La vérificatrice générale du Canada s’inquiète du contrat des avions de
chasse F-35 dont les coûts explosent, le plus gros contrat de l’histoire du pays dont le prix gonfle a vue d’oeil semble avoir grossièrement été sous estimé, et ce, de façon douteuse par nos militaires et les militaires américains.
Kevin Page, responsable de la surveillance des comptes publics pour le
gouvernement fédéral avise que le contrat ne serait pas de 16 milliards, mais de 30 milliards. Lorsqu’on sait que le contrat a été alloué sans appel d’offre, dans un environnement de contrôle administratif épuré à la multinationale américaine Locheed Martin un doute s’installe. Lorsqu’on constate au registre des lobbyiste fédéraux que la firme représentant la multinationale se nomme CFN Consultant, entreprise qui concentre dans son équipe un nombre impressionnant d’anciens sous-ministres et hauts fonctionnaires de ministères impliqués dans les acquisitions fédérales et une liste impressionnante d’anciens haut gradés de l’armée, l’inquiétude s’ accroit. Il n’y a rien de rassurant pour les contribuables.
Il circule présentement, à Ottawa, une inquiétante odeur de scandale ; toutes les conditions élémentaires semblent réunies. Ottawa pourrait cacher la surprenante vérité à cette question.
Un simple survol de la réglementation sur les conflits d’intérêt pourrait
suffire à relativiser cette perception d’un Québec corrompu, dorénavant bien établie. A quoi ressemblent les cinq dernières années anti-corruption du gouvernement Harper ? N’oublions pas que ce gouvernement a été élu suite au " scandale des commandites " impliquant une centaine de millions.
Difficile de nier la présence d’acte de corruption dans le paysage
économique et politique du Québec ces temps-ci. Les allégations et les démonstrations de situations tout aussi douteuses les unes que les autres, ainsi que les témoignages en provenance de divers acteurs se multiplient.
Nul doute, des criminels ont infiltrés la politique. Nombreux sont les analystes politiques qui concluent que, pour de multiples raisons, le Québec serait un terreau fertile pour la malhonnêteté et la fraude. Pourtant, n’importe quel observateur attentionné des mécanismes d’acquisition gouvernementaux, tant au fédéral, qu’au provincial est à même de questionner sur une telle affirmation. En fait, tout est présentement en place au fédéral pour éliminer toutes les formes de vigilance et les multiples freins qui avaient été mis en place pour éviter la corruption. Toute détection, ou dénonciation s’avère de plus en plus difficile.
Un premier élément qui sème le doute se situe au niveau des processus d’ acquisition fédéraux qui sont de plus en plus systématiquement bafoués : évitement des processus d’appels d’offre, processus d’adjudication en catimini, multiplication des activités de lobby, culture de l’ auto-réglementation, non renouvellement de l’expertise de vérification public et court-circuitage systématique des étapes administratives de vérification. Le fait que la très grande majorité des plus gros et des plus coûteux projets d’acquisition gouvernementaux passent par le gouvernement fédéral est un point de départ critique pour s’inquiéter. Seulement pour le Ministère de la défense on parle maintenant de plus de 150 milliards en acquisitions au cours des vingt prochaines années.
Nous sommes face, au fédéral, à une véritable bombe à retardement politique. La vérificatrice générale du Canada ne cesse pourtant, rapports après rapports d’expliquer les rouages qui sont mis en place par le gouvernement Harper pour contourner toute vérification.
Personne n’y porte véritablement attention ! Acquisitions fédérales vs provinciales. L’essentiel des dépenses provinciales (santé, éducation, police, services sociaux, réfection routière etc.) sont des dépenses d’opération courante pour offrir des services essentiels à la population en payant des salaires.
Généralement les grandes dépenses d’acquisition au provincial se chiffrent dans les dizaines et centaines de millions de dollars, souvent avec une contribution importante du fédéral. Au fédéral ce sont souvent des programmes de plusieurs centaines de millions, jusqu’à maintenant, des dizaines des milliards qui sont dépensés dans les acquisitions. On n’a qu’à penser aux systèmes informatiques pour gérer les allocations aux personnes (chômage et pensions), aux constructions de prisons, aux systèmes de gestion pour les opérations de contrôle frontaliers ou à la restriction des armes à feu ; et, bien entendu, aux vertigineuses dépenses militaires. Avec le programme d’infrastructures suite à la crise économique, l’espace pour la fraude et la corruption au fédéral est beaucoup plus vaste, complexe et
attrayant. Le scandale des commandites impliquant des dizaines de millions n’est qu’une toute petite illustration des dérapages possibles.
