Le PQ est plus pressé que les Libéraux, et aussi vite que la CAQ, pour diminuer la dette non seulement en n’abolissant pas comme promis le « Fonds des générations » mais plutôt en affectant à son remboursement de précieuses ressources tout en diminuant les dépenses d’infrastructures alors que ralentissement économique et urgence écologique commandent le contraire. Cerise sur le gâteau, le PQ s’en remet aux grandes entreprises pour sauver l’économie en réinstaurant un cadeau fiscal pour les grands projets que les Libéraux avaient supprimé, en reconduisant tel quel le plan Nord qui perd seulement son nom et en faisant « passer le crédit d’impôt remboursable sur les salaires des employés en recherche et développement de 17,5% à 27,5% pour les entreprises qui ont plus de 75 millions en actifs » (La Presse, 22/11/12).
Les chambres de commerce sont contentes, les agences de notation satisfaites et Libéraux et Caquistes n’ont plus qu’à laisser passer le budget tout en faisant semblant d’être contre. Est-ce vrai pour autant que le PQ ait baissé pavillon à gauche comme plusieurs le prétendent ? Loin de là. Il y aura 28 000 places en garderie à 7$ — tarif qui ne sera pas augmenté — de plus... sur 4 ans. Allo les femmes ! Les frais de scolarité seront gelés à court terme… et vive la paix sociale. Allo les jeunes ! On construira 3 000 logements sociaux. Allo les pauvres ! Il y aura un crédit d’impôt remboursable pour les activités physiques, artistiques et culturelles des enfants. Allo les familles ! On ajoute l’abolition de la « règle des 15 ans » protégeant les brevets pharmaceutiques… qui seront consolés par le nouveau crédit d’impôt. Allo partisans de Pharma-Québec ! On va même rajouter un « Neomed » avec ça, un PPP de recherche-développement bio-pharmaceutique. Pour finir le tout en apothéose, la contribution anti-déficit des institutions financières, en fait de leurs employé-e-s, sera augmentée et prolongée et le taux d’imposition des revenus excédant 100 000 $ sera augmenté de 1.75%. Allo les antilibéraux ! Ce soupoudrage rehaussé de la complainte du gouvernement minoritaire sera l’arme de séduction vers la gauche lors de la prochaine campagne électorale.
La réplique de Québec solidaire : les bottines ne suivent pas les babines
Ce budget démontre encore une fois, après les coupures et baisses d’impôt des gouvernements Bouchard et Landry, que le PQ est néolibéral de mur à mur tout autant que les Libéraux et la CAQ, qu’il n’y a pas plus de raisons d’avoir des égards envers le PQ qu’il y en aurait d’en avoir envers ces partis. Ce parti n’a rien de « social-libéral » comme le prétend Gauche socialiste quoique le PQ est capable d’une bonne dose de populisme quand ça sent les élections. Certes, Québec solidaire n’avait pas d’autres choix que de dénoncer vertement ce budget patronal et d’annoncer qu’il voterait contre alors qu’il était venu à deux doigts de voter la confiance au discours du trône. Toutefois, les mesures d’urgence invoquées dans la réplique au discours du budget accouchent d’une souris. On se contente de demander de rehausser l’aide sociale et de dépénaliser les pensions alimentaires, les seules demandes précises plus de vagues remarques à propos du logement social, de l’éducation, du transport public et de Pharma-Québec.
Si la réduction réelle des dépenses est critiquée, nulle mention n’est faite ni du remboursement (accéléré) de la dette et ni de la réduction des travaux planifiés d’infrastructure de même que de leur contenu peu écologique. Cette insistance sur le soutien des revenus laisse sous-entendre que la lutte pour l’emploi, à salaires décents plein temps toute l’année et avec équité salariale, vers le plein emploi écologique n’est pas le moyen principal pour vaincre la pauvreté. Si on veut être précis pour le soutien au revenu, pourquoi revendiquer 700 $ soit moins que le revenu minimum garanti de mille dollars par mois de la plate-forme électorale ? Jusqu’à quand Québec solidaire « adaptera-t-il » sa plate-forme au « réaliste » rapport de forces du moment alors que l’objectif du parti devrait être à travailler à l’améliorer premièrement en restant fidèle à sa plate-forme qui, pour dire le vrai, est déjà une adaptation de ce que serait une alternative antilibérale et encore plus anticapitaliste.
Évidemment, pour le PQ comme pour Québec solidaire, il ne saurait être question de lier le budget à la question nationale qui n’est pour ces partis qu’une affaire de constitution et de langue. Le déséquilibre fiscal est disparu du discours politique avec la mise au rancart de la lutte réellement existante pour l’indépendance. Québec solidaire est à mille lieux d’avancer un moratoire sur le paiement de la dette publique, qui libérerait environ neuf milliards $, et une véritable réforme fiscale :
« …en ne tenant compte que des baisses de l’imposition générale des particuliers depuis 2000 et de deux catégories de déductions fiscales consenties principalement aux plus fortunés, on constate que l’État québécois se prive chaque année de 9,8 milliards$ en revenus (je souligne). Il s’agit là d’une marge de manœuvre appréciable, et elle ne prend même pas en considération les baisses d’impôt consenties aux entreprises. » (IRIS, « D’où vient la “crise’’ des finances publiques <http://www.iris-recherche.qc.ca/pub...> », mars 2008, pages 6-7).
Pour ce faire serait nécessaire la perspective d’une indépendance pour avoir le pouvoir d’exproprier les banques afin de se doter d’une Banque du Québec avec une monnaie québécoise. Ainsi serait possible un contrôle des flux de capitaux avec l’extérieur, dit « contrôle des changes », et la direction politique de la collecte des épargnes et de l’allocation des investissements. Sans cette indépendance libératrice des jougs fédéral et financier, inutile de plaider pour l’écosocialisme qui restera un discours du dimanche.
Marc Bonhomme, 25 novembre 2012