rupture. La charge capitaliste est trop forte. Tout ce qui va à l’accumulation n’est pas mis sur le compte des travailleurs et alors que la croissance économique augmente, c’est une part de plus qui est volée à la biodiversité. Ce que les capitalistes gagnent d’un côté, on le perd de l’autre car la production industrielle, c’est aussi une destruction à grande échelle. Destruction souvent irréversible et malheureusement vaine car les fruits du travail salarié, de l’exploitation donc, de la destruction de la nature, ne profitent pas à tous. Il y a une partie de l’énergie humaine, manuelle et intellectuelle, qui part en fumée. C’est la même, celle souterraine des énergies fossiles qui part en fumée. Les deux sont captées et consumées pour le profit. Un rituel moderne qui tourne au sacré, et donc à la défense exclusive de la propriété privée et de ceux qui la détiennent. Cette crémation à un effet sur la planète et sur nos vies. Au bureau, à l’entrepôt, dans la salle des machines, partout où le capital est investi ou placé, il extrait de l’énergie et de la valeur. Bien qu’on n’arrive pas à le distinguer de notre salaire, le surtravail effectué ne nous revient pas, ni en temps ni en argent. On vole notre temps et au même titre qu’on vole de l’énergie humaine on vole de l’énergie planétaire accumulée sur des millions d’années. La crémation pour le profit tourne à plein régime : c’est aussi le profit pour l’incendie.
L’économie capitaliste incendiaire n’a donc aucun sens car même si les profits augmentent par rapport aux années précédentes il faut brûler encore, brûler toujours. Une démesure qui gonfle d’un côté, sur une montagne de cendre.
Dans beaucoup de pays et depuis plusieurs décennies on a un déséquilibre entre la part qui revient au salaire et celle qui revient au profit.2 Michel Husson fait partie des économistes qui ont travaillé sur ce sujet de la répartition de la valeur. Bien que décédé, son travail reste toujours d’actualité et les graphiques ci-dessous sont issus de ses travaux :

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Autre paramètre : ce qu’on observe ensuite jusqu’à des périodes très récentes c’est une évolution dans la répartition des profits. La part des bénéfices reversés aux détenteurs des titres, pour les principales sociétés, augmente de plus en plus. Autrement dit, les propriétaires du capital captent de plus en plus la richesse produite par ceux et celles qui travaillent. On a donc une double captation, par le profit et par les dividendes.
En France par exemple, en vingt ans, les dividendes distribués aux actionnaires des entreprises françaises du CAC 40 ont augmenté de 269 %. Autant d’argent qui ne va pas au salaire ni à l’outil productif pour le rendre moins polluant ou pour opérer, avec cet excédent, une bifurcation écosocialiste qui peut se traduire par l’arrêt, la réduction ou la transformation d’une production existante et de son procès.
Déjà, entre 2009 et 2016, 67,4 % des bénéfices réalisés par les entreprises du CAC 40 ont été distribués en dividendes aux actionnaires. Sur le tiers restant, seulement 27,3 % ont été réinvestis dans l’entreprise, et 5,3 % ont été reversés aux salariés.3
En 2022, encore, on a une part très importante des profits qui se transforme en dividendes. Les grandes entreprises françaises cotées en bourse enregistrent 142 milliards d’euros de bénéfice, tandis que la part qui revient aux actionnaires est de l’ordre de 80 milliards d’euros. Ce qui représentait à l’époque une hausse de 15,5 % par rapport à l’année précédente. Selon la lettre financière Vernimmen, les entreprises du CAC 40 ont versé en 2024 près de 100 milliards d’euros à leurs actionnaires, sous forme de rachats d’actions et de dividendes (les bénéfices s’élevaient quant à eux à 145 milliards d’euros). Etrangement, le nombre de salariés en France dans les entreprises du CAC 40 baisse de 12%4
La richesse nous échappe et paradoxalement on se voit souvent contraint de travailler davantage dans des conditions qui se dégradent. Plus la valeur augmente, moins elle tire à notre avantage. Cette augmentation continue de la richesse est nocive car elle implique une dégradation écologique et un appauvrissement pour des millions de personnes.
Nouvelle phase du capitalisme et nouveaux dangers pour les travailleurs, la démocratie et la planète
Si le mode capitaliste évolue, se transforme, on peine toujours à savoir au début si les évolutions technologiques nous rapprochent d’une société libre, démocratique, même si avec le temps la naïveté s’estompe. Il est difficile de retourner les outils numériques en leur contraire. Dans la société capitaliste, ils servent aux flicages et accompagnent les politiques austéritaires et la réduction du nombre de fonctionnaires. Par ailleurs, la numérisation de la société est une aubaine pour les investisseurs car elle permet l’accélération de la rotation du capital tout en sabrant dans les postes inutiles et ils sont de plus en plus nombreux à être sur la sellette. Avec la numérisation et l’automatisation du processus de production et de la société dans son ensemble, on a le fantasme de la marchandise en un clic et du profit en quelques clics. On peut rêver de devenir millionnaire sans dépendre trop des autres. Ce n’est qu’un rêve.
L’algorithme, qui semble être le nouveau régime d’accumulation, structure les rapports humains. Quand on parle de régime algorithmique comme régime d’accumulation actuel on renvoie à l’ubérisation de la société ou au capitalisme de plateforme qui passe outre les corps intermédiaires et souvent, le contrat de travail. Ces expressions sont relativement synonymes.
Avec d’autres, on considère que “les technologies algorithmiques sont principalement ou surtout développées en tant qu’outils d’accumulation du capital, tout en étant aussi utilisées dans une variété de sphères de la vie sociale avec des conséquences qui débordent largement cette finalité économique. Sans être réductibles à leur fonction lucrative, les données massives et les algorithmes sont appropriés, façonnés et déployés selon une logique qui répond aux impératifs du mode de production capitaliste et contribuent à modifier ce système en retour.”5
Nous vivons dans ce régime algorithmique, dans cette société, ou le capital a un temps d’avance et la démocratie un temps de retard. Plus les outils numériques censés nous rapprocher apparaissent, plus on semble s’éloigner les uns des autres ; et avec cet éloignement, l’espoir de fonder une communauté humaine transnationale pour vivre à l’aune d’un nouveau monde, débarrassé du nationalisme et du capitalisme. On est là malgré tout, après coup, sur la toile, à essayer de se défendre, de militer, avec un comportement un peu schizophrénique car à la fois on veut s’échapper de la surveillance, couper les liens, de l’autre on aspire à un web réellement communautaire qui puisse servir à la libération des êtres humains. La machine évolue, se complexifie. La dépendance aux énergies fossiles est de plus en plus marquée avec les nouvelles plateformes - comme Tik Tok ou Netflix - qui parfois font coup double : captation de notre attention et ponction sur nos salaires.
La réflexion sur le fait de récupérer ou briser la machine moderne est toujours ouverte. La machine algorithmique est à la fois l’outil magique et l’ouvrage final. Une dimension sacrée la recouvre, comme la promesse d’une accumulation jamais espérée auparavant. Des sommes énormes sont mobilisées. Trump envisage un investissement de 500 milliards de dollars dans l’intelligence artificielle. Malgré la dépossession déjà en cours, les puissances économiques répondent à l’appel pour accomplir le rituel à coup de milliards ; multiplier la puissance et la rapidité. Un monde se lève et nous exclut, il est déjà là, et c’est depuis ce monde de course sans fin, de culte et de profit, que les sommes sont mobilisées. La croyance dans la puissance est vide finalement : aller plus vite, plus loin dans le calcul, mais pour aller où ?
