Édition du 18 juin 2024

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Immigration

Migrations et crise politique

Les média parlent de « crise des migrants » ou de « crise migratoire » pour diffuser l’angoisse des populations. « Crise », dans ce cadre, ne signifie rien sinon de faire retomber la faute, la responsabilité sur les victimes, les migrants, d’une situation qu’ils n’ont pas choisie.

tiré de : Entre les lignes et les mots 2018 - 28 - 28 juillet : Notes de lecture, textes, lien et annonce

Les migrations sont issues de toutes les crises qui secouent le monde en trainde basculer. Elles révèlent, au sens photographique, les révolutions en cours. Un capitalisme, celui à dominante financière, est en train de pourrir sur pied, est quasi déjà mort, un autre capitalisme est en train de naître et doit, pour ce faire, révolutionner une fois encore le mouvement de l’accumulation du Capital. Un mouvement qui inclut des éclatements géopolitiques. Toutes les constructions sont menacées. Le monde tel qu’il s’est constitué depuis la fin de la deuxième guerre mondiale appartient au passé. La chute du Mur de Berlin en novembre 1989 avait marqué le début de la fin de ce monde. La crise systémique ouverte en août 2007 avait sonné son glas. Depuis plus de 10 ans, le capitalisme connaît les répliques de cette crise systémique.

Les migrations en sont le résultat. Les éclatements, les guerres, les dictatures, la famine, la disette en sont les causes profondes. Plus fondamentalement, elles proviennent d’une construction internationale dominée par l’idéologie libérale. La mondialisation, qui reposait en partie sur du bluff, s’est construite surtout autour de l’internationalisation des marchés financiers, manière aussi de dominer, par la dette et les capitaux spéculatifs les pays dits du tiers-monde.

La crise de 2007 et plus encore la faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008 a provoqué une crise supplémentaire qui n’a pas encore trouvé de réponse : celle de l’idéologie libérale. Plus personne ne croit que les marchés s’autorégulent, que la physique préside à l’économie. Mais aucune idéologie alternative ne l’a remplacée. Les analyses se multiplient sur la critique des théories néo-classiques, notamment, en France, sous la férule de Gaël Giraud, sans pour autant construire une idéologie qui permette de justifier les politiques suivies par une vision du monde. Parler de « crise des migrants » permet aussi de dissimuler cette absence et de la remplacer, sans le dire, par des constructions d’exclusions proches de celles du fascisme.

Les migrations sont donc structurelles dans cette transformation du capitalisme. La revendication de la liberté de circulation est essentielle. Elle va de pair avec les impératifs de solidarité et de l’hospitalité pour le renouveau de valeurs de gauche. Le primat de la fraternité comme valeur constitutionnelle reconnu par le Conseil Constitutionnel, en France, affaibli les lois répressives passées et récentes qui ont fait de la solidarité un délit.

L’accueil des migrant-e-s est une question centrale qui permet de mettre à jour la rhétorique imbécile et barbare de l’extrême droite et de tous ceux – commencer par Wauquiez – qui prétendent surfer sur les peurs et les angoisses des populations pour leur intérêt personnel.

L’absence de réponse concrète, crédible sur les migrations fait exploser la crise d’orientation, la crise politique qui secoue à la fois – « en même temps » – la gauche et la droite. La gauche officielle est morte comme la droite. Pour LR ne restent plus que des incantations qui font le jeu du FN – pardon, du RN – qui se sert des migrants pour alimenter son discours de haine, raciste et antisémite.

Pour qualifier ce discours, le terme non défini de « populisme » ne correspond pas. Il s’agit bien de fascisme. Certes, une nouvelle manière qui s’appuie sur la crise de la démocratie incapable de justifier ses mythes fondateurs, en particulier la lutte pour l’égalité. Les inégalités profondes des sociétés capitalistes font imploser le mythe. La démocratie peut faire faillite.

La transformation de la forme de l’État en cours, le passage d’une forme sociale – nommée « État Providence » – à une forme répressive, dictatoriale se justifie par la lutte contre le terrorisme et l’immigration, illégale bien sûr ajoutent les gouvernements bien-pensants, sans que personne ne soit capable de tracer une nette frontière, sur ce terrain, entre légale et illégale.

Interrogation subsidiaire : quelle est la définition macronienne de l’État providence lorsque tous les acquis sociaux, la sécurité sociale sont remis en cause ? Parle-t-il de cette forme répressive de l’État ? Dans ce cas il tourne le dos à la construction même de cette forme de l’État qui a marqué les « 30 glorieuses » !

La question des migrants est bien une question vitale, décisive parce qu’elle cristallise toutes les politiques.

Nicolas Béniès

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