Cet argument revient souvent dans les débats actuels. Mathieu Bock-Côté, un des roquets de service de Quebecor disait plus tôt cette semaine que René Lévesque était resté dans nos mémoires collectives parce qu’il n’était « ni de gauche ni de droite » et que la cause « sacrée » de l’indépendance passait par-dessus ces « petites choses ». D’autres ténors nationalistes et péquistes affirment souvent que la « cause sacrée » doit réunir « tout le monde », que le peuple québécois ne « peut se permettre d’être divisé ». Implicitement, cet argumentaire demande à la gauche, quelques fois agressivement, de se la fermer !
En réalité, les choses ne vont pas de même. L’indépendance n’est pas une « cause sacrée », c’est un objectif politique qui s’inscrit dans une perspective plus vaste, soit celle de produire plus de liberté et plus de justice. Sans cela, il n’y a plus aucun sens à la question de l’indépendance, sinon la vision inavouable du nationalisme ethniste, du refus de l’autre, d’un « nous » autant frileux que xénophobe. L’histoire est parsemée de tragédies au nom de ce « nationalisme ».
Pour autant, la lutte pour les droits nationaux est noble et généreuse. L’oppression nationale exercée par des puissances pervertit les rapports sociaux en pratiquant la discrimination systémique, en jouant le terrible tout-le-monde-contre-tout-le-monde. Les peuples dominés ont le droit de réclamer leurs droits, ce qui en principe ne se fait pas contre d’autres peuples parce que c’est une lutte pour la justice, et non pour remplacer une injustice par une autre injustice.
Par exemple au Québec, l’indépendance du Québec doit se faire avec les peuples autochtones qui sont avec nous copropriétaires du territoire. Plus encore, la minorité anglophone de même que les immigrantEs font partie du peuple québécois. Ce ne sont pas des martiens transplantés contre qui l’indépendance se fera. Au contraire, c’est avec eux que l’indépendance se fera, une indépendance qui améliorera leur vie.
Certains me diront que je rêve ? Savez-vous que dans plusieurs luttes d’affirmation nationale récentes, des minorités se sont mises avec des majorités pour se battre ensemble S ? Je pense par exemple aux autochtones et aux populations blanches et métisses de pays d’Amérique latine comme la Bolivie …
Il y a une autre raison plus concrète et directe qui fait que l’indépendance ne peut pas être désincarnée. Au Québec et au Canada, les changements démographiques ne font que s’accélérer et à coup sûr, les minorités vont devenir plus importantes dans notre société. Ceux qui voudraient fermer les frontières nous conduiraient tout droit à une catastrophe raciste et ethniste. C’est ce projet insensé et criminel que les médias-poubelles mettent de l’avant et qu’il faut combattre par un projet d’émancipation à la fois social et national. La majorité « gagnante » pour les prochaines élections et même pour un prochain référendum viendra non pas des derniers carrés de bérets blancs qui sont de droite (et pas vraiment « ni de gauche ni de droite »), mais de la majorité populaire y compris des immigrantEs. Si vous n’êtes pas convaincus, allez-vous promener dans le quartier Dorion-Laurier à Montréal où notre ami Andrés Fontecilla a passé proche de l’emporter pour Québec Solidaire. La prochaine fois sera la bonne pour Andrés…
Au bout de la ligne réellement, s’investir dans la lutte d’émancipation, c’est être de gauche. Tant pis pour Bock-Côté et les autres.