Elles sont venues s’ajouter aux quelque 15 000 morts victimes d’une « guerre aux migrants » qui atteint actuellement des sommets d’inhumanité. Ainsi, selon des informations concordantes, depuis plusieurs jours un bateau transportant plus de 600 personnes est en perdition au large des côtes libyennes [voir ci-dessous, l’article de W.G. Dunlop du 11 mai 2011], dans l’indifférence générale.
Cette indifférence tue. Dans son édition du 8 mai, le quotidien britannique The Guardian rapporte qu’au début du mois d’avril 2001 une soixantaine de boat people sont morts de faim et de soif après avoir dérivé des journées entières. Sous la menace des patrouilles chargées d’empêcher l’approche des côtes italiennes et maltaises, ils étaient aussi sous le regard des bâtiments de la coalition internationale engagée en Libye.
Une enquête impartiale doit rapidement déterminer les responsabilités de l’ensemble des acteurs qui ont manqué à leur devoir d’assister les bâtiments et les personnes en détresse, violant les lois les plus élémentaires du droit maritime international.
Au-delà de ces événements, symptomatiques des contradictions d’une coalition garante de la « responsabilité de protéger » défendue par la communauté internationale, c’est l’ensemble de la politique européenne d’immigration et de contrôle des frontières qui est en cause.
Depuis le début des années 2000, les régimes des pays d’Afrique du Nord jouent le rôle de gardes-frontière de l’Europe, en pourchassant et en enfermant les personnes qui souhaitent mettre en œuvre leur droit à émigrer (art. 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme). La sous-traitance des contrôles migratoires aux régimes dictatoriaux est au cœur de la politique de voisinage de l’UE. Face aux événements historiques que connaît le monde arabe, la réaction des pays européens a été de faire pression sur les forces politiques issues des soulèvements populaires (Gouvernement provisoire tunisien, Conseil national de la transition libyen) pour qu’elles assument pleinement l’héritage répressif et liberticide des dictateurs-partenaires de l’UE.
Pour empêcher quelques milliers de personnes qui, se saisissant de l’opportunité offerte par l’affaiblissement des appareils policiers, tentaient de se rendre en Europe, l’agence Frontex a déployé ses moyens militaires (navires, avions, hélicoptères…) autour de l’île de Lampedusa et face aux côtes tunisiennes et libyennes. L’objectif de cette opération Hermes est de dissuader tout départ vers le nord, au mépris de la convention de Genève de 1951 et du principe de non-refoulement des demandeurs d’asile.
Les exilés partant d’Afrique du Nord et en recherche de protection en Europe sont aujourd’hui pris dans un étau mortel. D’un côté, le régime du colonel Kadhafi les pousse sur de véritables épaves des mers ; de l’autre des navires battant pavillon des pays de la coalition internationale refusent d’assister ces boat people en péril.
Les Etats européens et l’agence Frontex ne peuvent pas continuer de violer impunément les conventions internationales en matière de sauvetage en mer et de protection des réfugiés. Une intervention solidaire de l’UE en Méditerranée est possible [voir l’Appel de Migreurop] et doit mettre fin à l’attitude inhumaine des pays européens à l’encontre des migrants partis d’Afrique du Nord. Tant que ces hostilités n’auront pas cessé, la coalition engagée au nom de la « responsabilité de protéger » continuera de tuer au mépris du droit international qu’elle est supposée incarner.