Courir d’abord et réfléchir après, car une innovation en chasse une autre et le fanatisme est toujours plus grand. Aujourd’hui on veut savoir si la dernière invention en date, l’intelligence artificielle, peut apporter les miracles escomptés ; mais toute question philosophique est évacuée ; le désir de puissance l’emporte. La ligne d’horizon recule sans cesse. On ne sait plus où l’on va, où il va, car ce n’est pas réellement nous. Nous n’avons pas vraiment la main ; on subit ces changements : on est exclu du processus de décision et davantage du processus de production. L’argent est investi, la course est lancée, et dans son sillage, malgré nous, le capital amène toute la société.
Or, c’est souvent aller dans le mur si on ne réfléchit pas au préalable aux fins qu’on se donne et si on ne réfléchit pas non plus au régime de propriété et au fonctionnement des nouvelles innovations ; intelligence artificielle, ou autre. Rappelons que pendant qu’on fantasme sur les innovations et sur ce qu’elles peuvent apporter, des millions de travailleurs sont pris dans la toile, soumis à la surveillance et à la notification, payés à la mission, évoluant dans un environnement de plus en plus abstrait qui vient buter sur les limites du réel. L’évolution technologique est parfois inversement proportionnelle aux avantages sociaux. Autrement dit, si l’outil de travail évolue (certains diront s’améliore), - smartphone, ordinateur, - le droit du travail quant à lui régresse ou disparaît.
Autre point, le profit augmente au même rythme qu’il sape les conditions de vie sur terre et c’est nous qui payons la facture des contradictions du système. On paie avec notre vie. L’accumulation d’un côté crée du vide de l’autre, du chômage, de la misère et de la désolation.
Cette course, c’est aussi celle qui nous mène à l’abîme : parmi les neuf paramètres de la soutenabilité de l’espèce humaine sur cette planète, (le cycle du carbone - le climat -, la biodiversité, l’eau douce, les changements d’affectation des sols, l’acidification des océans, la pollution chimique, la pollution atmosphérique aux particules, la couche d’ozone stratosphérique, et les cycles de l’azote ainsi que du phosphore) six ou sept seuils sont déjà dépassés. D’après le dernier rapport du GIEC, près de 3,5 milliards d’individus sur Terre subissent déjà gravement les impacts du changement climatique. La continuité capitaliste est donc une folie.
Enfin, relevons que la nouvelle transformation du mode de production avec l’algorithme parachève le démantèlement de tous les obstacles qui pouvaient nuire à la libre circulation du capital sur la planète. Le régime algorithmique accélère donc la phase néolibérale du capitalisme marquée par le refus de la stabilité et du compromis, et on mesure aujourd’hui la régression sociale et écologique sans précédent, due aux choix passés. Hélas la régression ne s’arrête pas là. Lorsqu’on commence à démanteler, à déréguler, on ne s’est jamais où ça finit. Avec la simplification des règles pour les investisseurs encore à l’ordre du jour, on observe que le développement du capital ne vient pas seulement buter sur le code du travail ou les limites planétaires, et ça serait déjà assez, il vient buter sur la démocratie elle-même. Comme si finalement la complexité n’était pas seulement d’ordre technique, fiscal, juridique, ou environnementale. La démocratie apparaît maintenant comme un obstacle pour les affaires. Quinn Slobodian, historien, spécialiste du néolibéralisme, professeur à l’université de Boston et auteur notamment de Le Capitalisme de l’apocalypse. Ou le rêve d’un monde sans démocratie, a travaillé sur ce sujet. Interrogeons-nous avec lui : et si la démocratie et les aléas du suffrage universel commençaient à devenir trop gênants pour les profits et le pouvoir des milliardaires ? L’auteur nous invite à nous défaire d’un préjugé qui a atteint le summum dans les années 1990 et qui est toujours vivace, ou l’on considère que capitalisme et démocratie font forcément bon ménage, et que, par conséquent, la fin de l’URSS et l’expansion de la mondialisation capitaliste allaient immanquablement renforcer les régimes démocratiques. Au journal Le Monde, il précise : “Il faut oublier cette idée reçue selon laquelle le capitalisme et la démocratie se renforcent mutuellement” (20/01/2025). C’est un coup dur pour ceux qui pensaient bien naïvement - ou malhonnêtement - que défendre son business, son intérêt personnel, serait forcément une bonne chose pour la liberté et la démocratie dans le monde. Pour une poignée de capitalistes, les milliards sont là, et l’Etat a contribué à l’accomplissement de leur intérêt égoïste, mais depuis l’autre rive, on attend toujours les effets positifs en ricochet pour la liberté et la démocratie.
Ce qui est démontré par le professeur se vérifie souvent : moins il y a de démocratie, et notamment de démocratie sociale, et plus les investisseurs sont intéressés pour faire des affaires. En cela, la Chine reste un bon élève. En 2020, l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), une ONG australienne, avait montré les liens entre le monde concentrationnaire et le milieu industriel, toutes entreprises confondues (textile, électronique, etc). Dans les dernières années 83 grandes marques, (de Sony à Nike en passant par Adidas, Lacoste, Apple, Microsoft, Samsung, H&M, ou encore BMW, Jaguar, Mercedes-Benz, etc) n’ont eu aucun scrupule à utiliser le travail de 80 000 ouïghours emprisonnés dans 27 usines entre 2017 et 2019. L’esclavage moderne continue. Une main d’œuvre soumise, enfermée dans des camps de concentrations, ça ne pose aucun problème aux investisseurs.
Quinn Slobodian insère une citation dans son livre qui résume bien son propos : « Le capitalisme est bien plus important que la démocratie. Je ne suis moi-même pas un fervent adepte de la démocratie. » L’auteur de cette phrase est Stephen Moore, conseiller économique de Donald Trump lors de son premier mandat. Voilà le mantra. Il est avoué aujourd’hui mais il n’est pas si nouveau.
Pour le business des plus riches on a dû vendre des acquis sociaux, remettre en cause des réglementations environnementales ou fiscales qui pouvaient freiner le commerce, doit-on maintenant vendre intégralement la démocratie et ce qu’il reste de contre-pouvoir pour que leurs vœux soient exaucés ? Voilà où mène le fanatisme de la Croissance et de la Compétitivité. Il est temps de mettre un coup d’arrêt à la sacralisation des affaires et de la propriété privée. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ne peut pas être déchirée sous prétexte que ça nous coûterait un point de croissance de la conserver. Nos vies et la démocratie valent plus que les profits. Malgré les milliards en face, notre parole doit compter, l’habitabilité de la planète et le droit à l’existence doivent passer d’abord ; avant toute considération pécuniaire.
En définitive, la réflexion de l’auteur nous encourage à nous interroger sur la démocratie et à politiser son contenu et sa défense. La lutte anticapitaliste, en cela, est à la fois une lutte écologiste, une lutte pour l’humanité et le droit à l’existence, mais également, une lutte pour la défense et l’extension de la démocratie. Ce n’est pas seulement qu’elle disparaît à la porte de l’entreprise ; il en est ainsi depuis l’apparition de la propriété privée, c’est qu’elle disparaît sur des milliers de territoires. Quinn Slobodian explique qu’il existe une constellation de près de 5 400 « zones », des petits territoires assez différents les uns des autres (paradis fiscaux, ports francs, zones économiques spéciales, villes à charte, gated communities, duty free, plateformes pétrolières, etc.), dont le point commun est d’offrir un refuge au capital et de réduire la démocratie à son plus simple appareil, voire à tout simplement l’abolir.