Laxisme sur les conflits d’intérêts au fédéral.
Le point de départ d’une comparaison édifiante, c’est la règlementation sur les conflits d’intérêt. Nous sommes face à une déferlante de "mises à la retraites". Un important indicateur du sérieux des politiques en matière de conflits d’intérêts est le genre de restrictions imposées aux fonctionnaires qui quittent pour une retraite. On leur interdit généralement de travailler avec un ancien fournisseur. Ainsi, en principe, nos fonctionnaires, avec notre argent, servent l’intérêt des citoyens, non pas leurs intérêts personnels en se taillant une retraite dorée en accommodant et en enrichissant d’anciens fournisseurs privés.
Compte tenu des départs massifs à la retraite des " boomers " en cours, ces réglementations sont tout ce qu’il y a de plus critique pour l’avenir des services publics et pour protéger les générations qui financeront ces services.
Au fédéral, il existe une "période de restriction" qui interdit à tout
ex-fonctionnaire, dans l’année qui suit la cessation de ses fonctions, d’
agir au bénéfice d’un ancien fournisseur. Il ne peut accepter une
nomination, accepter un emploi ou intervenir au nom de ce fournisseur, ni même transmettre des informations ; même par personne interposée. En apparence, on a l’impression d’être face à une réglementation contraignante, mais c’est loin d’être le cas.
Compte tenu de leur ampleur, surtout en ce qui concerne les contrats
militaires, les processus d’acquisition fédéraux s’échelonnent plus souvent qu’autrement sur plus d’une dizaine d’années. Un an avant se retraite, le fonctionnaire n’a qu’à transférer son dossier à un collègue de confiance, et la retraite venue, solliciter un emploi pour le fournisseur qui a obtenu le contrat. Un an de prescription est loin d’être une barrière suffisante et efficace pour éviter les conflits d’intérêt.
Mais, ce n’est pas ce qui est le plus préoccupant. Cette période de
restriction peut être réduite, et même annulée, par un "administrateur général". De multiples facteurs peuvent entraîner une exemption de la période de restriction au point de la rendre ces règles complètement inefficaces pour les très hauts fonctionnaires fédéraux:les circonstances du départ du fonctionnaire, les perspectives générales d’emploi du fonctionnaire ou de l’ex-fonctionnaire, l’importance que le gouvernement attache aux renseignements détenus par le fonctionnaire ou l’ex-fonctionnaire dans le cadre de son poste au sein de la fonction publique, l’occasion de transférer rapidement au secteur privé, à d’autres secteurs gouvernementaux ou à des secteurs non gouvernementaux, les connaissances et les compétences d’un fonctionnaire ou ex-fonctionnaire, la mesure dans laquelle le nouvel employeur pourrait tirer un avantage commercial indu ou des avantages de nature privée en embauchant un fonctionnaire ou ex-fonctionnaire et l’autorité et l’influence qu’a exercé le fonctionnaire et les dispositions prises dans d’autres cas sont autant de facteurs pouvant justifier une décision d’éliminer ou réduire la période de restriction. Avec des règles aussi peu contraignantes et ce grand nombre de facteurs justifiant qu’on ne l’applique pas, autant dire que cette période de restriction n’existe à peu près pas au fédéral. On ferme simplement les yeux sur les situations de conflits d’intérêt en établissant des règles inapplicables.
Ottawa, nouvelle Mecque des lobbyistes.
Ainsi, Ottawa, la capitale fédérale est devenue en toute légalité la Mecque des consultants, lobbyistes et opportunistes bien branchés de tout acabit. D ’ailleurs ces entreprises composées d’anciens hauts fonctionnaires et politiciens recyclés ont présentement le vent dans les voiles.
