Il n’en manque pas une. Elles sont toutes là. Multinationales du pétrole ou du charbon, cimentiers, banques qui financent des investissements climaticides, champions de la chimie, de l’automobile et de l’agro-industrie, elles sont toutes présentes, en tant qu’invités, sponsors ou partenaires de la conférence « Business & Climat » qui se tient ces 20 et 21 mai à Paris. Elles polluent, sont responsables des deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) et dévastent la planète. Mais elles prétendent agir pour le climat. Et elles sont félicitées et encouragées par les gouvernements et l’ONU. Va comprendre !
Jeter un œil aux sponsors de l’initiative donne le vertige, tant il y a de CO2 (et de milliards de dollars) au mètre carré. Voyez vous mêmes : Arcelor Mittal, BNP Paribas, EDF, Engie, Lafarge, Michelin, Saint-Gobain, Solvay, Suez Environnement, Total, Veolia, Vinci, Renault, etc. Toutes ces entreprises ont été récemment mises à l’index par des ONG pour des choix d’investissements contraires à la lutte contre les dérèglements climatiques. Le tableau ne serait pas complet sans rajouter BP, BMW, Cemex, Chevron, Eni, Ford, Honda, Ikea, Nissan, Pirelli, RWE, Shell, Vale et les autres, cachés dans des regroupements de pollueurs tels que le WBCSD.
Pourtant, elles sont toutes accueillies en grande pompe, par François Hollande qui les félicite pour leurs engagements, tout en les invitant à faire plus (plus d’émissions de GES pour plus de dollars ?), et par l’ONU qui a perdu tout sens de l’intérêt général.
Ségolène Royal, elle, n’a pas attendu pour délivrer le message : « écologie et économie ne s’opposent plus ».
Ce n’est pas vrai et il faut le rappeler clairement : le business de ArcelorMittal, EDF, ENGIE, Lafarge, Total, Suez, très émetteur de gaz à effet de serre, est totalement contradictoire face à la lutte contre les dérèglements climatiques. Pour être sérieux en matière de climat, ce sont de deux tiers à 80% des réserves d’énergies fossiles qu’il faut laisser dans le sol (voir cette tribune au Monde). Quelles sont les multinationales qui se sont engagées à oeuvrer pour respecter cet objectif ? Aucune.
Entre poursuivre l’extraction des énergies fossiles et le climat, il faut choisir ! François Hollande n’a pas choisi. S’il veut être crédible et honnête dans la perspective de la COP21, il est plus que temps qu’il choisisse son camp.
Il ne viendrait à personne l’idée de confier la lutte contre le tabagisme aux multinationales du tabac. Pas plus que de confier la sécurité routière aux chauffards de la route ou l’arbitrage d’un match de football à des hooligans enivrés par l’alcool. Il devrait en être de même pour le climat : les responsables des dérèglements climatiques, à commencer par les entreprises addicts aux énergies fossiles et dont le business dépend étroitement d’émissions de GES insoutenables, devraient être tenues à l’écart des négociations et arènes où se décident des politiques de lutte contre les dérèglements climatiques.
Au printemps 2014, Attac France, le CRID et le RAC, avaient interpellé François Hollande et le gouvernement français en l’invitant à bien définir ses alliances et à agir pour dépolluer les négociations climatiques. Cette lettre ouverte est restée sans réponse. François Hollande et le gouvernement ont manifestement choisi : il n’est pas question pour eux de remettre en cause le business as usual et les fausses solutions promues et mises en œuvre par le secteur privé et les multinationales les plus polluantes. Pas plus qu’ils n’ont exclu le financement de la COP21 par des champions des énergies sales.
Autant de raisons qui ont poussé plusieurs organisations à se faire entendre à l’ouverture de la conférence sur « Business & climat » et à organiser une haie du déshonneur à l’entrée de la conférence (photos ci-dessous) : « à 6 mois du sommet climat de Paris-Le Bourget, 350.org, les Amis de la Terre, Attac France et les J.E.D.I. for Climate sont déterminés à agir pour que le monde tourne définitivement la page des combustibles fossiles et s’engage vers un futur basé sur la réduction de la consommation, l’efficacité énergétique et 100 % d’énergies renouvelables » (voir CP ici).
Une perspective dont ne veulent pas les entreprises championnes des énergies sales. Pas plus que François Hollande et le gouvernement, semble-t-il.
Maxime Combes, Economiste, membre d’Attac France et de l’Aitec,