Au Vénézuela, pour ne prendre que cet exemple, on a bien une symétrie entre la fin de la démocratie et la multiplication des zones économiques spéciales à partir de 2014 ou la constitution bolivarienne n’est plus du tout opérante.
Analyser et comprendre cette nouvelle phase du capitalisme est important. Attaqué sur tous les fronts, il faut défendre les conquis féministes sociaux pour défendre la démocratie, défendre les droits et l’habitabilité de la planète pour ne pas se faire écraser par le capital qui revendique notre asservissement et une souveraineté sans limite, en dépit des limites planétaires et des règles qu’on pourrait lui imposer.
Résister à l’aliénation : le cerveau, le dernier bastion
L’organisation algorithmique de la société touche à des choses matérielles sur l’organisation du travail et aussi à des choses immatérielles comme l’hégémonie culturelle et le contrôle des postulats. Comment on s’envisage et comment on se raconte.
Le point de convergence pour résister aux effets multiples de ce régime est la lutte anticapitaliste qui passe également par une lutte intellectuelle et culturelle collective pour dégager de l’espace, penser ensemble et affiner notre compréhension du réel. On a besoin de s’écouter, de s’éduquer, d’apprendre les uns des autres pour bâtir par le dialogue et la réflexion notre propre réalité. Ce qui est vécu par notre corps n’est pas forcément représenté. La réalité médiatique dominante est souvent le reflet de la lecture du monde telle qu’elle est faite par la classe dominante. On représente mal ce qui est vécu par des milliards de personnes. Nos vies et nos pensées sont sous emprise. L’emprise touche à comment on regarde, comment on parle, comment on pense, comment on rêve.
Après l’écrasement des populations et du vivant, c’est la mémoire qu’on cherche à détruire par une réécriture perpétuelle de l’histoire pour empêcher toute fuite intellectuelle dans un passé révolutionnaire ou précapitaliste qui pourrait éclairer sous un nouveau jour, ou fissurer, l’ordre existant. Dans son livre Erasing History, Jason Stanley, professeur de philosophie à l’université de Yale évoque le processus idéologique, la réécriture du passé pour mieux contrôler le futur. Cette réécriture on peut la comprendre comme une stratégie politique : la dernière bataille. Le cerveau est le territoire à conquérir car la pensée critique peut être le dernier bastion de la résistance. Alors ou le néolibéralisme a eu raison du compromis social de l’après-guerre entre le Capital et le Travail, il veut parachever sa victoire économique par une victoire idéologique en revisitant le passé pour effacer toute trace de fierté et d’inspiration dans celui-ci. Faire comme si la lutte internationale des travailleurs n’avait jamais eu lieu. Faire comme si la liberté du millionnaire serait la liberté de tous, comme s’il n’y avait pas eu de violence impérialiste, colonialiste, et laisser croire enfin que tout se vaut, que la violence des opprimés serait identique à la violence des oppresseurs. Pourtant, il n’y a pas d’équivalence malgré la symétrie des mots. Le black power pour ne prendre que cet exemple se battait pour l’émancipation, la fin de la violence raciste, quand le white power veut contrecarrer la résistance des africains américains pour qu’ils restent à leur place. La brutalité de la réaction témoigne d’une peur pas encore évacuée. Conscient de l’instabilité du système, la révolution est le cauchemar de la classe dirigeante. Tandis qu’il y a un recul révolutionnaire par rapport aux décennies précédentes, la guerre est déclarée contre les mouvements d’émancipation et pour une prise d’assaut de nos cerveaux et de nos regards. Cette guerre s’illustre sur l’espace médiatique et numérique.
Lieu d’accumulation et de consumérisme sans retenue, les plateformes servent également de canaux idéologiques pour la bourgeoisie conservatrice qui en plus de ses privilèges veut jouir d’un contrôle idéologique sur la population. C’est pour cette raison que, effrayés par la liberté, des millionnaires financent des réseaux comme le réseau Atlas afin d’éviter que les barricades ne se montent dans les têtes avant de se monter dans la rue. L’Atlas Network est une alliance de puissants think tanks diffusant des idées néolibérales, climatosceptiques et d’extrême droite. Fondé en 1981, le réseau Atlas veut cadrer le débat en recouvrant le monde de think tanks équivalents. En 2023, elle coordonne 589 laboratoires d’idées dans 103 pays, grâce à un budget de 28 millions de dollars, essentiellement issus de dons d’entreprises et de milliardaires. Parmi ses membres les plus influents figurent des associations comme le Cato Institute, financé par la famille Koch, des magnats pétroliers, ainsi que la Heritage Foundation, connue pour son rôle dans le projet 2025, au cœur des politiques de Trump malgré ses dénégations publiques. L’artillerie lourde est déployée pour que leur argumentation soit reprise.
L’objectif, partout dans le monde, est de "changer le climat des idées", légitimer le business et s’attaquer à des causes comme l’action climatique, la promotion des droits des femmes et des minorités, la justice fiscale ou encore les services publics. Asséné des milliers de fois, la propagande des millionnaires peut finir par rentrer : on peut devenir, sans s’en rendre compte, porte-parole du business, comme la chose la plus naturelle et la plus bénéfique qui soit alors qu’on ne dispose d’aucun capital. On peut finir par minimiser la situation écologique sur la planète alors que des milliards de personnes sont concernés par le réchauffement climatique. Dans une conférence, André Noël, journaliste québécois, a mis en lumière les influences du réseau Atlas au Canada et au Québec.6
Selon lui, il est important de rester vigilant dans les années à venir face à la multiplication des interventions de prétendus « experts » dans les médias ou lors de consultations, car ces gens interviennent sur des enjeux publics majeurs tels que l’énergie, l’éducation, la santé, le climat, l’environnement et les impôts, tout en dissimulant leurs affiliations. Ce qui est dit par le journaliste est valable au Canada, en France, comme ailleurs. La diffusion est d’autant plus importante qu’avec les outils actuels, comme l’intelligence artificielle, la multiplication automatique de faux comptes et de fausses informations est possible. Cela se fait grâce à l’IA générative, ce qui donne une dimension exponentielle à la guerre culturelle. Mensonges, préjugés, guerre contre les idées et les personnes : tous les coups sont permis pour empêcher la pensée critique et l’émancipation.
Nos vies et nos cerveaux sont pris d’assaut, ce qui tend temporairement à détourner les colères et à stabiliser un système de plus en plus tiraillé par ses contradictions.
On a là un croisement clair entre l’efficacité capitalistique et le contrôle idéologique de la population. Le régime algorithmique joint les deux. Il est à la fois un mode de gouvernance qui assure un maillage de propagande et un outil qui accélère la production de profit. Dans la toile, dans la société, notre vision s’amenuise tandis que les endroits ou regarder s’amplifient. Le regard est figé, capturé par les images, c’est pourquoi l’on doit changer de regard.