Nombreux sont les anciens mandarins du service publics qui se taillent une retraite dorée en devenant sous traitants de l’état, grassement payés à exécuter leur ancienne tâche au gouvernement, oeuvrant chez d’anciens fournisseurs pour mettre à profit les contacts clé acquis lors de leur carrière dans les dédales gouvernementaux, ou qui obtiennent des postes au sein de la haute direction des entreprises qui ont bénéficié de la privatisation de services de l’état. Leur tâche, vous devinez..... : faciliter le cheminement des dossiers de leur employeur dans les structures administratives du fédéral. Le but, profiter des très juteux contrats fédéraux, en sollicitant la collaboration d’anciens collègues qu’ils ont souvent, eux même, nommés dans des postes clé pour gérer les processus d’ acquisition.
Les ministères critiques en ce sens sont ceux qui administrent des contrats de centaines de millions et des milliards de dollars, soit ceux de la Défense Nationale et des Approvisionnements. Il est particulièrement édifiant de lire les profils et cheminement de carrière des conseillers et partenaires de ces firmes de lobby inscrites au registre fédéral des lobbyistes. Ce registre est accessible à tous sur internet. En ce qui concerne ces anciens fonctionnaires, vous constaterez qu’on est bien loin des valeurs du service public pour le meilleur intérêt des contribuables.
Bref, il est facile de prétendre éliminer la corruption des fonctionnaires
lorsque la réglementation qui pourrait en contrôler sa manifestation la plus patente n’est que poudre aux yeux, et est rendu inefficace par une litanie d ’exceptions.
Règlementation minimale au Québec.
Au Québec, cette réglementation restreignant les conflits d’intérêt est
beaucoup plus rigide et contraignante en ce qui concerne une telle période de restriction aux fonctionnaires. Bien qu’aussi laxiste en terme d’échéance imposée aux fonctionnaires, on parle aussi d’une période de restriction d’un an. La réglementation ne s’accompagne pas d’un pouvoir par des " administrateurs généraux " d’appliquer une exemption.
Bref, le fonctionnaire québécois qui voudrait travailler pour un ancien
fournisseur doit attendre un an, sans quoi, il pourrait être poursuivi pour s’être positionné en situation de conflit d’intérêt. Il serait intéressant de voir si le respect de ces réglementations a déjà été objet de vérification et si elles sont respectées. Le cadre législatif capable de restreindre les conflits d’intérêts est bien en place depuis l’époque de René Lévesque. Au moins la structure pouvant mettre au jour et dénoncer les conflits d’intérêts évidents existe.
L’ampleur des contrats en jeu, le survol des processus d’acquisition des gouvernements et de la simple procédure réglementaire visant à lutter contre l’émergence de situations où un fonctionnaire se place en conflit d’intérêt posent d’importantes questions. Un court comparatif entre le fédéral et la province de Québec laisse entendre que le statut particulier quant à la corruption du système politique québécois n’est peut être pas aussi particulier qu’on ne le croit. Les faits laissent croire qu’au fédéral, la question des conflits d’intérêt n’est pas prise au sérieux ; elle n’est pas suffisamment règlementée et les scandales financiers et de corruption pourraient se multiplier et avoir un impact beaucoup plus dévastateur sur la crise de confiance des contribuables envers les dirigeants politiques québécois.
Réélection de Harper, la boîte de Pandore ?
Les cinq dernières années du gouvernement conservateur furent des années fastes en dépenses, dans la mise en oeuvre de très vastes programmes d’ acquisition et dans la déréglementation des processus d’acquisition éliminant de nombreuses procédures de contrôle et de vérification pour éviter les abus. Il devient de plus en plus difficile de repérer, documenter, vérifier et dénoncer les manoeuvres de trafics d’influence et les actes frauduleux. Ainsi le gouvernement en place peut se targuer d’être une administration propre, les outils de suivi sont disparus.
La politique de défense du Canada se limite dorénavant au plan d’acquisition " Le Canada d’Abord " prévoyant un accroissement annuel du budget de la défense de 100 milliards de dollars échelonné sur 15 ans. Ce plan d’ acquisition repose essentiellement sur un programme d’acquisition massif d’ équipements dont la valeur pourrait varier entre 100 et 150 milliards de dollars, probablement encore beaucoup plus une fois tous les achats effectués, et les coûts véritables connus.
Les contribuables vont-ils, encore une fois, encaisser le coup de massue sans broncher ?
Normand Beaudet
Membre fondateur du Centre de ressources sur la non-violence
www.nonviolence.ca