Les services publics sont un élément essentiel pour aider les femmes à obtenir leur autonomie.
« Éducation et sécurité économique vont de pair. Nous avons besoin de celle-là pour assurer celle-ci. Des enfants en meilleure santé et une plus grande égalité pour les femmes découlent naturellement d’une meilleure éducation, ce qui amène de plus grands avantages économiques. En retour, les femmes autochtones auraient de meilleures chances d’échapper à la violence à mesure qu’elles s’éloignent des marges de la société et de la pauvreté. L’éducation est à la base d’un changement substantiel. Le fondement de tout ceci est de s’assurer que les femmes et filles autochtones obtiennent une éducation de qualité [1]
Mais ces services existent peu à l’échelle du Canada et leur accès est difficile. Ce qui fait que les femmes autochtones ont peu ou pas accès aux services.
« Certains peuples autochtones, surtout dans le nord du pays, n’ont pas accès aux services sociaux et de santé parce qu’ils habitent des réserves isolées (Hardy et autres, 2000). Nombre d’ouvrages à ce sujet ont démontré la marginalisation des femmes autochtones dans l’accès aux services des soins de santé ordinaires (Benoit, Carroll et Chaudhry, 2003 ; Browne et Fiske, 2001 ; Brunen, 2000 ; Dion Stout, Kipling et Stout, 2001). Comme l’a énoncé Tait (2008), des pratiques profondément ancrées de subordination due au sexe combinées à une marginalisation économique et culturelle ont fini par s’entrecroiser de façon à opprimer de façon toute particulière les femmes autochtones de toutes les régions du Canada et à les réduire au silence. (p.2, traduction libre). [2]
« Il faudrait tout d’abord qu’il y ait des écoles primaires et secondaires dans toutes les communautés autochtones, ce qui n’est pas le cas actuellement. Beaucoup de jeunes autochtones doivent aller à l’école à l’extérieur de leur communauté et vivent un choc culturel et du racisme. Nous aimerions également être autonomes et avoir nos propres autorités scolaires, qui nous permettraient notamment de développer des programmes scolaires adaptés à nos langues, nos cultures et nos valeurs. [3]
Aussi l’accès à l’éducation s’avère difficile pour tout le monde, y compris les femmes :
« Les enfants et les jeunes autochtones sur réserve n’ont pas accès au même apprentissage que le reste de la population puisque l’éducation dans les communautés autochtones, qui est sous compétence fédérale, est sous-financée. Le gouvernement fédéral consacre en moyenne 3000$ de moins par élève autochtone que ce que les provinces consacrent pour les élèves dont elles ont la responsabilité. Nous voyons aussi trop souvent les établissements scolaires être inadéquats quant aux besoins et à la sécurité des enfants (ex : pas de laboratoire, absence de gymnases, bâtiments aux prises avec des moisissures, écoles dans des roulottes...) D’ailleurs, depuis le 25 février 2013, le Gouvernement du Canada comparaît devant le Tribunal canadien des droits de la personne pendant 14 semaines d’audience pour déterminer si son programme inéquitable et défaillant de services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, dont l’éducation, est discriminatoire.
Le taux de décrochage est aussi un des plus élevés de la population. De plus, selon une étude sur l’éducation chez les Autochtones au Québec, publiée par l’Institut C. C. Howe en 2011, les Autochtones québécois sont en moyenne moins bien éduqués que l’ensemble des Autochtones canadiens, qui sont eux-mêmes moins bien éduqués que l’ensemble de la population canadienne. Pour ce qui est des études post-secondaires, une étude de Statistiques Canada en 2006 indique que la proportion de diplômé-es universitaires est trois fois plus faible chez les Autochtones que dans le reste de la population. [4]
Mais pour les femmes des raisons spécifiques au décrochage scolaire existent :
« Les femmes autochtones sont doublement discriminées et marginalisées en tant que femmes et autochtones . Au Canada, elles continuent de souffrir de pauvreté et de violence davantage que le reste de la population autochtone et de la population canadienne en général. De plus, selon une étude de Statistique Canada en 2007, les femmes autochtones enregistrent un taux de monoparentalité deux fois plus élevé que celui des femmes non autochtones. Selon cette même étude, « les responsabilités familiales » représentent la raison la plus souvent invoquée pour les études post-secondaires inachevées, alors que « la grossesse ou les soins des enfants » constitue l’explication la plus fréquente de l’abandon des études secondaires [5]
Et quand ces services existent, elles les utilisent peu car elles y sont victimes de racisme.
« Heureusement, des études ont permis de découvrir certaines des anomalies qui subsistent et que les femmes autochtones doivent surmonter (Kurtz et autres, 2008). Dans le cadre de l’étude de Kurtz et autres (2008), les femmes ont dit avoir été victimes de marginalisation et de racisme de la part de fournisseurs de soins de santé ; elles ont raconté comment on les a souvent forcées au silence ou on a fait fi de ce qu’elles disaient. Dans son étude, Donner (2000) remarque que certains des problèmes d’inégalité des femmes autochtones les privent essentiellement du droit de parole. Quand elles ont recours aux services de santé, on ignore leurs propos ou on n’en tient pas compte (Dodgson et Stuthers, 2005). Kurtz et autres (2008) sont d’avis qu’en raison du silence qui leur est ainsi imposé, les femmes en viennent souvent à négliger leurs problèmes de santé ou à attendre avant de faire appel aux services de santé afin d’éviter les interactions racistes. Les auteurs font également remarquer que ces décisions mettent en danger la santé personnelle des femmes. [6]
Me semble que cela devrait sonner une cloche : le racisme envers les communautés autochtones. Ces communautés au Canada sont marginalisées, exclues de la vie économique et n’ont que peu de droits. C’est une honte et cette exclusion favorise le racisme. EXCLUSION-PAUVRETÉ-RACISME c’est une roue qui tourne et pour commencer à briser cette chaîne l’accès aux services sociaux en éducation et en santé est essentiel.
Mais les idéologies néolibérales ne pensent qu’en termes de chiffres et d’argent. Et donner des services à ces communautés éloignées devient une dépense et non un investissement. Pourtant, donner des services en éducation et en santé aux personnes autochtones y compris les femmes, ça peut être payant monsieur Harper.
« En calculant l’incidence financière, les auteurs peuvent affirmer – données probantes à l’appui – que la parité entre Autochtones et Canadiens est non seulement une affaire d’importance morale, mais que « c’est aussi un investissement sain qui rapportera des dividendes substantiels pour les décennies à venir. Plus précisément, la population autochtone du Canada pourrait jouer un rôle-clé pour réduire la pénurie de main-d’œuvre imminente due au vieillissement de la population canadienne et à son faible taux de natalité ». Les auteurs poursuivent en estimant que la « réduction complète des écarts en éducation et sur le marché du travail d’ici 2026 entraînerait des bénéfices cumulatifs de 400,5 milliards (en dollars 2006) en montants supplémentaires et de 115 milliards en dépenses gouvernementales évitées au cours de la période 2001-2026 » . [7]
Tout cela ne justifie-t-il pas d’établir des politiques claires envers les communautés autochtones ? Me semble que cela ferait de belles promesses électorales ?
Chloé Matte Gagné