Changer de regard
Alors que le capitalisme nous fait passer respectivement pour un problème démographique, migratoire, un coût, sachons nous envisager plutôt que de nous craindre en résistant à cette lecture comptable et anti-humaniste. Contrairement à ce qui peut être véhiculé par le réseau Atlas ou autre laboratoire d’idées de la bourgeoisie, l’humanité n’est pas un problème et le déplacement libre des populations sur la planète n’est pas un problème non plus. En revanche, la réduction de l’humanité à une main d’œuvre seulement née pour être de la chair à patron est un vrai drame car on passe du statut de sujet à objet. Nous ne sommes, dans ces discours, dans ce monde, rien de plus que des pièces interchangeables pour la machine capitaliste. Ce traitement de l’autre comme une chose réduit notre humanité et crée une sorte d’équivalence entre la matière brute et l’humanité. Ce processus de chosification qu’on appelle aussi réification impact le regard sur soi et sur les autres ; il coupe les liens sociaux et les liens historiques qui nous ont fait et qui nous font.
La question des postulats est essentielle. Si l’homme égoïste et maximisateur est une invention sur laquelle le libéralisme repose - un choix bien pratique - nous avons aujourd’hui des postulats assez anti-humaniste qui commencent à gagner les esprits et qui renforcent l’idéologie sécuritaire et concentrationnaire. Lorsqu’on ne regarde pas le monde depuis la compassion, lorsqu’on dévalorise la réflexion et l’histoire, alors on juge depuis des catégories anti-historique, anti-matérialiste, souvent avec des critères qui tournent autour du bien et du mal. La condamnation chasse la réflexion. On confond excuser un évènement et le comprendre. Et il serait assez indécent de dire que Hannah Arendt ou Enzo Traverso, pour ne prendre que ces deux exemples, ont excusé le nazisme parce qu’ils ont essayé de le comprendre en allant au-delà des jugements moraux définitifs. Aujourd’hui encore, il ne s’agit pas d’excuser mais de comprendre les phénomènes sociaux. Lorsqu’on refuse de se voir comme des êtres humains et de comprendre l’enlacement des situations et des parcours de vie, alors on décharge la responsabilité entière sur l’individu, laissant de côté des facteurs déterminants comme les contrôles policiers, la pluralité des discriminations, les oppressions, l’exploitation. Selon les calculs du sociologue de l’université Harvard Bruce Western, pour les hommes noirs sans diplôme, la probabilité d’être incarcéré au cours de leur existence a été évaluée à 60 %. Ce taux va jusqu’à 70 % pour les cohortes nées entre 1975 et 1979.
Pour celles-ci, la prison représente à peu près la même chose que le service militaire pour les cohortes arrivées à l’âge adulte au début des années 1940 : un passage obligé du parcours de vie. La prison sert de punition parfois définitive pour les personnes et laisse un faux semblant de justice alors que la révolution c’est tout l’inverse. Ce n’est pas enfermé, c’est libéré. Pas même enfermé les exploiteurs - même si parfois ça peut être nécessaire - mais c’est se libérer de l’exploitation. Le choix de la surveillance et de la punition gagne du terrain et donc l’espoir de la révolution recule pour le moment. Malgré la violence sans précédent du système carcéral, les politiciens adeptes de cette idéologie ont une popularité assez grande, comme c’est le cas pour Bukele, dirigeant du Salvador. Ce qui est assez inquiétant. Aujourd’hui, avec 1764 détenus pour 100 000 habitants, le Salvador connaît le plus fort taux de détention au monde. Un salvadorien sur 57 est derrière les barreaux ! Plutôt que de faire la guerre à la misère, à l’exploitation et à la corruption, Bukele fait la guerre à la population.
Dans un rapport, Amnesty International précise : “Plus de 73 000 placements en détention ont été dénombrés entre le 27 mars 2022, début de l’état d’urgence, et la fin de l’année 2023. La plupart des personnes détenues étaient accusées d’« association illicite », une infraction liée aux activités des bandes armées et à l’appartenance à celles-ci. Dans la majorité des cas, les détentions relevant de l’état d’urgence étaient arbitraires dans la mesure où les garanties de procédure régulières n’étaient pas respectées. Souvent, les incarcérations n’étaient pas clairement justifiées par une décision de justice, les détentions administratives étaient prolongées, les autorités n’informaient pas la famille du lieu précis où leur proche était enfermé ou l’identité des juges saisis des affaires était maintenue secrète. L’état d’urgence pesait particulièrement sur les populations les plus pauvres et marginalisées, rendant leur situation encore plus précaire.”7
Malgré les réserves, les critiques émises par Amnesty International et d’autres, toutes les droites sud-américaines citent Bukele en exemple en matière de délinquance. Cadenassé les contre-pouvoirs, instaurer un état d’urgence permanent, menacer les journalistes, criminaliser les opposants, cela plaît énormément aux milliardaires réactionnaires comme Elon Musk, qui se félicite de sa politique carcérale. Il la considère comme “la voie à suivre”.
Cependant, c’est tirer à côté de la cible. Tant qu’il y aura de la misère et des impérialismes, la criminalisation et les extorsions continueront car elles sont le résultat des inégalités et pour cette région, des ingérences américaines. Au Salvador, la mafia ne vient pas de nulle part et si l’on n’interroge pas le contexte et les conditions de sa création - pour les Maras - on ne se donne pas la possibilité de la combattre vraiment. L’impérialisme américain a déstabilisé des régions entières en soutenant des régimes militaires ; dans un contexte de guerre froide, ça semblait légitime, et c’était la garantie de faire des affaires et d’empêcher une avancée de la révolution. Le risque d’un meilleur partage des richesses et d’une réforme agraire était écarté.
Le Salvador va alors tomber dans la guerre civile sous prétexte de lutter contre des factions marxistes (FMLN), provoquant ainsi l’exil d’une part importante de la population tant le conflit s’avère meurtrier. Selon les rapports rendus par la commission de vérité de l’ONU, les escadrons de la mort pro-gouvernementaux et la police et l’armée salvadorienne seraient responsables de 85 % des actes de violences perpétrés durant la guerre civile. Les Etats-Unis ont soutenu l’Etat sur le plan militaire, financier et diplomatique pour empêcher toute avancée sociale et démocratique. Comme on le sait, c’est loin d’être un cas isolé. La peur de la révolution, et ce dans bien des pays, à déclencher une tornade de violence avec le soutien direct ou indirect des Etats-Unis, privant la population d’exercer ses droits démocratiques (comme au Guatemala en 1954 ou au Chili en 1973, pour ne prendre que ces deux exemples) ; brisant les reins des organisations sociales, communautaires ou révolutionnaire. Le résultat sera un exil massif, parmi eux, bon nombre de jeunes salvadoriens et une partie d’entre eux va se former à la dure réalité des Etats-Unis et à la criminalité.
“À leur arrivée les conditions de vie s’avérèrent précaires : marginalisés, menacés, résidant illégalement sur le territoire américain et disposant de peu de ressources, une partie de la communauté décide alors de se regrouper entre amis, entre maras.“8
Quelques années plus tard, les immigrés salvadoriens ayant fui la guerre ont pu rentrer au pays en emportant avec eux la criminalité apprise aux États-Unis. Sous-couvert de lutter contre les Maras, l’État salvadorien s’attaque encore à la population avec la répression et la prison. Cette guerre antigang sert de caution à la guerre réelle contre la société civile ; guerre faite contre les pauvres et ceux et celles qui s’engagent pour un changement révolutionnaire. En juillet 2024, Cristosal, organisation salvadorienne de défense des droits humains, a publié un rapport faisant état de 79211 prisonniers et 265 décès en détention depuis l’instauration de l’état d’urgence, en mars 2022. L’ONG Socorro dit défendre 1500 détenus qui ne font pas partie des maras mais ont été arrêtés sur ce motif. Les disparitions sont aussi nombreuses.
Née au Etats-Unis, l’idéologie pénitentiaire fait, comme on le voit, au Salvador comme ailleurs, des émules partout sur la planète. Cette idéologie accompagne le règne du Capital. L’augmentation des lieux d’enfermements a été étudiée par le sociologue Loïc Wacquant dans son livre de référence Les prisons de la misère. Il invite à prendre la mesure du tournant qui s’opère avec la création de nouvelles prisons (comme en Californie). Ces créations nouvelles signent le passage d’un régime à un autre. La multiplication des prisons n’est ni un hasard ni un choix isolé, ça correspond au passage du Welfare state au Workfare state.
En français Loïc Wacquant parle du passage de l’État-providence à l’État-pénitence. Son analyse permet de changer notre regard. Si dans le premier régime le droit à l’existence est théoriquement garanti, car on accepte que tout le monde ait le droit à l’intégration, à l’inclusion, à la vie décente, dans le second schéma le postulat est totalement différent. Le droit à la vie au sens large, à la santé, aux aides sociales, etc, est conditionné à notre comportement. Rien n’est garanti. La vie n’est pas donnée. Les bons méritent une aide, toujours dosée, revue, conditionnée, quand les “mauvais”, ceux qui subissent une exclusion, sont considérés comme responsables de leur situation.9
On considère dans cette seconde lecture que la punition est le meilleur moyen pour gouverner la population et pour l’inciter au travail. Pas besoin d’améliorer le salaire et les conditions de travail - ce qui peut nuire à la compétitivité - ; il faut punir. Rendre les chômeurs responsables de la misère subie. La responsabilisation individuelle (et la déresponsabilisation étatique et patronale) est une méthode nouvelle qui vise à gérer par la force la misère et les instabilités que les inégalités produisent. La multiplication des prisons et de l’incarcération va donc de paire avec ce nouveau regard et ce nouveau régime.
En Europe, la défense des institutions policières et pénitentiaires pour juguler les désordres engendrés par le chômage de masse sera défendu puis mis en place par Tony Blair avant de se généraliser dans plusieurs pays européens. “Depuis l’arrivée au pouvoir des néo-travaillistes, la population pénitentiaire de l’Angleterre a cru au rythme de mille personnes - soit dix fois plus vite que sous Margaret Thatcher - pour atteindre le chiffre record de 66 800 détenus au printemps 1998 et, dès l’installation du gouvernement Blair, le budget des prisons a été augmenté de 110 millions de livres alors que les dépenses sociales stagnaient.”10 Au Pays-Bas, les effectifs carcéraux ont triplé en quinze ans. En France, le nouveau record est tout récent : au 1er juillet 2024, le nombre de détenus incarcérés dans les prisons françaises a atteint 78 509. À cette date, le nombre de places opérationnelles dans les établissements pénitentiaires de l’Hexagone était de 61 869, et leur taux d’occupation était de 127 %.11
Il faut prendre la mesure de cette situation. Le développement de l’extrême droite dans le monde n’est pas seulement une rupture mais sur bien des points, hélas, une continuité et une accélération dans un monde de plus en plus capitaliste et aussi, de plus en plus carcéral. La gestion sociale-libérale des années précédentes dans bien des pays, tant dans sa relation avec l’immigration que son rapport au capitalisme, a pavé la voie à une extrême droite qui assume elle aussi son amour du profit, des millionnaires et de l’incarcération de masse. Elle est à l’aise avec la nouvelle configuration qui suppose des assouplissements pour le Capital, plus de dérégulation pour le marché du travail, et de l’autre, un appareil pénal fort et une surveillance généralisée de la population perçue comme une menace. Si on a raison de s’inquiéter de l’incarcération et de la déportation de masse des étrangers aux Etats-Unis,12 on ne doit pas oublier que ceux et celles de chez nous ne sont pas toujours mieux traités. Par ailleurs, dans de nombreux pays, en Allemagne comme en France par exemple, l’heure est à la surenchère du côté de l’extrême droite. Au niveau des institutions, on continue de dire que l’immigration et les immigrés, ou descendants d’immigrés, sont au mieux un problème, au pire une menace. Cette suspicion laisse croire que la frontière nationale a du sens et peut potentiellement nous protéger. Comme-ci le crime, le viol, la fraude, l’émeute, viendraient forcément de l’autre côté de la frontière et seraient corrélés à une culture et au flux des entrées. Il n’y a rien de plus faux et rien de plus raciste.
Après la propagande, les calomnies, la mise à mort avec les mots, viennent les descentes de police. A boire les mensonges de Trump on oublie que ce qu’il dit et met en place a des conséquences ultra-violentes pour les gens. Le show est terminé. La déportation des brésiliens aux Etats-Unis témoigne de la violence de l’acte. Les déportés ont été soumis à la brutalité policière et c’est traité en tant que criminel qu’ils ont été conduits dans l’avion. Après des années à criminaliser les étrangers dans le discours, on ne voit que des numéros, ou un mal nécessaire dans ce qu’il se passe aujourd’hui. Pourtant la déshumanisation et le traitement dégradant n’ont aucun sens. Ce ne sont ni des numéros ni des criminels : ce sont des êtres humains et la décision de la déportation est irresponsable de tout point de vue.
En France, en 2023, selon plusieurs associations plus de 45 000 personnes ont été enfermées dans des centres de rétentions. Le nombre de personnes incarcérées est forcément beaucoup plus important car le chiffre des personnes passées par les locaux de rétention administrative n’est pas communiqué par l’administration. Toujours illégitime, car contraire aux Droits Humains qui assurent la liberté de circulation et d’installation, l’enfermement et les expulsions sont souvent illégales. Ce qu’on observe dans les dernières années c’est que l’incarcération devient une fin en soi. Au lieu d’être expulsés beaucoup seront libérés puis incarcérés de nouveau.
C’est une mesure punitive et dissuasive. Il s’agit de leur faire la vie dure pour leur faire payer le prix de leur venue ici. Parce que l’Etat refuse de régulariser, l’incarcération devient une menace de tous les jours. L’Etat préfère punir, humilier, soumettre, que de tout simplement régulariser et laisser les personnes vivre en toute légalité et donc avec beaucoup plus de sécurité. Par ailleurs, lorsqu’il y a expulsion, dans de nombreux cas, elle a lieu alors que le juge administratif n’a pas encore rendu sa décision, la demande d’asile est encore en cours, ou la Cour européenne des droits de l’homme a déjà suspendu l’expulsion. L’Etat passe outre la vie des personnes sans papiers mais aussi outre la justice. C’est notamment ce qui est pointé dans le rapport 2023, centres et locaux de rétentions administratives, auquel La Cimade a participé :
“Plus d’une personne sur deux a été libérée par un juge en 2023 ; ce chiffre illustre l’ampleur du non-respect par l’administration des garanties procédurales, des placements injustifiés et des mesures d’éloignement illégales, qui se mesurent au nombre de personnes libérées par les juges dans l’hexagone. Près de 93 % d’entre elles l’ont été par les juges judiciaires sanctionnant des vices de procédures, des défauts de diligence ou des manquements à la prise en compte de la vulnérabilité des personnes. En outre-mer, le régime dérogatoire applicable, qui prévoit l’absence de recours suspensif de l’éloignement et qui permet des procédures expéditives, cause de multiples et graves atteintes aux droits des personnes. Près de 30 000 personnes ont été enfermées cette année dans les CRA ultramarins, soit une augmentation de près de 9 % par rapport à l’année précédente.”
Alors que la France a déjà renvoyé des étrangers malgré la menace de mort qui pèse sur eux ou les risques pour leur sécurité, avec des expulsions vers l’Afghanistan, le Soudan, et plus récemment une expulsion de kurdes vers la Turquie, on imagine que ça ne va poser aucun problème à Trump qui veut “nettoyer” d’abord et réfléchir après. Il va plus loin, c’est sûr, mais en suivant une logique déjà installée et déjà à l’œuvre, sous une autre dimension, dans la majorité des pays riches.
Dans cette histoire, le racisme se joint aux affaires. La prison fait tout à la fois, elle gère la misère, évite l’émeute et punit ceux et celles qui réclament des droits et des papiers. Dans le même temps, l’enfermement massif est la promesse pour les entreprises spécialisées dans l’enfermement des sans-papiers d’accroitre davantage leur marge. L’enfermement est source de profit. Si c’est une tragédie pour des milliers de personnes sans papiers qui travaillent aux Etats-Unis, c’est une aubaine pour les groupes privés comme GEO qui font de la rétention d’immigré leur fond de commerce. En 2016 déjà, boosté par Trump et ses promesses de plus d’enfermement, le cours boursier des entreprises du secteur a bondi. Plus récemment, encore une fois, l’entreprise GEO cotée à New York a vu son cours bondir de 42% après les résultats de l’élection américaine. “CoreCivic et l’entreprise de prisons privées GEO Group, qui soutiennent depuis longtemps Trump, ont vu le cours de leurs actions grimper immédiatement après la victoire de Trump aux élections de novembre” écrivait ABC News.13
Selon ce journal, “l’entreprise de prisons privées CoreCivic a indiqué dans une déclaration de lobbying qu’elle avait fait don de 500 000 dollars au comité d’investiture Trump-Vance en décembre, soulignant la relation étroite entre le président Donald Trump et le secteur des prisons privées.” Tout récemment, le président américain Donald Trump a ordonné la construction d’un centre de détention de migrants à Guantanamo, qui, selon lui, pourrait accueillir jusqu’à 30 000 personnes. Comme le révélait la BBC, Guantanamo dispose déjà d’une petite installation séparée, utilisée depuis des décennies pour détenir des migrants. “Connu sous le nom de Guantanamo Migrant Operations Center (GMOC), il a été utilisé par plusieurs administrations, tant républicaines que démocrates.”14
Le contrôle et le business fonctionnent ensemble. Ce n’est pas pour rien que l’association américaine pour les libertés civiles (ACLU) indiquait en 2011 que la recherche du profit à travers la prison était une des principales causes de l’inflation carcérale.
Passer à l’insurrection : écosocialisme ou barbarie ?
Les histoires semblent éloignées mais c’est le même monde : répression, prison, contrôle social, exploitation, aliénation, ubérisation de l’exploitation et numérisation des fakes news. C’est le même monde qui cogne, c’est pourquoi on doit se reconnaître dans nos parcours de vie ; victime du culte du profit, de l’incarcération, des expulsions. Ces éléments fonctionnent ensemble. La politique carcérale accompagne la privatisation du monde et l’expansion de la sphère marchande sur nos vies et la planète. En 1915, Rosa Luxemburg écrivit en prison une brochure tirant les premières leçons de l’effondrement de la social-démocratie. Le titre, “Socialisme ou Barbarie”, résonne encore aujourd’hui : “Le prolétariat doit jeter résolument dans la balance le glaive de son combat révolutionnaire : l’avenir de la civilisation et de l’humanité en dépendent. Au cours de cette guerre, l’impérialisme a remporté la victoire. En faisant peser de tout son poids le glaive sanglant de l’assassinat des peuples, il a fait pencher la balance du côté de l’abime, de la désolation et de la honte. Tout ce fardeau de honte et de désolation ne sera contrebalancé que si, au milieu de la guerre, nous savons retirer de la guerre la leçon qu’elle contient, si le prolétariat parvient à se ressaisir et s’il cesse de jouer le rôle d’un esclave manipulé par les classes dirigeantes pour devenir le maître de son propre destin.” Si la force numérique du prolétariat est beaucoup plus grande aujourd’hui, la conscience de classe en revanche semble beaucoup plus faible alors que la guerre continue et qu’elle appelle encore à un sursaut collectif de notre part pour y mettre fin. La guerre est là, contre les peuples, contre la biodiversité, contre les travailleurs. Les moyens de s’auto-détruire sont beaucoup plus puissants qu’à l’époque ou Rosa Luxemburg écrivit cette brochure.
Si les incarcérations actuelles utilisent des technologies modernes, elles n’en sont pas moins inquiétantes, tout au contraire. La barbarie s’est modernisée. Les innovations sont mises au service de la déshumanisation des personnes, du mensonge, de leur contrôle et de leur enfermement. Pour ne pas revivre le cauchemar du fascisme, il faut reprendre les dynamiques révolutionnaires ouvertes hier, restées inabouties, irrégulières, puis dérobées dans le passé sous le poids de la guerre et du fascisme. Eclairons nos vies et nos doutes avec les pensées révolutionnaires égrenées au fil de l’histoire qui sont devenues actions, mouvement, et qui comme des éclairs ont brisé pour quelques instant la continuité mortifère. Plaçons-nous sur le temps long ; il ne s’agit pas seulement de survivre dans le présent mais de porter le combat au nom des générations vaincues et pour les générations futures. Se soulever ou périr : l’écosocialisme ou la barbarie.
Le soulèvement depuis cette réalité, des étrangers qu’on enferme et qu’on maltraite. Se soulever face à l’exploitation capitaliste, face aux guerres financées par de nombreux pays impérialistes à commencer par les Etats-Unis. Se soulever est une nécessité si on veut conserver une planète habitable, ici et maintenant et pour demain. La victoire d’un impérialisme néofasciste aux Etats-Unis est une nouvelle catastrophique car s’il y a un pays qui doit contrebalancer les désastres mondiaux qu’il a produit, c’est bien les Etats-Unis, tant ils sont grands. Le pays a une responsabilité historique dans le réchauffement climatique. Le projet 2025 de Trump c’est d’accélérer l’écocide. Sauf s’il parvient à être bloqué, les conséquences risquent d’être funestes pour des millions de personnes. On sait que l’exposition à la pollution de l’air extérieur est à l’origine de près de 10 millions de décès par an dû à des maladies cardiaques ou respiratoires. Continuer dans cette voie, combustion, pollution, accumulation, c’est tout bonnement criminel. Arrêter de brûler les énergies fossiles serait une mesure urgente non seulement pour réduire le réchauffement climatique, mais aussi pour améliorer la qualité de l’air, ici et maintenant, pour épargner des millions de vies soumises à la maladie et à la mort. Arrêter la combustion démesurée aurait des effets bénéfiques quasi immédiats sur la qualité de l’air : “Rien qu’aux Etats-Unis, la réduction des émissions mondiales au cours des cinquante prochaines années pour atteindre l’objectif de l’accord de Paris de maintenir les émissions en dessous de 2°C pourrait éviter environ 4.5 millions de décès prématurés, 1.4 million d’hospitalisation et de passage aux urgences, et 1.7 million de cas de démence. Si seuls les Etats-Unis réduisaient leurs émissions conformément à l’accord de Paris, 60 à 65% de ces avantages se concrétiseraient tout de même.”15
Au regard de la situation sociale et écologique mondiale, on ne peut que confirmer la pertinence de la voie révolutionnaire. Il est temps de sortir de la tiédeur et du renoncement. Le choix qui s’offre à nous est assez restreint : ou bien l’on change radicalement de mode de production et de consommation, et plus largement de société, soit on accélère dans un monde dystopique et invivable. Le choix le plus conséquent serait donc de ne plus accompagner le Capital qui nous mène à la chute ; de ne plus se soumettre à ses règles du jeu, mais de défendre un projet de rupture face à l’ordre du monde en mettant la priorité sur la redistribution avant toute fuite en avant productiviste (autrement dit, avant toute recherche de croissance). Seule une insurrection internationaliste est à même de mettre un coup d’arrêt à la destruction du monde, ce qui suppose l’expropriation de nombreuses entreprises et plus largement, de la bourgeoisie. On a les noms, on a les adresses. Vingt multinationales sont responsables d’un tiers des émissions de CO2 et elles s’en lavent les mains en mettant la responsabilité sur le compte de “la demande”. Ce qui n’est ni précis ni sérieux. Les quatre premières au classement sont Saudi Aramco, Chevron, Gazprom, et ExxonMobil. Sans expropriation, sans mise en commun, sans socialisation des entreprises bancaires et énergétiques notamment, il sera impossible de mettre en place une bifurcation écosocialiste. Il faut remettre en cause le sacro-saint droit de propriété privé et installer de la démocratie partout. La socialisation, c’est-à-dire, la mise sous contrôle des salariés et de la population des secteurs stratégiques pour l’économie et la planète peut permettre de passer d’une logique à une autre ; celle d’une production illimité sans autre finalité que le profit, toujours recommencé, à l’autre logique, anticapitaliste, qui refuse cet emballement productiviste de l’accumulation pour l’accumulation et lui substitue une planification démocratique écosocialiste basée sur les besoins de la population, démocratiquement établis.
Bien que ce ne soit pas une mince affaire, c’est la seule voie sérieuse si on veut garantir les besoins de base à chaque être humain, maintenir une planète habitable et créer une harmonie des êtres humains entre eux et avec la nature. C’est seulement en expropriant la bourgeoisie du levier de commande qu’il peut être possible de respirer en appliquant un programme d’urgence écologique et social qui peut inclure les 8 R de la décroissance : redistribuer, réduire, réévaluer, reconceptualiser, restructurer, relocaliser, réutiliser, recycler.
Le capitalisme fossile a ouvert de nombreuses boucles de rétroactions négatives c’est pourquoi il faut rompre avec lui. L’une d’elle fait réfléchir. Des chercheurs nous ont appris récemment comment l’augmentation de la température peut avoir un effet sur la violence dans la société. “Pendant des décennies, des chercheurs en psychologie ont démontré à travers des expériences de laboratoire que lorsqu’on monte la température de la pièce où ils se trouvent, les gens sont plus irritables et peuvent être poussés à des comportements plus agressifs. Cette réponse physiologique est également évidente dans la vraie vie : des études réalisées dans divers pays du monde ont mis en évidence l’influence de la chaleur sur l’agressivité au volant, la violence dans les sports professionnels, et l’incidence accrue des crimes violents - des violences domestiques aux meurtres, en passant par les voies de fait graves. Il est également avéré que des températures plus élevées et des variations extrêmes de précipitations accroissent la probabilité de conflits de groupes, qu’il s’agisse de violence de gangs, d’émeute populaire ou de guerre civile. De fait, au Mexique, la hausse des températures attise la violence des gangs ; en Afrique, la sécheresse et les fortes chaleurs enveniment les conflits civils ; et les épisodes El Niño provoquent une recrudescence des conflits civils dans le monde.”16
Malgré tout, malgré ça, tout continue : l’extraction des énergies fossiles tout comme la production débridé pour le profit. On n’a pas attendu Trump pour la fuite en avant. TotalEnergies annonçait le 24 février 2022 une "découverte significative d’huile légère et de gaz associé" dans sa concession sur le bassin offshore d’Orange, au large de la Namibie. Cette annonce fait suite à celle de Shell en janvier 2022 qui annonçait également une découverte importante sur le même champ pétrolier.17
Selon l’agence Reuters, il y aurait un potentiel d’un milliard de barils sur le forage répondant au nom de Venus-1X. “Cette découverte au large de la Namibie et les premiers résultats très prometteurs prouvent le potentiel du bassin d’Orange, sur lequel TotalEnergies occupe une position importante à la fois en Namibie et en Afrique du Sud", a déclaré Kevin McLachlan, directeur de l’exploration de TotalEnergies. On a là un exemple concret : sans ingérence publique, sans expropriation de l’entreprise par les travailleurs, Total continuera de collaborer au carnage planétaire et de tirer profit de la mise à mort de la planète et de millions d’êtres humains.
Conclusion
Avant les élections aux Etats-Unis, Daniel Tanuro, agronome et militant écosocialiste rappelait très justement la chose suivante : “Les patrons de la grande industrie allemande ont opté pour Hitler dans les années trente, pour que Hitler les débarrasse des syndicats. De même, aujourd’hui aux États-Unis, des patrons de la grande industrie fossile et des industries connexes sont prêts à mettre au pouvoir un néofasciste pour qu’il les débarrasse de toute limitation à leurs profits.”18
Avec l’alliance entre milliardaires et milieux néofascistes, le ciel s’assombrit. Le peu d’espace libre que nous ayons, un peu de démocratie, un peu de contre-pouvoir, un peu de redistribution et de sécurité sociale, on veut nous le reprendre. Il faut une stratégie et de la force pour ne pas capituler. Garder le cap. il reste une fenêtre de tir : il faut tenir la compassion, tenir la pensée critique. Ne pas se transformer en objet et ne pas disparaître avec l’Histoire. Repousser la crise de la sensibilité, laisser son cœur battre avec les autres, penser et sentir avec les autres : celles et ceux qu’on colonise, ceux et celles qu’on bombardent, ceux et celles qu’on exploite ou qui subissent les tornades, les cyclones, les incendies, car il est aujourd’hui certain que la multiplication de ces désastres est de source anthropiques, et plus précisément, le fruit de décennies dans le capitalisme fossile. Alors que la chosification du monde amène à une lecture fixiste de celui-ci, il faut défendre la pensée critique au même titre que la sensibilité pour rester connecter au genre humain et éclairer les logiques d’ensemble, en essayant de relier ce que la classe dominante s’acharne à ne pas connecter. Conserver la sensibilité, conserver la dialectique pour ne pas se faire totalement avaler par le règne de la Marchandise. Soutenir les autres, et pas seulement symboliquement, ceux et celles qui subissent l’oppression capitaliste et ces conséquences écologiques. Se penser ensemble et se soutenir mutuellement au-delà des frontières. Ne pas baisser les armes de la critique, ne pas renoncer, ne pas se laisser divertir et dépolitiser par l’industrie du spectacle et du divertissement des millionnaires. Il faut tenir, aimer toujours.
Être du côté de la science, de la réflexion et de la recherche scientifique. Nonobstant, pour la défense de la vie, de la dignité, de l’amour, ne pas avoir peur de rêver. Sortir du tableau Excel, aller contre tous les pronostics et se battre pour l’impossible. C’est seulement en se battant pour l’impossible que d’autres mondes nécessaires et possibles peuvent éclore. Comme disait Che Guevara, il faut être réaliste et exiger l’impossible. L’heure n’est pas au compromis, mais à l’organisation intime, collective, communautaire, pour prendre le ciel d’assaut. Pas d’autre voie que l’amour et la confiance ; la lutte toujours. Elle est à la fois un choix et une obligation. On est condamné à se croire et à s’aimer si on veut une salvation collective car il n’existe aucune échappatoire individuelle. Il faut faire le pari de la révolution. Faire ce pari dans nos vies. Parier sur l’amour, sur la confiance. Il faut qu’on croie en nous et en notre force collective plus fortement encore que les capitalistes croient en leur argent et à sa reproduction par leur seul talent ou par la force du saint esprit. Croire, aimer, se soulever, c’est une même vague à faire déborder dans les rues et dans les cœurs.
Maxime Motard, membre de la Cimade et militant écosocialiste
Notes
1. Frédéric Joignot, « NOUS VIVONS UNE CRISE DE SENSIBILITÉ MAJEURE. NOTRE RELATION AU VIVANT EST APPAUVRIE ET DESSÉCHÉE ». UN ESSAI ÉCLAIRANT DU PHILOSOPHE BAPTISTE MORIZOT, 1 février 2020. https://www.lemonde.fr/blog/fredericjoignot/2020/02/01/nous-vivons-une-crise-de-sensibilite-majeure-notr e-relation-au-vivant-est-appauvrie-et-dessechee-un-nouvel-opus-du-philosophe-baptiste-morizot/
2. L’essor du crédit aux Etats-Unis vise justement à atténuer la contraction de la demande. On ne peut pas comprendre l’essor du crédit aux Etats-Unis sans comprendre au préalable le déséquilibre dans la répartition de la valeur entre le Capital et le Travail qui s’est accentué avec l’institutionnalisation du néolibéralisme sous Reagan. On ne peut pas comprendre non plus l’endettement des ménages aux Etats-Unis sans évoquer le coût de l’éducation, du logement et de la santé, entre autres. Ce déséquilibre dans le partage de la valeur est un élément important dans la crise du capitalisme de 2008. Elle est liée à la financiarisation de l’économie, la “titrisation” des créances, mais aussi, comme on l’a dit, à un problème de répartition de la valeur, un temps résorbé par le crédit. En plus de la difficulté pour des millions de personnes c’est une contradiction du système qui peut se traduire par une crise systémique comme celle de 2008 dont les effets peuvent se faire sentir encore longtemps après. C’est le cas pour la Grande Bretagne par exemple. Nick Ridpath, “Why isn’t Britain getting richer anymore ?”, 29 octobre 2024. https://ifs.org.uk/articles/why-isnt-britain-getting-richer-anymore-0
3. Ce taux de rémunération fait de la France le leader mondial des dividendes pour les entreprises cotées en Bourse sur la période 2005-2015, devant l’Australie (67 %), le Royaume-Uni (60 %) et le Japon (57 %). Et très loin du Canada (52 %) ou des États-Unis (48 %). C’est deux fois plus que dans les années 2000, où « ce taux ne dépassait pas les 30 % » pour les entreprises du CAC 40. Sur ce sujet, voir le rapport de l’oxfam : https://www.oxfamfrance.org/app/uploads/2018/05/file_attachments_vfrapport_oxfam_cac40_des_profits_ sans_partage.pdf
4. Baptiste Burckel, “Bourse de Paris. Les groupes du CAC 40 ont versé un montant record à leurs actionnaires en 2024”, 14 janvier 2025. https://www.liberation.fr/economie/les-groupes-du-cac-40-ont-verse-un-montant-record-a-leurs-actionnair es-en-2024-20250114_JUVBQ2JIK5GD5EA2E3EO7QEH44/
5. Jonathan Durand Folco, Jonathan Martineau, “Vers une théorie globale du capitalisme algorithmique”, n°31, hiver 2024. https://www.cahiersdusocialisme.org/vers-une-theorie-globale-du-capitalisme-algorithmique/
6. Au Canada, ce réseau entretient des liens avec des institutions comme le Canada Strong and Free (anciennement Manning Center, proche aujourd’hui de Poilievre), le Fraser Institute et l’Institut économique de Montréal (IEDM). Pour la France, on renvoie à la vidéo d’Usul et Lumi pour Blast : INSTITUTS BIDONS, INFLUENCEURS FORMATÉS : DERRIÈRE L’EXTRÊME DROITE, LE RÉSEAU ATLAS. https://www.youtube.com/watch?v=C48PbGgqyDo&t=21s
7. Voir le rapport d’Amnesty International sur le Salvador. https://www.amnesty.fr/pays/salvador
8. Mathieu Sauvajot, “Les maras, maîtres de l’Amérique centrale ?”, 18 novembre 2019, revue Conflits (géopolitique) https://www.revueconflits.com/maras-amerique-centrale-el-salvador-trafic-de-drogue-homicides/
9. “Alors que les employés sont invités à faire preuve de leur force, les services sociaux attendent des demandeurs d’emploi qu’ils démontrent leurs faiblesses, qu’ils prouvent encore et encore qu’une maladie est suffisamment débilitante, qu’une dépression est suffisamment noire et que les chances d’être engagé sont suffisamment minces. Faute de quoi, l’aide est suspendue. Formulaires, entretiens, chèques, appels, évaluations, consultations et encore des formulaires - chaque demande d’aide a son protocole avilissant et dispendieux. “Cela piétine la vie privée et l’estime de soi à un point inconcevable pour quiconque se trouve hors du système des aides” explique une assistante sociale britannique. “Cela crée un brouillard toxique de soupçon”” Rutger Bregman, Utopies réalistes, Seuil, p. 98. Deborah Padfield, “Through the Eyes of a Benefits Adviser : A plea for a Basic Income”, opendemocracy.net, 5 octobre 2011. Sur le même sujet, on renvoie au film très émouvant de Ken Loach : “I, Daniel Blake” (2016).
10. Loïc Wacquant, Les prisons de la misère, Raison d’agir, p. 123.
11. Valentine Fourreau, “Les prisons françaises sont surpeuplées”, 8 août 2024 https://fr.statista.com/infographie/30629/surpopulation-carcerale-taux-occupation-dans-les-prisons-en-fran ce/
12. Pour une approche historique du phénomène : Ana Raquel Minian, In the Shadow of Liberty : The Invisible History of Immigrant Detention in the United States, 2024.
13. Laura Romero, Peter Charalambous, Soo Rin Kim, “Private prison firm CoreCivic gave $500K to Trump’s inauguration, highlighting industry’s support” 29 janvier 2025 : https://abcnews.go.com/US/private-prison-firm-corecivic-gave-500k-trumps-inauguration/story?id=118218 707
14. BBC, “Guantanamo Bay : Ce qu’il faut savoir sur la base où Trump envisage d’envoyer les sans-papiers”, 3 février 2025. https://www.bbc.com/afrique/articles/c78w3yd5g4no
15. Le grand livre du climat, sous la direction de Greta Thunberg, (Drew Shindell, “La pollution atmosphérique”, p. 142.), Kéro, 2022.
16. Le grand livre du climat, sous la direction de Greta Thunberg, (Marshall Burke, “Les conflits climatiques”), p.189, Kéro, 2022.
17. Jacques Deveaux, “En Namibie, le pétrole devrait bientôt couler à flots”, 28/02/2022. https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/namibie/en-namibie-le-petrole-devrait-bientot-couler-a-flots_498 1134.html
18. “Syndicalisme et crise écologique. Dialogue entre Sophie Binet et Daniel Tanuro”, Inprecor, novembre 2024. Publié également chez Contretemps : https://www.contretemps.eu/syndicalisme-crise-ecologique-dialogue-sophie-binet-tanuro/
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